Stoïcisme (A)

Comment citer ?

Bronowski, Ada (2021), «Stoïcisme (A)», dans Maxime Kristanek (dir.), l'Encyclopédie philosophique, consulté le ..., https://encyclo-philo.fr/

Publié en octobre 2021

 

Résumé

On présente les thèses, avec de brefs commentaires et explications, de tous les aspects les plus importants du stoïcisme antique. On se concentre sur le tronc commun de l’orthodoxie stoïcienne, et on souligne la cohérence systématique de cette école de pensée. Ainsi la causalité, un déterminisme idiosyncratique, et l’ontologie constituée de corps et d’incorporels sont les thèmes pivots sur lesquels on montre que s’érige tout le système connecté des Stoïciens : des théories sur le macrocosme, qui sous-tendent celles du rapport entre les corps, qui est à la base de la possibilité de la connaissance pour l’homme, qui constitue sa possibilité de vivre heureux.

Pour chaque thème, on fait des renvois bibliographiques à des textes anciens et des commentaires modernes en français et en d’autres langues modernes, pour approfondir les sujets.

 

Table des matières

  1. Introduction​​​​​​​
    1. Faire école et la longue durée
    2. Naissance d’une nouvelle école
    3. Sources
      1. Les fragments de textes stoïciens : guide d’orientation
  2. Ordre Cosmique
    1. Début et Fin du Monde
    2. L’Eternel Retour
    3. Le Principe Actif ou Raison ou Dieu ou Providence ou Destin
  3. Déterminisme
    1. Rationalité et Déterminisme
    2. L’Univers est un Animal comme les Autres : Macro et Microcosmes  
    3. Pneuma : Une Tension Dans Tous Ses Etats
  4. Le Corps : Je Cause Donc Je Suis
    1. L’âme est un Corps
    2. Description, Définition et Critère : méthode et métaphysique
    3. La Resistance comme Capacité d’Agir ou de Pâtir
    4. Sympathie Cosmique
  5. La Causalité ou le Monde comme Evènement 
    1. Être ce que l’on est et se mouvoir
    2. Une révolution en logique : Deux Corps, Un Incorporel
    3. Cause Principale, cause auxiliaire et la multitude d’événements
    4. Face aux écoles rivales : la guerre des causes a eu lieu et la querelle des universaux, avortée
    5. Les Quelque Choses : Corps et Incorporels
  6. Les Lekta : ontologie, épistémologie, langage
    1. Lekta : causalité
    2. Lekta : rationalité du monde
    3. Ce qui est vrai ou faux
    4. Ce que l’on pense
    5. Tout ce que l’on peut dire
  7. L’Etre humain et le monde : épistémologie et éthique
    1. Devenir complétement rationnel
    2. Le développement naturel de la raison
    3. La Première impulsion à la préservation de soi
      1. Plutôt douleur que plaisir
    4. L’Appropriation de soi et du monde : l’oikeiōsis
      1. le Premier Cercle
    5. Les Cercles Concentriques
    6. La Cosmopolis
    7. La Théorie des Masques
    8. La Place de l’homme dans le monde – les animaux
    9. Le But de la Vie
  8. L’Indifférence
    1. Le Test du Naufrage
    2. L’échelle des valeurs
    3. De l’indifférence au Préférable à la Vertu comme standard absolu
    4. La Tentation de la paresse face à l’inéluctabilité du Devoir
    5. Les émotions : des erreurs de jugements et la possibilité du progrès face à l’exemplarité
    6. Responsabilité et Liberté
  9. Bibliographie

 


Introduction

Faire école et la longue durée

Le stoïcisme est un système philosophique complet qui donne des réponses aussi bien sur les questions de vie et mort du cosmos, que sur l’existence de l’infiniment petit et de tout ce qu’il y a entre les deux. Bien que les Stoïciens divisent l’étude de la philosophie en trois grands champs d’étude : la logique, la physique et l’éthique, les thèses mises en avant sont souvent imbriquées les unes dans les autres. Ainsi, quand Cicéron parle du thème du destin et du déterminisme dans le stoïcisme, il dit bien que pour traiter de ce sujet, il faut faire appel autant à la logique qu’à la physique, qu’à l’éthique1. Or la question du déterminisme est centrale et omniprésente dans le système stoïcien. Elle exemplifie le souci de cohérence et de systématicité dans le stoïcisme, au prix souvent d’être accusé d’une obsession pour le paradoxe et la provocation2.

Le stoïcisme est une école de philosophie qui s’étend sur six siècles, et qui se caractérise par une continuité doctrinale remarquable. Ainsi des thèses énoncées par le fondateur Zénon de Citium, (334-262 av. J-C), sont non seulement rappelées par des Stoïciens travaillant plusieurs siècles après sa mort, mais sont de continuels sujets d’interprétation. Les générations de Stoïciens travaillent ainsi dans un souci de fidélité à la pensée fondamentale de l’école, en œuvrant à en extraire toujours davantage de précisions. C’est cette systématicité auxquelles se réfèrent tous les Stoïciens plus ou moins explicitement qui fait l’enracinement de cette école philosophique.

En même temps, le stoïcisme est une école de philosophie animée et représentée par une série de figures historiques, évoluant dans des contextes socio-politiques extrêmement variés. Zénon de Citium, Cléanthe, Chrysippe, Sénèque, Epictète et Marc-Aurèle sont des noms qui désignent chacun des personnalités et états sociaux aussi diverses qu’un marchand venu des îles, un citoyen d’Athènes, un des hommes les plus riches de Rome, un esclave, et un empereur pour ne citer que les contrastes les plus parlants. Ces personnalités, leurs intérêts et leurs histoires individuelles sont inséparables de la philosophie qu’ils ont écrite – surtout quand il s’agit d’une philosophie qui, à partir de la période hellénistique, exacerbe l’identification de la parole philosophique avec une pratique qui la reflète. Or c’est justement en tenant compte de cette variété des personnalités et de contextes historiques que l’on est aussi amené à confirmer la présence d’un tronc commun qui fonde la stabilité sur la longue durée de l’école stoïcienne malgré ces chamboulements extrêmes.

Cet enracinement de l’école est scellé par un événement historique éclatant : l’envoi en 155 av. J-C. d’une délégation Athénienne à Rome pour une question de litige de politique des territoires. Pour ce faire, les Athéniens choisissent comme ambassadeurs des représentants des trois écoles principales de philosophie d’Athènes, (on les appellerait ‘l’establishment’) : un Platonicien (Carnéade), un Aristotélicien (Critolaos) et un Stoïcien (Diogène de Babylone)3. C’est la consécration absolue de la place majeure et permanente de l’école stoïcienne.

Naissance d’une nouvelle école

L’école stoïcienne est fondée au 3ème siècle avant J-C par Zénon de Citium. Comme son toponyme l’indique, Zénon n’est pas originaire d’Athènes, mais d’une cité au sud de l’île de Chypre. C’est après la perte en mer d’une cargaison de porphyre, qu’il débarque à Athènes, et, qu’à l’âge de trente ans, au dire de son biographe Diogène Laërce (D.L. 7.2), il commence ses études de philosophie. Ces débuts, vrais ou mythifiés (D.L. en donne d’ailleurs d’autres versions à 7.4-5), ne sont pas sans pertinence pour certains traits caractéristiques de la doctrine que Zénon élaborera, qui fera des revers de fortune et des duretés de la vie la pierre de touche d’une hiérarchisation radicale de la valeur des choses dont l’importance décroît au fur et à mesure que notre capacité d’agir sur elles s’amoindrit.

Quand Zénon commence à étudier la philosophie à Athènes, Platon est mort depuis une quarantaine d’année, et Aristote, depuis une quinzaine d’années. C’est auprès de disciples de Platon que Zénon étudia d’abord, avant de passer chez les cyniques (avec Cratès) et les dialecticiens innovateurs de l’école Mégarique4. Une formation solide mais aussi ouverte et éclectique.

On notera brièvement l’absence de mention d’un passage de Zénon par le Lycée aristotélicien, ce qui se reflète dans l’absence d’intérêt pour les positions aristotéliciennes, du moins dans la première période grecque du stoïcisme. Les philosophes avec qui entrer dans un débat critique, ce sont les Platoniciens ; le défi n’est pas posé par les premiers Péripatéticiens, qui sont eux aussi aux prises avec le Platonisme – d’égal en égal avec les Stoiciens5. Cela changera du tout au tout après l’essor de l’Aristotélisme déclenché avec l’édition des textes Aristotéliciens par Andronicos de Rhodes6. Les Commentateurs Aristotéliciens nous ont laissé des traces de débats très précis entre deux systèmes aussi complexes que radicalement incompatibles.

Mais au fondement du stoïcisme, c’est le Platonisme qui est la cible de toutes les critiques. Se démarquer dans ce contexte veut dire avoir des réponses critiques fortes et constructives par rapport à la philosophie platonicienne : sur la théorie des Idées, sur l’âme séparable et distincte du corps, sur le statut du monde sensible.

La prise de position par rapport aux Idées est décisive ; les nouvelles écoles de pensée de la période hellénistique se forgent leurs lignes distinctives à partir des divers perspectives critiques adoptées sur les Idées de Platon. C’est ainsi que ressortent de ce cette première phase de réception critique de Platon, quatre écoles majeures de philosophie : les Platoniciens, les Péripatéticiens, les Stoïciens et les Epicuriens.

Quatre écoles avec quatre réponses différentes aux grandes questions posées par Platon. C’est pourquoi les Sceptiques les appelleront les quatre écoles ‘dogmatiques’, car elles développent des dogmes, alors que le scepticisme, qui se développe depuis Pyrrhon (contemporain de Zénon), ne se satisfait d’aucune réponse, et continue de questionner et d’examiner encore les questions. Cette rivalité entre les écoles, attisée par leur constante remise en cause par les Sceptiques, (fièvre sceptique qui gagnera l’Académie Platonicienne, au 2ème siècle av. J-C, dans la figure de Carnéade et qui sera transformée en Académie Sceptique), nourrit le débat philosophique et est peut-être même une des explications de la longévité et du développement de ces écoles au cours de l’antiquité.

L’école de Zénon naît d’une réaction critique par rapport au platonisme : là où les Platoniciens posent un dualisme ontologique hiérarchisé selon lequel le monde sensible, accessible à nos sens, n’existe pas à proprement parler (il n’est qu’en perpétuel devenir), et seul existe ce qui est imperceptible et purement intelligible, le stoïcisme oppose une ontologie où corps et incorporels sont aussi réels les uns que les autres (finie la hiérarchie) ; de plus ce qui est perceptible est désormais la pierre de touche de l’existence. Là où les Platoniciens considèrent que l’homme a une âme immortelle séparée et séparable de son corps mortel, les stoïciens déclarent que l’âme est un corps dans le corps, et, le jour venu, qu’elle meurt en même temps que le corps.

Pour accommoder des positions si fortes, c’est l’univers tout entier qu’il faut repenser. Au cours des siècles, l’école de Zénon évolue certes, mais la charpente qui retient le système ne change pas. Ce système se consolide autour de grandes problématiques : (1) un rationalisme qui tend inévitablement vers la vertu, (2) un déterminisme tempéré par une marge de liberté, celle de pouvoir décider de faire ce qu’il faut faire, (3) une épistémologie des états émotifs qui enlève toute possibilité à l’irrationnel. Le brassage de ces trois problématiques se retrouve dans l’analyse de chaque aspect du système stoïcien.

Sources

Une note sur les sources textuelles est de mise, car c’est un fait, le corpus de textes sur lequel nous fondons notre connaissance de la philosophie stoïcienne est dans un état estropié et déséquilibré.

Estropié pour ce qui appartient au premier temps grec de l’école : car de la vingtaine d’ouvrages écrits par Zénon, de la longue liste de textes par Cléanthes, des plus de sept cents volumes écrits par Chrysippe – pour ne mentionner que le trio fondateur7 – il ne reste rien, quelques bribes de citations.

Il y a donc un déséquilibre paradoxal entre le corpus de l’orthodoxie stoïcienne et celui des écrits de la période romaine, parvenus jusqu’à nous en quantité plus substantielle. Ceci a eu un effet décisif dans la réception du stoïcisme du Moyen-Age au 19ème siècle, qui marque l’avènement de la philologie moderne développée d’abord en Allemagne. En ce qui concerne le stoïcisme, les noms de Hans von Arnim (1859-1931), qui édita la première collection moderne de fragments des stoïciens antiques : les Stoicorum Veterum Fragmenta, (SVF), de 1903 à 1905 ; Rudolf Hirzel (1846-1917) qui réserve un chapitre (vol.2, 1ère partie) sur la logique stoïcienne dans ses trois volumes sur les écrits philosophiques de Cicéron (1882)8 ; Edouard Zeller (1814-1908) qui consacra une partie du second volume de son Histoire de la Philosophie Grecque (1844-52) aux Stoïciens grecs, sont décisifs pour rétablir un équilibre entre le stoïcisme grec original et l’apparente prépondérance du corpus romain, en rendant accessible non seulement la contribution énorme du premier stoïcisme, mais aussi les axes de continuité et de stabilité de l’école tout au long de son évolution.

Les fragments de textes stoïciens : guide d’orientation

Après les SVF de von Arnim, d’autres collections sont parues au cours du 20ème siècle, surtout après le renouveau d’intérêt pour la philosophie hellénistique de l’après-guerre : celle plus ambitieuse et spécialisée dans la dialectique de Karlheinz Hülser de 1987-8, FDS (voir bibliographie), d’autres, davantage essentialisées comme celle d’Anthony Long et David Sedley (L&S), publiée en 1987, avec traductions et dont la version française, en poche et facile d’accès, est parue en 2001. Les commentaires de L&S et les amples contextualisations de FDS sont autant d’aides et de rappels que ce qu’on appelle ‘fragment’ avec la philologie moderne, sont surtout des extraits, des citations, des paraphrases qui appartiennent à des contextes aussi différents dans leur chronologie que dans le genre de texte original d’où ils sont tirés, ce qui est déterminant pour les interpréter correctement.

La chronologie elle-même n’est pas un reflet d’une évolution du stoïcisme : ainsi rien que parce qu’un auteur écrit à l’époque de l’empire romain, il ne représente pas automatiquement le stoïcisme romain : un cas exemplaire est Plutarque (46-125 ap. J-C), historien, historien de la philosophie et philosophe Platonicien. Il est une source imparable tant il fait de citations directes (avec des attaques ad personam) des textes des fondateurs de l’école et surtout de Chrysippe. Il constitue pour cela une source sur laquelle on peut plus directement dépendre que Sénèque (1-65 ap. J-C), qui, d’une génération précédente, représente une étape plus distanciée de l’orthodoxie stoïcienne que nous rapporte Plutarque. Ce sont les personnalités, leurs ambitions et intentions intellectuelles qui comptent. C’est le genre des écrits qui compte : lettres, commentaires, pamphlets, doxographie, histoire.

Tous ces aspects sont des garde-fous que doit prendre en compte l’étudiant du stoïcisme. Dans cet article, qui se veut compréhensif et riche dans les thèmes abordés mais sommaire par les exigences du format, on se restreint le plus souvent aux textes considérés les plus fidèles au tronc commun du stoïcisme. Les textes les plus sollicités sont ainsi le compendium de résumés de doctrine que nous donne Diogène Laërce (D.L), ainsi que les textes qui font une référence directe à des auteurs stoïciens. Si, par manque de place, les contextualisations et les raisons pour donner foi à certains textes ne sont pas toujours explicitées, elles sont vérifiables dans les textes auxquels le lecteur est renvoyé ; de façon générale, les textes et sujets à teneur plus controversée, qui requièrent des analyses plus en profondeur ne sont pas discutés ici. On présente donc ce qui fait consensus.

 

Ordre Cosmique

Début et Fin du Monde

Les Stoïciens conçoivent l’univers, c’est-à-dire tout, des planètes aux étoiles, aux galaxies, comme un tout unifié dans lequel il n’y a pas de vide9. C’est le cosmos, qui possède une organisation interne permettant et garantissant cette unité. Ce cosmos sous-vide est entouré de vide.

La preuve en deux images : la première triviale, la deuxième, frappante.

L’image triviale, mais nonobstant bien connue et souvent reprise dans l’antiquité, c’est celle du ‘voyageur spatial’ comme l’appelle Jacques Brunschwig10 : c’est le voyageur qui va au bout du monde, ‘à l’extrémité de la sphère des astres fixes’, et qui réussira toujours d’étendre son bras vers l’extérieur, sans rencontrer d’obstacles, preuve que le vide est là, tout autour de la limite du cosmos. ‘Le vide est infini, le monde est fini.’11

La deuxième image est celle de la déliquescence totale du monde, qui advient une fois que le cosmos s’est auto-consommé. Car le cosmos a une fin programmée et inévitable du fait même de son existence fruit de l’activité du principe actif, qui est la raison (logos), et qui ne cesse d’agir sur la matière. Ils produisent ainsi tout ce qui advient. Mais, cette activité constante mène vers un tel raffinement de la matière qu’elle finit par se consumer dans un embrasement que les Stoïciens appellent la conflagration totale (ekpurōsis). Ce qui reste se fond dans le vide qui entoure le cosmos. Seul le vide – n’ayant aucune des caractéristiques du cosmos (ni fini, ni unifié, ni actif ni sujet à aucune action) – est encore présent après la fin du monde12.

L’Eternel Retour

Qui dit fin du monde, dit aussi début. La pérennité du feu primordial consommateur de sa propre œuvre, est aussi son perpétuel créateur. Ce feu épuré ne peut pas ne pas être actif. Or, comme on le verra, pour être actif, un agent a besoin d’un patient :

« Dès le début, le feu transforme la matière en l’ensemençant »13

On ne peut que conclure que l’action du feu comprend aussi, à tout moment, la génération de la matière sur laquelle il :

« travaille pour le mieux (‘euergon’) (…) de sorte que de nouveau, à partir de lui [le feu] le même déploiement (diakosmēsis) s’accomplit, comme avant » 14.

Ce feu, qui ne se repose jamais, recrée ainsi ce qu’il vient de consommer – seulement que ce qu’il crée est exactement la même chose qu’il avait déjà créé. C’est la théorie de l’ordre cyclique du cosmos qui est devenue familière sous le nom d’éternel retour, avec la formule de Nietzsche15. Or sa présence dans le stoïcisme, loin d’être le signe d’un sens de l’absurde et d’un nihilisme avant l’heure, est l’expression de la cohérence logique à toute épreuve qui caractérise cette philosophie.

Le travail du feu créateur et rationnel est un ‘travail pour le mieux’. Comme nous le verrons dans la prochaine section, ce feu est dieu, providence, raison, intelligence. Son ouvrage ne peut donc qu’être le meilleur produit possible, ce qui implique qu’il est le plus rationnel. Or, une telle œuvre présuppose sa propre nécessité. Le monde dans son déploiement a donc nécessairement le déploiement qu’il a, et va nécessairement vers son embrasement car le travail de raffinement créateur ne peut qu’arriver à la consommation totale de ce monde, durant laquelle, le principe qui ne cesse d’agir, recommence inévitablement son œuvre à l’identique16.

Possédant trop peu de textes proprement stoïciens sur la doctrine du retour cyclique – les pères de l’Eglise la soutiennent en l’adaptant, alors que divers courants empiristes ou rationalistes la contestent dans l’antiquité – il est difficile de dire quel poids elle a dans le stoïcisme. Mais, d’une certaine façon, cela n’a pas grande importance, ce qui est certain, c’est la périodicité de l’ordre cosmique ; et d’elle, dérivent toutes les prémisses, mentionnées dans nos textes, et qui enclenchent la nécessité du retour.

Le Principe Actif ou Raison ou Dieu ou Providence ou Destin

Un corollaire de la thèse selon laquelle le cosmos a un début et une fin, est qu’il n’y a qu’un seul et unique cosmos, créé par le principe rationnel ; ce qui implique : (i) d’abord qu’il y a un mouvement du monde qui le porte vers son anéantissement, puis, (ii), que ce mouvement est dirigé, c’est-à-dire qu’il y a un principe interne qui le gouverne et enfin, (iii), que l’existence du cosmos et de tout ce qu’il contient à n’importe quel instant du temps et de l’espace (même lors de la conflagration) a une explication qui est en rapport avec ce principe dirigeant.

A ces trois inférences correspondent trois caractéristiques qui structurent toute la philosophie stoïcienne et qui jouent un rôle autant au niveau macrocosmique que microcosmique : (i*) que tout à l’intérieur de l’univers agit tout le temps en conformité (on dira aussi en sympathie) avec le principe actif, (ii*) que tout a une cause, (iii*) que tout ce qui arrive est rationnel.

Le principe rationnel, c’est la raison, le logos. Il s’agit d’une force active, dont le propre est d’être actif, ce qui implique une action permanente. La raison est ainsi constamment à l’œuvre.

Son activité consiste à agir sur ce qui, en contrepoids, est constamment passif. Ainsi la cosmologie stoïcienne est fondée sur l’interaction de deux principes constitutifs et fondamentaux : l’actif et le passif, la raison et la matière. Il s’agit d’une réciprocité existentielle, c’est-à-dire que chacun dépend de l’autre pour exister ; pas de passif sans actif, pas d’actif sans passif. Parce que cette interaction déclenche et commande toute la création ultérieure du monde, ce principe est aussi appelé ‘le destin’, ‘dieu’, ‘raison séminale’ et ‘providence’17. Autant de noms pour saisir la polyvalence des responsabilités de la raison dans cette économie du cosmos stoïcien.

La raison pétrit, comme une pâte, une matière dont elle est inséparable (même lors de la conflagration) ; elle le fait pour le bien et de la meilleur façon possible. Cette matière s’imprègne complètement de la raison, devenant ainsi rationnelle par l’action qu’elle subit. Cette activité de rationalisation de la matière correspond à l’engendrement du monde, qui se fait selon une succession ordonnée : que chaque chose générée enclenche la génération d’autre chose qui suit nécessairement de la première, et ainsi de suite18.

On comprend dès lors, pourquoi ce principe est aussi assimilé à Dieu ou à Zeus, même si cela paraît s’opposer à des idées reçues sur la religion et la théologie panthéiste antique. De fait, on parle de ‘dieu’ au singulier dans les textes lorsqu’il s’agit du principe actif cosmique, et de ‘dieux’ au pluriel en parlant d’êtres divins à l’intérieur du monde que crée Zeus, ou Dieu, ou Raison ou Providence19. Ces dieux pluriels correspondent probablement aux planètes et aux étoiles qui sont divines pour autant qu’elles manifestent un comportement absolument rationnel.20

L’ordre cosmique consiste donc en une rationalisation constante de la matière à travers l’action du principe actif. Cette rationalisation consiste à enclencher et maintenir en activité des chaînes de génération ordonnée qui produisent le monde.

 

Déterminisme

Rationalité et Déterminisme

Tout semblerait comme si, sous l’action inaltérable et inflexible par sa nature même, de la raison, l’engendrement de l’univers ne puisse que suivre un chemin tout tracé d’avance. Car la raison est tout le contraire d’une force productive aveugle. Son action est purement rationnelle et puisque sa contrepartie, la matière passive, ne lui oppose aucune résistance, car ‘elle ne possède aucune qualité’21 mais se plie absolument à son action et même lui permet d’agir, le résultat ne peut qu’être absolument rationnel. Or ce qu’il y a d’absolument rationnel, c’est aussi ce qui est entièrement calculable, donc prévisible, donc déterminé de sorte que ce qui arrive ne peut pas ne pas arriver.

Mais qu’est-ce donc qui arrive au juste ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord voir que juste être quelque chose, pour les Stoïciens, c’est déjà quelque chose qui arrive, et donc déjà une question de causalité, à commencer par la plus grande chose qui soit, le cosmos.

L’Univers est un Animal comme les Autres : Macro et Microcosmes  

Le principe actif, que ce soit dans le déploiement de son action (diakosmēsis) ou dans sa concentration pyriforme (la conflagration), agit en maintenant en existence le cosmos. Or quand la raison agit sur de la matière, il en résulte un être vivant, qui grandit, change, et dépérit, mais reste lui-même tout au long :

« L’univers entier est un animal (un être vivant, ‘zōon’), qui a une âme et est doué de raison. »22

Platon dans son Timée avait déjà caractérisé le monde crée comme un animal23. Chez Platon, l’affirmation oscille entre imagerie métaphorique de l’acte créatif et dépréciation de ce monde-animal qui est créé à la merci du ‘divin artisan’, qui ‘tente de le créer le moins imparfait possible’ (Tim. 30a). Mais le créateur est isolé, séparé de sa création, qui est elle-même façonnée à l’image des Formes intelligibles. Or chez les Stoïciens, il n’y a plus de métaphore. Ce qui crée l’univers est aussi dans l’univers, constitutif de celui-ci, et est partie intégrante et entreprenante de sa continuité existentielle, donc de son identité, et de son fonctionnement24.

L’univers, pour les Stoïciens, n’est pas comme un animal, il est un animal. Il a une âme, la raison, qui le maintient en vie et le meut. Et si, dans des analyses plus détaillées, on a recours à des analogies25, c’est pour mieux articuler les rapports proportionnels entre le macrocosme et le microcosme, dont les différences ne sont pas de nature même seulement de degrés de complexité.

C’est-à-dire que l’on retrouve le même mécanisme et la même configuration des rapports qui maintiennent une chose en existence au plus petit niveau, par exemple celui d’un caillou, qu’au niveau plus complexe comme celui d’un animal, qu’au niveau de l’univers. Il s’agit à chaque fois de la même rencontre du principe actif sur une matière passive, avec une action dont le résultat est l’existence de la chose.

Quand le principe actif agit sur toute la matière, il est raison (logos), intelligence (noûs), providence, dieu et encore destin, qui gouverne l’action globale, macrocosmique de la raison sur la matière pour assurer la génération et le déploiement du monde. Mais, puisqu’il se trouve dans tout ce qu’il génère, il est aussi ce qui agit à l’intérieur de chaque chose, animée ou inanimée, qui a été générée et qui doit, individuellement être maintenue en existence26.

Pneuma : Une Tension Dans Tous Ses Etats

Le principe actif unique qui est l’âme du cosmos est un souffle-tension (pneuma) qui traverse et transforme l’univers, se constituant à la fois producteur et animateur de tout ce qui existe27. Etant souffle, il est corporel – un corps, plus ou moins raréfié selon ce que permet la matière. C’est ce souffle qui est présent à l’intérieur de tout le cosmos en tant que souffle activant de chaque chose: ainsi les âmes des êtres individuels sont autant de ‘morceaux arrachés à cette âme cosmique’28.

Selon la chose en question, l’action requise de ce pneuma est plus ou moins complexe et plurielle : pour les objets inanimés, telles les pierres, ou les os, le principe actif se limite à être un principe de cohésion, agissant sur une matière spécifique pour en maintenir forme et texture. Il est alors pure tension, en grec ‘hexis’, littéralement ce que possède une chose29.

Quand ce même principe de cohésion agit sur de la matière dont l’agencement est plus complexe (par ex. ‘les os avec les nerfs’ D.L. 7.139), cette mise en tension de la matière donne un être animé, et cette tension est alors appelée ‘âme’ (psuchē).

L’âme des plantes a une panoplie plus réduite de fonctionnement à mettre en œuvre – et parfois est appelée simplement ‘nature’ (phusis)30 – mais il est remarquable que les Stoïciens placent les plantes dans la même structure d’analyse que les animaux :

« la nature ne fit pas de différence entre les plantes et les animaux »31

C’est son âme qui fait qu’une plante est la plante qu’elle est ; son âme ou nature agit sur de la matière et la gouverne. Ainsi les plantes sont l’objet de considérations éthiques comme les animaux et l’homme. Elles ont du plaisir et suivent des règles de comportement et des devoirs à accomplir (voir ci-dessous)32. Si cela peut paraître étonnant, il ne s’agit là que de l’application stricte du schéma causal dans lequel s’inscrit l’action du principe actif : ce-dernier est chargé de maintenir l’être sur lequel il agit dans sa forme et texture appropriées ; or dès que cette forme appropriée concerne aussi la possibilité (et la nécessité) du mouvement, ne serait-ce que la croissance, pour se maintenir en vie, l’âme de cet être est aussi chargée du comportement de la chose – un comportement déterminé par les lois de la raison : pousser, fleurir, s’épanouir.

L’être dont la matière est la plus complexe reçoit, en proportion, le principe animant cohésif le plus polyvalent : or, cet être, c’est le cosmos. D’où il s’ensuit que ce principe est désigné par tant de noms de rôles différents (voir section b. au-dessus).

Il y a ainsi un télescopage dans les deux sens, du macrocosme au microcosme et vice versa, qui souligne d’une part, l’économie de la cosmologie stoïcienne : le même fonctionnement sous-tend l’existence du contenant et des contenus, des principes originels et des êtres de notre quotidien. D’autre part, l’action du souffle actif dans tous ses états (de tension, à âme, à principe) précise la marge de manœuvre du rapport causal : chaque chose qui existe est, de façon continue (tant qu’elle existe), causée, par le souffle actif qui la constitue, à être ce qu’elle est. On a donc affaire à une causalité, certes déterminée par des causes antécédentes, car le principe actif agit selon le programme prédéterminé de la raison absolue (c’est pourquoi il agira toujours de la même façon lors du retour cyclique du monde), mais dont la fluidité causale n’est pas un simple mécanisme de poussée-traction – pour la simple raison que c’est toujours ce même pneuma rationnel qui agit dans tous les constituants qu’il contribue à créer.

Ce qui change, ce sont les diverses qualifications de la matière passive sur laquelle le souffle agit : de ‘l’absence totale de qualité’33 du principe passif, à des degrés de qualifications de la matière diversement polyvalentes, ce qui, au fur et à mesure du rythme générationnel, permet la génération d’êtres nouveaux et différents34.

Toute chose contenue dans le cosmos a, par sa nature propre de contenu, une polyvalence et une polymorphie réduite par rapport aux deux principes. Cette réduction se manifeste par l’acquisition de qualité de la matière passive qui réduit la portée de l’action du souffle-agent sur elle. Cela permet la génération de contenus variés et différenciés, dont la venue dans l’existence dépend d’une réciprocité toute relative entre le souffle-agent et la matière qualifiée passive.

Plus la matière passive dans une interaction a de déterminations, plus l’action du souffle agent est déterminée. De sorte que, si tel souffle-agent précis rencontre telle matière qualifiée précisément, le résultat de l’action de l’un sur l’autre est non seulement prévisible mais inévitable. C’est en ce sens que les Stoïciens sont déterministes35.

Lorsque l’on arrive aux êtres animés et inanimés que nous avons l’habitude de reconnaître, ils ne peuvent que devenir les êtres qu’ils sont en vue de la réciprocité précise entre la matière passive particulière et le souffle-agent qui les anime. Comme on le verra, cette réciprocité détermine l’individu et non pas un genre de chose en générale : c’est d’être Socrate, ou le Mont Blanc, ou la chienne Laïka, qui est déterminé, car pour les Stoïciens, chaque chose qui existe, existe en tant que chose individuelle ; les genres ou universaux n’ont aucune existence extra-mentale.

 

Le Corps : Je Cause Donc Je Suis

L’âme est un Corps

C’est parce que le souffle agent (pneuma) agit et que la matière est ce qui se laisse agir dessus que le souffle et la matière sont des corps. A tous les degrés de l’échelle de la configuration liant l’agent à son patient, cette configuration implique la rencontre entre deux corps. Ainsi : les deux principes cosmiques, raison et matière sont deux corps36 ; et, en descendant l’échelle des grandeurs, l’âme et la chair, dans l’animal, sont deux corps37. Mais si l’âme est un corps, qu’est-ce qu’un corps ? 

Quand Platon parle de corps, il parle de la contrepartie de l’âme : là où l’âme est intelligible, imperceptible, immortelle, source de désir et moteur d’action, le corps est perceptible, corruptible, mortel, sans lois ni raison, indéfinissable sinon par rapport aux déterminations que lui enjoint l’âme38. Pour Aristote, le dualisme âme et corps se retrouve dans sa distinction entre forme et matière ; ainsi, chez l’être vivant, l’âme est la forme, et le corps sa matière, consistant en organes spécifiquement déterminés pour l’exécution ou l’actualisation des capacités de l’âme. La notion de corps, même si elle est présente dans la physique Aristotélicienne, intervient à un stade déjà composite et non pas fondamental de l’être39.

Chez les Stoïciens, ce dualisme est éclaté par la base car l’âme est un corps et le corps est un corps. Le corps est un constituant fondamental de l’être et de l’univers, puisque le principe actif (dieu, raison etc.) qui est ‘l’âme du cosmos’, (voir au-dessus), est le corps agissant qui crée le monde. Il n’y a plus lieu de distinguer l’âme du corps dans le sens Platonicien – distinction dont on est, en grande partie, toujours héritiers jusqu’à nos jours dans la tradition occidentale, à travers la réappropriation de ce dualisme par la théologie Chrétienne, corroborée par le renfort rationaliste du dualisme de Descartes40.

Quand les Stoïciens parlent de l’âme, ils décrivent le comportement de ce qu’est et ce que peut un corps : périssable, actif, passif. Et si l’on trouve des textes où les Stoïciens font appel à la terminologie, disons traditionnelle, de l’âme par rapport au corps, il s’agit surtout de textes concernant la mort. Là, les Stoïciens sont sommés d’expliquer comment, ‘étant donné que la mort consiste en la séparation de l’âme du corps’, un corps (l’âme) se détache d’un autre corps (le corps). Ces textes (mentionnés à la n.37) sont des textes d’auteurs Chrétiens, ou qui mettent en confrontation des positions Platonico-Chrétiennes avec des positions Stoïciennes. La terminologie y est donc mixte, sinon dominée par la tradition Platonicienne et ne reflètent pas fidèlement le changement radical de perspective qu’effectuent les Stoïciens.

Description, Définition et Critère : méthode et métaphysique

Pour les Stoïciens, si quelque chose agit, cette chose est un corps. Et si quelque chose reçoit l’effet d’une action, et donc est passif, c’est un corps. Selon l’action effectuée par un corps, ou ce qu’un corps permet qu’on lui fasse, ce corps est tel ou tel corps spécifique, c’est-à-dire qu’un corps est identifié par l’action qu’il effectue ou la passion qu’il supporte. Un couteau est couteau par le fait qu’il coupe, et est une lame de bronze parce que la chaleur le fait fondre à une température de 800 degrés Celsius. Une âme est une âme par le fait qu’elle fait respirer et se mouvoir un tas de chair et os, tout en recevant des impressions venues de l’extérieur, et ainsi de suite.

Cette capacité d’agir et/ou de pâtir est si fondamentale dans la constitution de l’identité des choses, que seuls les corps sont considérés comme ‘existant’. Comprenons : seul ce qui agit ou peut agir, ou pâtit ou peut pâtir, existe41. Comme les stoïciens envisagent plusieurs modes d’être au monde, en plus de l’existence, l’existence des corps ne sature par le contenu du monde (voir ci-dessus). C’est donc que la notion même d’existence est particulière chez les Stoïciens : l’existence, c’est un rapport à l’activité. Cette particularité étend la corporalité à des choses inattendues : l’âme, ainsi que les qualités (le sec, le froid etc.) agissent, ainsi que les vertus et les vices : la jalousie, le courage, etc.) agissent, étant des états corporels de l’âme.

L’identification des capacités à agir ou pâtir permet de prouver que telle chose est un corps (par exemple, la vertu de la prudence est la cause que Socrate agit prudemment, d’où la prudence est un corps). La capacité d’agir ou de pâtir devient un critère de corporalité. Le critère de corporalité est un critère d’existence.

Ce critère en tant que critère n’est pas du tout au tout inventé par les Stoïciens. Il a une histoire, qui, du moins pour nous (en l’absence de sources antérieures), se cristallise autour du Sophiste de Platon et le fameux passage dit de la ‘Gigantomachie’ (Soph. 245e-249d), où les ‘Amis des Formes’ sont opposés aux ‘Fils de la Terre’, des géants matérialistes qui ne croient qu’à ce qu’ils peuvent touchent. Platon cherche à dépasser cette opposition en proposant aux deux côtés d’accepter un critère d’existence : que ce qui existe est ce qui agit ou pâtit.

Comme cela a été souligné dans la recherche contemporaine, les Stoïciens ont travaillé, approfondi, et transformé la pensée de Platon ici, mais déjà dans l’antiquité, les ‘Fils de la Terre’ de Platon étaient considérés comme les ancêtres des Stoïciens dans l’identification de l’existence avec le perceptible42. Or c’est une erreur car les Stoïciens ne font pas coïncider la corporalité avec la perceptibilité (étant donné que l’âme est un corps), mais avec l’activité. On a donc bien affaire à une notion de corps assez éloignée sans doute de la nôtre, nous modernes, mais aussi des Platoniciens qui crurent mettre les Stoïciens à leur place en les considérant comme des matérialistes.

La Resistance comme Capacité d’Agir ou de Pâtir

A côté de ce marqueur du corps comme actif ou passif, on trouve une définition que les Stoïciens reprennent de la nouvelle géométrie Euclidienne, qui se développe au cours du 3ème siècle av. J-C :

« Un corps est ce qui est étendu en trois dimensions et qui offre de la résistance »

Dans un autre texte, le corps est désigné comme un ‘solide’ (stereon), autre emprunt du vocabulaire géométrique (D.L. 7.135), ce qui souligne autant la nouveauté de la définition que l’importance qu’elle a pour la nouvelle génération de philosophes hellénistiques. Car les Epicuriens aussi prennent appui sur cette même définition géométrique, mais les deux écoles se départagent drastiquement sur la manière dont elles comprennent ce que c’est que résister.

Pour les Epicuriens, la résistance d’un corps, c’est la différence entre un atome et le vide (les deux composants uniques du monde pour eux)43. Car le vide, caractérisé par son absence de résistance, laisse passer à travers lui les atomes, mais c’est sa résistance qui fait qu’un atome s’entrechoque avec un autre, lors d’une rencontre, et qu’ainsi dévié de sa course initiale, il est relancé dans une autre direction, pour former des agrégats qui deviennent les corps perceptibles44.

Pour les Stoïciens, cette résistance est la manifestation de la capacité d’agir d’un corps. Résister, c’est d’abord faire quelque chose : et plus précisément, faire quelque chose à un autre corps dont la résistance justement a été vaincue. Tout corps est à tout moment en train de résister à un autre corps jusqu’à ce que sa résistance soit subjuguée.

Ainsi, pour reprendre l’exemple d’une vertu, la prudence : celle-ci agit en résistant à un autre corps ; en l’occurrence, la prudence est un état de l’âme (corporelle), et c’est donc l’âme prudente qui agit sur la chair et les os de, disons, de Socrate pour que celui-ci agisse prudemment.

Puisqu’il n’y a pas de vide à l’intérieur du cosmos (en contraste avec Epicure), tout corps est en direct rapport de résistance avec un autre (par ex : la table contre l’air). On voit ainsi comment les Stoïciens investissent la définition des géomètres avec une vision philosophique toute à eux.

Sympathie Cosmique

Cette dernière image du cosmos come compact, portant à l’intérieur un dispositif dynamique d’un principe agissant sur l’autre, et dont la continuité assure l’existence du cosmos et de tous les objets qui le constituent, est le cadre dans lequel les Stoïciens théorisent la sympathie cosmique. Chaque constituant du cosmos a ainsi une influence sur chaque autre constituant, directement ou indirectement, à travers des chaînes réactives qui sous-tendent le cosmos tout entier.

Il y a une différence entre sympathie et causalité. La sympathie met en évidence l’unité interne du cosmos : l’absence de vide suppose que tout touche tout, et donc que chaque constituant ‘sympathise’ avec chaque autre, où chaque constituant agit et/ou pâtit avec chaque autre45.

Les exemples dans nos sources sont tirés pour la plupart des réactions sympathiques astrales ou météorologiques : que ce soit les phases de la lune en sympathie avec l’effet de marée, ou les changements climatiques avec les mouvements des astres. C’est donc surtout dans le contexte de la discussion sur le type d’unité du cosmos que la sympathie cosmique est mise en avant, pour souligner que le cosmos n’est pas uni ‘tel que l’est une armée’ comme dit S.E. (n.45), où les constituants internes (les soldats) ont leur propre autonomie et sont séparables, mais bien plutôt comme est unité organique. Ainsi :

« Nécessairement, tout ce qui se passe dans l’air respire ensemble (sumpnoia) et est parcouru d’une même tension, de concert (suntonia) avec tout ce qui se passe sur la terre. »46

On peut voir ici une autre façon de saisir que le cosmos est maintenu et contenu par un seul et même souffle cohésif et compréhensif qu’est le pneuma rationnel. Et on peut aussi y voir une autre façon d’aborder le déterminisme si particulier qu’ont introduit les Stoïciens. Ce qui est nécessaire, c’est que le cosmos soit le cosmos qu’il est ; et il s’ensuit que toute chose contenue dans ce cosmos soit nécessairement la chose qu’elle est. Cela implique que tout comportement qui est nécessairement celui de la chose, quelle qu’elle soit, a une influence sur tout le reste du cosmos. Chrysippe aurait donc appelé le pneuma cosmique aussi ‘le destin’ pour cette raison47.

La sympathie est aussi à l’origine d’une théorie des climats ajustée à l’individu : car l’influence globale de tout sur tout dans le cosmos s’exprime dans le comportement et les natures individuelles. Ainsi, les différents tempéraments des gens sont en relation avec des chaînes d’influence auxquelles la constitution de chaque individu réagit diversement48.

La sympathie est donc la conception d’une action unifiée globale et totale, à influence concentrique dont rien dans l’univers n’est exempt. Mais il ne s’agit pas encore d’une analyse du rapport causal, qui n’est pas conçu comme une suite d’influence mais comme un changement ponctuel d’un état à un autre – même si ce changement peut ne correspondre qu’à rester ce que l’on est. Rester, c’est déjà résister.

 

La Causalité ou le Monde comme Evènement 

Être ce que l’on est et se mouvoir

Les Stoïciens distinguent l’état dans lequel une chose est, (schesis) – par ex., l’être pierre, l’être Socrate ou l’être prudent – et le mouvement (kinēsis) de la chose, c’est-à-dire ce qu’elle fait ou peut faire. Les deux sont liés bien sûr, car c’est ce qu’est une chose qui lui permet de se mouvoir de telle ou telle façon ou faire telle ou telle action. Mais ce qui importe ici, c’est que les deux sont des effets d’une même cause. L’état dans laquelle se trouve une chose est l’effet de l’action du principe cohésif : par exemple de la tension qui maintient dans sa forme la pierre pour que la pierre reste pierre. Et c’est ce même état d’être pierre qui fait que, si la pierre est poussée, elle tombe par terre (et ne se met pas par exemple à voler).

Ce n’est donc pas le fait d’être poussé qui fait que la pierre tombe, mais c’est la tension, (le pneuma de la pierre) qui maintient la pierre, qui garantit que celle-ci tombe quand elle est poussée. Le même coup de pied produira une toute autre réaction dans un autre type de corps, preuve que ce n’est pas la poussée externe qui est cause du mouvement de la pierre (celle-ci est tout au plus une cause auxiliaire, voir ci-dessous).

On peut dire que ce qu’est la chose est ainsi tout autant ce qui arrive à la chose que ce que fait la chose. Ce changement de vocabulaire, de l’être de la chose à ce qui arrive à la chose est caractéristique du stoïcisme.

Alors que chez Platon et Aristote, la question que sous-tend toute recherche est ce qu’est une chose, les Stoïciens cherchent à savoir ce qui est arrivé à une chose pour qu’elle soit ce qu’elle est. Chercher ce qui est arrivé, implique que quelqu’un, ou quelque chose, a fait quelque chose pour arriver à ce résultat. Ils prennent donc déjà le fait même d’être quelque chose, pour un évènement.

L’être d’une chose est donc d’emblée inscrit dans un cadre causal, nécessaire pour comprendre non pas d’où vient une chose, mais bien comment elle fait pour être ce qu’elle est, et continuer à l’être (ou cesser de l’être). Marcher, penser, être Socrate, sont ainsi autant d’évènements : la mort (pour les choses qui meurent) n’est donc rien d’autre que la fin d’un évènement – métaphysiquement parlant, pas différent de la fin d’un déjeuner, ou d’une promenade.

Toute chose, pour les Stoïciens, est ainsi engagée dans la causalité.

 

Une révolution en logique : Deux Corps, Un Incorporel

Tout corps est, par sa nature résistante, une cause49. Et toute cause est cause d’un évènement. Or cet évènement, fruit de l’action de la cause, est forcément différent ontologiquement, de la cause car lui ne peut pas être une cause. Or si quelque chose ne peut, ontologiquement, pas être une cause, alors cette chose n’est pas un corps. Cet évènement qui n’agit ni ne pâtit, est donc un incorporel.

Incorporel, mais non pas rien du tout. Il s’agit bien d’une chose réelle, puisque l’évènement a bien lieu. Il ne satisfait pas au critère de la corporalité. L’effet de la cause (corporelle) n’est pas un corps. Notons que cet effet ne se confond pas avec le corps passif qui reçoit l’activité de la cause. Donc, il y a trois éléments impliqués dans la causalité : la cause (corporelle), le patient (corporel) et ce qui a été causé, l’évènement qui est incorporel.

Ainsi, le scalpel (un corps) est la cause de l’évènement [est coupé] qui est arrivé au pain (un corps)50. Cette distinction entre ce qui est arrivé et ce à quoi cela arrive peut sembler anodin à première vue, mais il s’agit là d’un chamboulement énorme et décisif pour l’histoire de la logique et de l’ontologie : l’introduction d’une nouvelle catégorie d’items51.

Les Stoïciens voient dans les mécanismes de la causalité le cadre parfait de la mise en évidence de cet item, qui est d’abord désigné comme un ‘sumbebekos’ (littéralement ce qui est arrivé’), que Cicéron traduit par ‘eventus’ en Latin, d’où évènement52. Les Stoïciens grecs ajoutent un terme plus spécifique: le katēgorēma, qu’on traduit le plus souvent par ‘prédicat, ce qui est désigné par une phrase verbale ou un verbe, mais qui ne se confond avec l’expression linguistique53.

Les Stoïciens saisissent la particularité de cet item constitutif du réel, mais qui a un lien avec le langage. Ce qui est arrivé, c’est ce que l’on peut dire par le langage (n’importe lequel : parlé, dessiné, dansé…). Mais le langage ici, est considéré comme subordonné au réel, et donc un miroir des structures qui le constituent. Ces structures consistent en ces items, ces évènements-prédicats, qui sont en rapport causal avec les corps.

Comme on l’a vu, les corps par leur capacité d’action ou passion affirment ainsi leur existence ; cela implique que, par contraste, l’évènement-prédicat n’existe pas. Or, sa réalité, démontré par l’analyse causale doit bien correspondre à un mode d’être-au-monde. Les Stoïciens y pourvoient : l’événement incorporel est le cas, usage technique du verbe ‘huparchein’ :

« Il est impossible que la cause existe (einai) sans que ce dont elle est la cause soit le cas

(huparchein) »54

Le prédicat désigne bien une catégorie ontologique et non pas une catégorie linguistique. Une catégorie de choses qui sont présentes dans le réel mais dont les conditions de présence sont tellement différentes de celles qu’on a vu être celles des corps, qu’il faut reconnaître une autre modalité d’être-au-monde pour eux.

Ces deux modalités d’être-au-monde, être et être le cas, sont non seulement compatibles, mais dépendent l’une de l’autre : un couteau est à proprement un couteau lorsqu’il coupe, donc pour qu’il existe un couteau, il faut que [être coupé] soit le cas, et vice-versa. De même avec, disons l’événement continu (et j’espère pour longtemps) que je respire : cet évènement dépend de l’existence de mon âme, un corps qui agit sur ma chair et mes os – cette âme qui, si [je respire] n’est plus le cas, cesse, elle aussi d’exister. (les crochets indiquent que l’on parle de l’évènement-prédicat et non pas de l’expression linguistique utilisée pour l’exprimer, voir ci-dessus).

La triade causale est révélatrice d’une ontologie riche de corps et d’incorporels, tout en confirmant que le monde est un monde d’évènements. Si on veut rendre compte de comment est le monde à un moment donné, il faut inclure le fait, par ex., qu’être coupé est le cas en ce qui concerne tel couteau et tel morceau de pain.

 

Cause Principale, cause auxiliaire et la multitude d’événements

La découverte stoïcienne du lien d’interdépendance ontologique qui lie la cause à ce dont elle est la cause permet de mettre en évidence des schémas causaux extrêmement serrés : chaque évènement particulier a une cause, et une seule. Mais force est de constater que les événements participent à des chaines plus amples de causalité. Si c’est bien le couteau qui est cause de [est coupé] pour le pain, c’est moi manœuvrant le couteau qui permet au couteau d’exercer l’activité par laquelle il affirme son existence de couteau. Mais je ne suis pas la cause de l’évènement, n’importe qui aurait pu être à ma place ; cependant un autre événement, le fait que je prenne le couteau en main et le place d’une certaine façon, a enclenché l’activité du couteau. Je suis une cause auxiliaire, disent les Stoïciens, alors que le couteau est la cause principale. Il y a émiettement du monde en une multitude d’événements dont les liens causaux s’entrecroisent.

Cicéron utilise un exemple resté célèbre : celui du cylindre qui roule parce qu’il a forme cylindrique, c’est son hexis (tension cohésive) qui, en le maintenant cylindrique, est cause qu’il roule, mais la main qui l’a poussé est la cause auxiliaire55.

C’est un exemple du déterminisme stoïcien : on ne peut pas se comporter autrement qu’on est programmé à se comporter. Pour les objets inanimés, cela semble aller de soi : à forme cylindrique, roulement oblige, mais la question se pose alors, qu’en est-il pour les êtres qui pensent, ou du moins, qui pensent qu’ils pensent ?! On entrevoit déjà que la place de la liberté dans ce système est en péril, (voir plus bas).

 

Face aux écoles rivales : la guerre des causes a eu lieu et la querelle des universaux, avortée

Les Stoïciens sont les seuls dans l’antiquité à poser une et une seule cause. C’est une position radicale par rapport à ‘la foule de causes’ comme l’appelle Sénèque, qui se réfère ainsi aux quatre causes des Aristotéliciens (matérielle, efficiente, formelle et finale), auxquelles s’ajoutent les Formes Platoniciennes56.

Le désaccord de fond est sur la réalité de l’effet incorporel, distinct du corps passif. Cet événement incorporel n’a aucune place dans les ontologies déjà saturées des Platoniciens et des Aristotéliciens. Et de fait, pour leur faire de la place, les Stoïciens ont dû se débarrasser de quelques entités encombrantes héritées des écoles précédentes.

Notamment les Formes. Pour les Stoïciens, ce que Platon dit des Formes : (i) qu’elles sont imperceptibles mais causatives, (ii) intelligibles et donc supérieurement réelles, (iii) non-propositionnelles car des entités unifiées et non-combinées (c’est-à-dire qu’on les désigne par des substantifs et pas par des phrases complètes) – est entièrement à rejeter.

Les Stoïciens rejettent l’existence des Formes. Ils parlent de genres et d’espèces, qui ne sont que des concepts que nous nous construisons à pâtir de notre expérience du monde : animal, homme, nation, sont autant de concepts, que chacun se forge dans sa tête au courant de son apprentissage du monde (voir ci-dessous)57.

Il s’agit d’une capacité à la généralisation qui caractérise le fonctionnement même de l’esprit humain. C’est une capacité qui va du plus général comme ‘animal’ à l’espèce la plus infime, qui, selon les Stoïciens, ne s’arrête pas, disons à l’homme, mais bien plutôt à l’individu : ainsi il y a une espèce mono-représentée par Socrate, une autre espèce représentée par Victor Hugo et ainsi de suite pour chacun de nous.

Les Stoïciens seraient donc, du côté des nominalistes dans la querelle des universaux. Même si cela peut paraître anachronique de les y voir, (vu que cette querelle date du Moyen-Age) l’influence stoïcienne est présente dans les racines même de cette querelle qui se trouvent dans les premières lignes de l’Introduction (Isagoge) de Porphyre, qui emprunte la terminologie stoïcienne pour décrire l’approche conceptualiste à la question des ‘genres et espèces’58.

Avec le rejet des Formes, il y a aussi le rejet de la hiérarchisation du réel59. Il n’y a plus de réalités supérieures, mais tout ce qui constitue le cosmos, le constitue selon des structures d’interdépendances dont la triade causale est exemplaire.

 

Les Quelque Choses : Corps et Incorporels

Dans l’ontologie stoïcienne, il y a les corps et il y a les incorporels. Ce sont des ‘quelque choses’, ‘tina’ en grec, qui recouvre les existants (les corps) et les étants-le-cas ou subsistants (les incorporels). Dans le monde, il y a des corps et il y a des incorporels ; le raisonnement veut que, étant donné leurs différents modes d’être-au-monde, ce qu’ils ont en commun c’est précisément d’être quelque chose, et non pas des constructions mentales, comme les genres et espèces, qui sont du coup, des non-quelque choses60.

L’existence n’est pas le seul mode d’être-au-monde, les incorporels sont réels même s’ils n’existent pas. C’est quelque chose qui est donc la marque de réalité, ce qui confirme la réalité extra-mentale d’une chose, et que Brunschwig désigne comme le ‘genre suprême’, et dont la nouveauté est soulignée par Pierre Aubenque avec son invention de la ‘tinologie’, l’ontologie du ti61.

Dans le Stoïcisme, il y a quatre incorporels : le vide, l’espace, le temps et les lekta62.

L’évènement-prédicat appartient à une classe plus large d’incorporels, les lekta, souvent traduit comme ‘dicibles’63. Comme avec le prédicat, il y a un lien avec le langage dans la traduction de ‘dicible’ pour le lekton : c’est ce qui est dit quand on dit quelque chose ; mais si on ne dit rien, il reste tout de même cette chose, ce lekton, qui est là, présent, prêt à être dit. C’est cette présence qui fait que les dicibles appartiennent au groupe des incorporels, les quelque choses qui, avec les corps, composent le cosmos.

Les incorporels ne satisfont pas au critère de la corporalité, ils sont pourtant là, nécessaires au fonctionnement du monde. On le voit avec la relation causale, qui dépend de la présence du prédicat ; cette même dépendance est à l’œuvre pour les autres incorporels : ainsi, le vide tout autour du cosmos joue un rôle crucial lors de la conflagration finale, car, en restant présent, il est le lieu où peut se fondre le principe actif dans sa forme concentrée64.

Ainsi, en parallèle au statut d’existant qu’ont les corps, les incorporels sont assignés un statut ontologique selon lequel, comme on l’a vu avec les évènements-prédicats, ils ‘sont le cas’ (hyparchein) ou bien ils ‘subsistent’ (hyphistanai)65.

Dans nos textes, l’état d’être le cas est discuté en particulier pour les lekta et le temps. Seul le temps présent est le cas alors que le temps passé et le temps futur subsistent66. Ce statut de l’incorporel qui est le cas, s’apparente donc à une actualisation d’un état des choses – encore une autre façon de souligner la priorité ontologique pour les Stoïciens de l’évènement. Ce qui est le cas maintenant, c’est cela qu’il faut saisir et c’est cela qui est vrai. De même l’évènement-prédicat qui est causé est actualisé puisque la cause qui agit existe (affirmant son exitance par son activité).

Le statut de subsistance vient compléter la description des incorporels. Car si l’actualité de l’évènement prime pour le temps présent et l’actualisation de l’effet d’une cause (c’est ce qui est arrivé), le passé et l’avenir (qui est tout tracé selon les modalités particulières du déterminisme stoïcisme) sont réels (toujours en comparaison avec les constructions mentales). Ainsi avant et après d’être le cas, le temps subsiste, et un dicible reste présent, prêt à devenir le cas, il subsiste donc.

Si la position des Stoïciens est difficile à comprendre, et a été durement critiquée par les écoles rivales – ainsi qu’au sein même de l’école stoïcienne spécialement par les Stoïciens romains67 - elle est fidèle à une cohérence interne au système.

 

Les Lekta : ontologie, épistémologie, langage

Lekta : causalité

L’effet incorporel de la cause est appelé aussi bien évènement-prédicat (katēgorēma) que dicible (lekton) :

« les causes sont causes de prédicats, ou comme disent certains, de dicibles (car Cléanthe et Archédème appellent les prédicats des ‘dicibles’). »68

Grace à la référence explicite faite à Cléanthe (deuxième scholarque de l’école après Zénon), on a pu inférer deux éléments de doctrine importants : (i) d’abord qu’on a parlé très tôt de dicibles chez les Stoïciens et (ii) que c’est dans le contexte de la causalité que la notion du prédicat s’est élargi à celle des dicibles en général.69

Cet élargissement, la suite du texte le confirme, correspond à ce que le prédicat [est coupé] est en fait considéré comme encastré dans une structure propositionnelle : il est prédicat en tant qu’il est prédiqué de (ou attribué à) quelque chose. Ce qui correspond bien à la conception du monde comme évènement, car ce prédicat est le case en tant qu’il arrive à quelque chose : arriver à, c’est être attribué à quelque chose.

Ainsi, le couteau est la cause de [est coupé] pour le pain où l’événement consiste en ce qu’[est coupé] devient le cas, est attribué au pain ; c’est donc tout aussi bien que le couteau est la cause de l’événement [que le pain est coupé] qui est, de cette façon, articulé dans son intégralité. Intégralité qui a une correspondance exacte dans l’énonciation complète de l’effet de la cause dans une structure propositionnelle : dans laquelle quelque chose ([est coupé]) est attribué à quelque chose (le pain). Cette structure propositionnelle peut être exprimée par le langage, par la phrase ‘le pain est coupé’, mais tout aussi bien par la phrase anglaise [the bread is cut] ou tout autre équivalent en d’autres langues70.

Il y a donc une distinction nette entre expression linguistique (signifiante) et objet signifié, qui peut tout aussi bien ne jamais être signifié par aucune langue, car cet objet est là, présent dans le réel, indépendamment de toute expression signifiante.

La structure propositionnelle, c’est cette charpente constitutive des évènements. Il s’agit donc d’un item indépendant et séparable de toute expression linguistique – même si, pour nous, êtres doués de langage, l’expression linguistique est l’instrument à disposition pour afférer et exprimer les lekta. Dès lors qu’un langage est considéré comme tel (signifiant et pas du pure bruitage), notre usage de ce langage dépend de notre capacité à exprimer les lekta71. Ainsi, le langage est toujours au service de l’expression des lekta. Mais les lekta subsistent, et font partie de la structure ontologique du réel, même si aucun humain ne parle.

Le lekton n’est pas dépendant ontologiquement du fait qu’on le dise. Puisque la cause est cause de son effet peu importe que quiconque dise – ou pense – cet effet. Ainsi, le soleil est cause que les glaciers fondent, sans que personne n’ait besoin de le dire ou penser.

Lekta : rationalité du monde

Cependant, étant donné le déterminisme et le providentialisme qui dirige le cours de l’existence du monde, ce n’est pas possible, dans ce meilleur des mondes, tout structuré par les lekta qu’il est, qu’il ne contienne pas aussi des êtres capables, et d’appréhender, et de dire la structure de ce monde. Au monde rationnel structuré par des unités propositionnelles, représentantes de cette rationalité, correspondent des êtres rationnels qui ne peuvent que comprendre et dire le monde d’après ces structures propositionnelles.

Le monde n’est pas concevable sans êtres humains, rationnels et capables de langage. La grande idée des Stoïciens, c’est que les lekta (dont la présence au monde est prouvée par ce qu’ils sont les effets des causes), sont précisément ce qu’il y a à dire quand et si on dit quelque chose – et il n’y a rien d’autre à dire à part des lekta. C’est la preuve de notre rationalité que nous sommes capables de les saisir en les disant ou en les pensant.

Le prédicat est considéré comme un dicible incomplet72. Un dicible complet est donc exprimé par une phrase, alors que le prédicat est exprimé par un verbe ou une locution verbale. Un dicible est donc ce qu’il y a à dire dans un sens précis et non-superficiel du mot ‘dire’ : dire quelque chose, c’est exprimer une unité de sens, et non pas prononcer un mot, tout signifiant qu’il puisse être. D’où la controverse sur le prédicat, car son expression correspondante (par ex. : ‘est coupé’) ne dit rien encore dans ce sens profond mais dit quelque chose de plus que du simple bruit. S’en être rendu compte a fait des Stoïciens les premiers grammairiens de la civilisation occidentale73.

Une façon d’identifier si un lekton est le cas, on l’a vu, c’est si on peut identifier la cause unique qui en est cause. Mais si pour toutes les causes que nous, êtres humains (doués de raison), soyons capables de discerner, nous sommes également capables de saisir les lekta ainsi causés – et donc de rendre compte de nombreux aspects de l’état évènementiel du monde à des moments donnés – nombre de causes nous échappent complètement. Vu la conception stoïcienne des chaines de causes antécédentes qui régissent le cosmos, nous pouvons inférer que tout évènement actuel ou qui est le cas, est causé. Or nous sommes incapables de connaître toutes les causes. Les Stoïciens font ainsi preuve d’humilité dans leurs déclarations sur la prudence à avoir quand on procède à l’analyse des causes, ‘en vue de l’obscurité des causes’74.

Mais il s’ensuit qu’il y a une quantité de lekta qui sont le cas mais que l’on n’est pas en mesure de démontrer qu’ils le sont. Cette obscurité des causes, c’est aussi la limite de notre perception et de notre capacité de recevoir le monde tel qu’il est avec les événements actuels qui le constituent. Mais cela veut dire que nous pensons et disons des lekta dont l’actualité n’est pas certaine. Cela n’empêche pas que nous disons et pensons des lekta, qui peut-être – et même sans doute – ne sont pas le cas. Mais si on peut les dire, c’est qu’eux aussi, les lekta qui ne sont pas le cas, sont là, disponibles pour être dit.

Ce qui est vrai ou faux

Il faut noter ici que l’on entre en territoire controversé : d’une part à cause du petit nombre de textes disponibles, d’autre part (et surtout) à cause de la morphologie même du mot ‘lekton’, une tradition d’interprétation moderne range le lekton dans le tiroir de la philosophie du langage, comme une notion technique et (excessivement) compliquée, inventée pour parler des signifiants des mots75. Considérant comme une bizarrerie l’inclusion du lekton dans le discours sur la causalité, on explique les Stoïciens comme modelant leur ontologie sur leur analyse du langage. L’unité d’une théorie des lekta est rejetée et avec elle, se voit dévaluée l’originalité même de la notion de lekton.

Cependant, dès lors qu’on met en évidence les liens d’unité entre les différents contextes (causalité, épistémologie, logique, langage, éthique), une conclusion complétement opposée émerge76. C’est ce fil qui sous-tend la cohérence du système qu’on met en lumière ici, en évitant les points de contention.

La structure propositionnelle est une caractéristique du lekton (complet). Cela ne veut pas dire que tous les lekta sont des propositions, mais tous les lekta ont un rapport à la structure propositionnelle (voir ci-dessous). Parmi les lekta, certains sont des propositions. Les Stoïciens parlent alors d’axioma, qui, dans le langage, est exprimé par un énoncé déclaratif. C’est la proposition qui est vraie ou fausse77.

La proposition vraie correspond au statut ontologique d’être le cas. La proposition [que le pain est coupé] quand le couteau est en activité, est le cas et est donc vraie. Mais dans l’absence d’une cause identifiable, ou devant un pain non coupé, on peut très bien prononcer la même séquence de mots seulement cette fois-ci, on dira quelque chose de faux. On a bien dit quelque chose (au sens profond), mais cela ne correspond pas à un lekton qui est le cas. Il y a donc une proposition qui est là, prête à être dite, qui subsiste donc, mais qui n’est pas le cas en tant qu’évènement actualisé : c’est une proposition qui est fausse.

Toute proposition, (P), qui est vraie, est le cas face à son contraire, non¬(P) qui subsiste, et qui est la proposition fausse78. Les Stoïciens disent aussi que les propositions entrent et sortent de leur statut véridique, étant donné qu’une proposition est un quelque chose réel. Ainsi la proposition [que le train arrive] est le cas, et est vraie à un moment t1, et cesse d’être le cas, et ne fait que subsister, et est fausse, au moment t2.

Les lekta (complets) sont la base de la syllogistique stoïcienne qui est propositionnelle et ainsi en contraste avec la syllogistique Aristotélicienne dont le principe d’inférence se fonde sur le rapport entre les termes, voir article Syllogisme. Pour les Stoïciens c’est la vérité des propositions, l’une par rapport à l’autre qui valide ou invalide le syllogisme. Ainsi leur syllogistique est formulée en séquence hypothétique : si [il fait jour] alors [il fait jour], mais [il fait jour], donc [il fait jour]79. La syllogistique est ainsi repensée avec une importance prééminente donnée au formalisme de l’argument plutôt qu’à son contenu80.

Ce que l’on pense

Un dicible, c’est ce qui subsiste de nos impressions rationnelles81. C’est-à-dire que l’on pense en termes de lekta. On ne les crée pas dans notre esprit, mais en recevant des impressions, par exemple d’une fenêtre ouverte, notre rationalité convertit ces données selon la structure propositionnelle qui constitue ce lekton, de sorte qu’on a un contenu mental, une impression (phantasia, voir ci-dessous), qui correspond à la proposition que la fenêtre est ouverte.

C’est à ce contenu propositionnel que l’on est alors en mesure d’acquiescer en donnant notre assentiment et penser effectivement que la fenêtre est ouverte ; on peut aussi refuser notre assentiment à ce contenu, parce que l’on est en mesure de corriger une impression partiellement perçue et dont la transcription en proposition est fausse82.

Il y a donc un contenu objectif et indépendant de notre esprit, que notre esprit pourtant est capable de saisir ; c’est le lekton, le contenu rationnel correspondant aux données sensorielles reçues que notre âme rationnelle a enregistrées et converties en forme propositionnelle. Une rationalisation de nos impressions que nous ne pouvons pas ne pas effectuer.

Mais il y a des influences, émotions, aveuglement, préjudice qui sont le fruit de mauvais enregistrements faits par notre esprit au cours de son développement et son histoire. Plus ils s’accumulent, moins on est capable de tenir séparer ces influences du contenu objectif, qui se trouve transformé de sorte qu’on finit par donner notre assentiment à des contenus qui ne correspondent pas au réel. Ainsi, quand Oreste voit sa sœur Electre, au lieu d’enregistrer l’impression que la personne devant lui est Electre, son esprit, mu par son affliction et sa folie, déforme ce contenu, et convertit les données sensorielles en l’impression qu’une Furie qui se tient devant lui83.

Tout ce que l’on peut dire

Si la proposition est au centre de la pensée car elle est la clef-de-voute du système rationnel des Stoïciens, le langage a cette particularité qu’il peut se rapporter de différentes façons au contenu propositionnel (qui n’est pas à confondre avec la proposition). Ainsi le contenu propositionnel [que la fenêtre est ouverte] peut être questionné, commandé, prié, exclamé grâce à différentes énonciations linguistiques : ‘est-ce que la fenêtre est ouverte ?’, ‘Ouvrez la fenêtre !’, ‘Pourriez-vous ouvrir la fenêtre ?’, ‘Mon dieu, mais la fenêtre est ouverte !’, en plus de l’affirmation, qui exprime la proposition : ‘La fenêtre est ouverte.’84

Les Stoïciens posent ainsi les fondements d’une philosophie du langage à partir de la structure ontologique du cosmos fondé sur des unités de sens, dicibles par les humains.

L’Etre humain et le monde : épistémologie et éthique

Devenir complétement rationnel

La causalité qui sous-tend toute la vie du cosmos fait que chaque chose ne peut pas ne pas être la chose qu’elle est. Ceci vaut aussi pour l’homme. Du point de vue de la structure causale il est pris dans un étau : il ne peut devenir que ce qu’il est censé devenir. Or, ce destin tout tracé, c’est d’être rationnel.

Les prédécesseurs et rivaux Platoniciens et Aristotéliciens s’accordent aussi sur ce fait que l’homme est l’être doué de raison – et pour cela il est au-dessus des autres animaux. Pour Platon, une partie de l’âme de l’homme est rationnelle, mais c’est une partie qui est en conflit potentiel avec d’autres parties, (une ou plusieurs selon les dialogues85), qui ne sont pas rationnelles – il y a donc de l’irrationnel dans l’homme. Pour Aristote, une partie de notre fonctionnement biologique est dépourvue de raison ; si l’être humain est défini par sa spécificité rationnelle, toute sa vie opérative n’est pas gouvernée par la raison. De l’autre côté du débat, il y a Epicure pour qui la rationalité et la capacité de raisonner distingue l’homme seulement en ce que celles-ci l’égarent du chemin de ce qui est naturel et l’induisent souvent en erreur. C’est donc une propriété qu’il faut mater, contrôler et mettre au service d’une perception du monde extérieur immaculée par la raison. L’homme chez les Epicuriens n’est pas supérieur aux autres animaux.

Chez les Stoïciens, tout dans l’être humain est rationnel. Comment en serait-il autrement, quand on sait que l’existence de l’être humain est due à l’activité du seul souffle rationnel (le pneuma) qui agit en tant qu’âme sur la chair et les os d’un individu pour le maintenir en tant que l’être humain qu’il est. Ce souffle est unifié (même s’il a différente fonction86), et c’est l’âme toute entière qui est donc rationnelle. Ceci implique que nous sommes mus par la raison du bout des pieds jusqu’aux pointes des cheveux. Or force est de constater, d’une part, que rien des actions des hommes depuis le début de l’histoire jusqu’à nos jours ne semblent particulièrement démontrer un comportement rationnel ou parfait, d’autre part, que l’homme ne nait pas rationnel. Les Stoïciens le reconnaissent volontiers ; leurs réponses consistent en une théorie du développement naturel (et inévitable) de la raison chez l’homme et, en rapport avec cette théorie développementale, une conception originale de la raison.

Le développement naturel de la raison

L’être humain naît avec son âme comme une table rase, sur laquelle viennent s’inscrire ses impressions, tout d’abord d’origine sensorielle. Au fur et à mesure que ces perceptions sensorielles s’accumulent, l’âme reconnaît des similitudes entre elles, et s’en souvient en en créant des traces mémorielles (mnēma) : ainsi plusieurs impressions de choses blanches forment une trace mémorielle du blanc de telle sorte qu’à la prochaine rencontre avec du blanc, l’âme de l’enfant reconnaît une chose blanche comme quelque chose qui est blanc. Les Stoïciens parlent de ce processus comme l’acquisition d’expérience (empeiria) qu’il faut donc entendre de façon assez littérale comme l’acquisition d’une familiarité avec les constituants perceptibles du monde extérieur87.

Cette expérience se solde par une conceptualisation graduelle du monde extérieur. Se forment dans l’âme, des conceptions (ennoia) qui correspondent donc à une classification mentale en genres de plus en plus généralisés que l’on se fait sur la base de notre expérience, à travers la perception sensorielle : de la conception du blanc à celle de la couleur. Ainsi, plus on voit d’êtres humains différents dont on se familiarise à reconnaître des signes récurrents et communs, plus on est à même de se former la conception d’un être humain, assez riche et raffinée pour nous permettre de reconnaître lors d’une nouvelle rencontre la chose qui vient vers nous comme un être humain et non pas, par exemple, un androïde. Mais, si par exemple, un enfant n’aura jamais connu que des femmes en inférant donc que c’est tout ce qu’il y a comme êtres humains, cet enfant se sera formé une conception d’être humain sur la basse de son expérience. Il n’y a donc aucune conception du monde qui soit innée. Tout nous vient de notre expérience du monde.

Ce processus mental va de la perception passive, à la production de conceptions mentales ; c’est une activité de l’âme, qui consiste à généraliser sur ces données sensorielles, et ainsi à s’approprier, mentalement, le monde extérieur en le classifiant selon les similarités (et partant, les dissemblances) qu’il présente. C’est un processus inévitable, nécessaire, qui est l’emprise graduelle mais irrésistible de la rationalité chez l’être humain. Elle infiltre tous les moments de cette appropriation conceptuelle de l’expérience de l’enfant : les sens qui sont investis de la capacité de reconnaître les choses d’après les conceptions déjà formées (les Stoïciens se démarquent ainsi nettement des Epicuriens pour qui les sens sont détachés de l’influence de la raison) ; le langage, qui est mobilisé pour fixer des mots aux choses, et bien sûr la capacité même à raisonner qui prend en charge toute réception de données.

Le développement naturel de la raison n’est donc pas d’emblée le développement de la sagesse ou même d’une prise de conscience de la sagesse comme horizon, ni celle d’un rapport à la vérité. Mais bien plutôt d’un rapport au monde fondé sur une organisation du monde.

A partir des premières traces mémorielles qu’accumule l’âme, chaque nouvelle perception se mesure par rapport au stock plus ou moins réduit mais grandissant de conceptions : l’enfant voit (sent, touche, goûte) quelque chose, non plus comme la chose perçue mais comme la chose qui est blanche (parfumée/douce/sucrée). C’est-à-dire que l’être humain n’a pas l’impression d’une chose F, mais bien plutôt l’impression qu’une chose est un F. L’âme humaine convertit ainsi de façon ‘automatique’, pour reprendre une formule de Gisela Striker88, les impressions dans une forme propositionnelle, X est un F, où F est dit de quelque chose X (Voir au-dessus).

Nous saisissons les structures logiques dans lesquelles les choses du monde et nous-même sont engagés ; le contenu de nos impressions correspond à des lekta. Plus nos impressions sont fines grâce à un stock large et détaillé de conceptions qui nous permet de reconnaître les données sensibles exactement, plus le contenu de nos impressions est exact et nos impressions sont vraies, voire ‘kataleptique’ – celles dont la vérité est si claire et distincte qu’elle est indéniable89. Si on manque de conceptions, ou nos conceptions sont trop générales, c’est presque certain que nous aurons une impression erronée. Elle est toutefois rationnelle et par le simple fait de l’avoir nous manifestons notre rationalité90.

C’est à l’âge de sept ans que l’enfant parachève la rationalisation totale de son appréhension du monde, ce qui veut dire qu’à partir de cet âge-là, le mécanisme de conversion en contenu rationnel de toute réception de données est complètement automatique91. Il n’y a plus de place pour l’irrationnel dans l’être humain. L’irrationnel n’est plus, dans cette perspective, ce qu’en fait Platon, c’est-à-dire l’apanage de celui qui se laisse dominer par ses passions et agit contre la raison. Mais si tout le monde agit toujours rationnellement pour les Stoïciens, personne – ou presque – n’agit en conformité avec la raison ; tout le monde sauf le sage (qui est ‘plus rare que le phénix) est un imbécile (ou un méchant ou un fou, pour le grec ‘phaulos’), mais un imbécile rationnel92.

La Première impulsion à la préservation de soi

Si le mécanisme de la rationalité est en place et est commun à tous les êtres humains, on est encore loin d’établir la possibilité d’une expérience commune et la possibilité de la connaissance. Pour ceci, il faut prendre en compte un autre développement naturel qui se passe en parallèle à cette opération mentale dans l’âme, et qui assure la survie de l’homme.

C’est que tout être animé naît avec une impulsion à agir – et comment en serait-il autrement, vu que l’âme (que ce soit chez la plante, l’animal ou l’humain) agit sur sa matière passive en vue de faire percevoir et se mouvoir l’être ainsi produit. Or ce mouvement, comme toute action, est le fait d’une cause active, qui est cette âme – une partie du souffle cosmique rationnel – et qui agit donc en conformité avec la raison et selon ce qui est nécessaire et pour le mieux. Or le mieux, affirment les Stoïciens, c’est d’abord de se maintenir en tant que la chose que l’on est (c’est bien la tâche principale du souffle actif). Tout être animé a donc une première impulsion à la préservation de soi93.

Cette préservation de soi tient de la perception de soi qui commence d’abord par une distinction de ce qui est soi et ce qui est le reste du monde. En percevant ce qu’on est soi-même, les Stoïciens parlent d’une appropriation de soi-même. Ainsi, comme le rapporte en particulier Sénèque (voir note précédente), que ce soit le petit d’un animal ou un enfant, chaque être se concilie son propre corps en le faisant fonctionner dans toutes ses capacités : se mettre sur pied aussitôt né pour le poulain, ou marcher dès qu’il se sent les forces pour l’enfant. On se rend compte de ce que l’on est, et on a tout de suite l’impulsion de préserver cette identité découverte.

Plutôt douleur que plaisir

Il convient de mentionner en parenthèse une polémique qui départage bien clairement les deux écoles Hellénistiques : les Stoïciens, des Epicuriens. Ces-derniers considèrent que c’est le plaisir qui motive toute action de la première à notre dernière. Mais pour les Stoïciens, le plaisir n’entre pas dans les motivations de l’impulsion première. Il peut venir couronner le succès de l’action menée pour la préservation de soi : il est alors ‘comparable à la joie de vivre que manifestent aussi bien les animaux ou au resplendissement de la floraison des plantes’94. Mais en aucun cas, le plaisir ne joue-t-il un rôle ni comme but ni comme motivation dans l’impulsion qui mène à la continuation de l’existence de l’être. La preuve, c’est que bien souvent on agit dans et malgré la douleur pour réaliser sa première impulsion : ainsi, Sénèque observe le mal que se donne le poulain pour se mettre sur ses jambes, ou encore les pleurs et échecs successifs qu’endure l’enfant pour tenter de marcher. Ces mêmes pleurs et efforts pénibles accompagnent le deuxième stade du développement de l’être humain.

L’Appropriation de soi et du monde : l’oikeiōsis

Cette première appropriation de soi à soi-même est une familiarisation qu’on prend de soi-même ; les Stoïciens mettent au service de cette idée, le mot grec ‘oikeiōsis’ qui dérive du verbe ‘oikein’, lui-même dérivé du mot ‘oikos’, qui signifie : la maison. Le verbe et le substantif ont donc le sens de faire de quelque chose une partie sa maison, de rendre propre à soi, familier, d’où s’approprier. Les Stoïciens donnent ainsi une profondeur philosophique à cette notion de maison déjà socialement et institutionnellement centrale dans le monde grec95. C’est une notion extrêmement riche qui prend une importance aussi bien dans la théorie stoïcienne de l’individu que pour la vision de la société et de la politique globale, à l’échelle du monde entier, puisque la logique de l’oikeiōsis veut qu’à la fin, tout dans le monde fasse partie de la maison de chacun, dans un cosmopolitisme humaniste et solidaire.

le Premier Cercle

Commençons par l’individu. Si c’est bien la perception de soi qui dirige l’impulsion à l’action de préserver ce que l’on perçoit, encore faut-il savoir ce qu’il faut faire. L’action en apparence est simple : se diriger vers ce qui favorise cette préservation de soi et fuir ce qui la nuit96. Ce qui la favorise, c’est donc de rechercher les choses qui sont propres à soi donc bénéfiques, et que l’on est amenées à s’approprier. Or la perception de soi évolue avec le développement naturel de la raison, elle change avec l’expérience. Une expérience qui nourrit la conception qu’on se fait de l’être humain.

En suivant l’idée, simple en apparence, de la classification première de nos perceptions selon des similitudes (voir au-dessus), l’enfant naturellement fait des liens entre lui-même et les personnes autour de lui. Plus l’enfant accumule des expériences avec d’autres êtres qu’il reconnaît comme similaires, plus il apprend à reconnaître les similitudes, en écartant les différences, pour arriver à une conception de l’être humain qui lui permet de reconnaître comme tel tout être humain – peu importe qu’il soit homme ou femme, valide ou invalide, peu importe sa couleur de peau. Les Stoiciens préconisent que la perception de soi se transforme, car on finit par percevoir ce qui en nous fait que nous sommes humains : c’est la rationalité. Et c’est elle qu’on finit par vouloir préserver.

« étant donné que ce qui constitue l’être humain, c’est sa rationalité, l’homme s’approprie à soi-même, non sa condition animale, mais sa raison. »97

Deux points ici : Premièrement, l’oikeiōsis (dans le latin de Sénèque ici, ‘conciliatio’), cette pratique de préserver ce qui est approprié à soi, est une pratique d’essentialisation : pour chaque chose, il y a quelque chose qui la constitue, ce qui fait que cette chose est la chose qu’elle est, c’est cela que l’on perçoit de soi et ce qu’on œuvre à préserver. Chez l’être humain, dès qu’il en est capable, il perçoit sa raison à l’œuvre et c’est elle qu’il est porté à préserver. Deuxièmement, il n’y a rien d’autre que la raison qui compte pour l’être humain, qui est ce qui fait l’être humain.

Se soucier de sa raison, c’est se soucier de la raison, c’est l’inférence qu’on fait en comprenant que nous sommes tels que nous sommes, grâce à la même raison qui fait que le monde est tel qu’il est. Cet apprentissage correspond au premier cercle de l’appropriation à soi de soi-même. C’est un cercle, nous dit Hiéroclès qui est si petit qu’il touche presque son centre98. On retrouve ici la confirmation du souffle (pneuma) rationnel animant chaque chose au niveau du macrocosme comme à celui du microcosme. En tant qu’être doué de raison, nous avons la capacité de nous en rendre compte.

Notons au passage une confusion à ne pas faire : le souci pour la raison n’est pas le souci de soi, formule que Michel Foucault a rendue célèbre, et qu’il reprend et problématise à partir des philosophes antiques et en particulier des Stoïciens (en se concentrant sur les Stoïciens Romains)99. Le moi chez les Stoïciens, on le peut déjà entrevoir, est éclaté entre la raison qui, par sa nature même, ne peut pas être individuelle ou personnelle car elle s’inscrit à l’intérieur de la raison cosmique, (qui anime et fait avancer le monde), et un processus de délibération interne à chacun, qui fait qu’on prend de mauvaises décisions dont on n’est pas sûr qu’on est libre de prendre (voir plus bas).

Les Cercles Concentriques

L’appropriation s’enclenche dès la naissance avec cette première familiarisation qu’on se fait de soi-même par rapport aux autres, mais ce même processus invite à rapidement prendre en considération les autres. Si d’abord, ces-derniers représentent la différence à soi-même, très vite c’est le principe de similitude qui devient plus important. Quand on arrive donc à la réalisation que c’est la raison qui nous fait ce que nous sommes, il n’y a qu’un pas, et un pas qu’on ne peut pas ne pas franchir, pour réaliser que c’est la même raison qui fait que les autres sont humains aussi. On commence donc à étendre l’impulsion à la préservation non plus qu’à soi-même, mais aux autres êtres humains. On cherche donc à se les approprier comme on cherche à s’approprier soi-même : on a, en d’autres termes, la même considération pour leur survie et bien-être qu’on a pour soi-même.

Comme l’apprentissage, qui est d’abord et avant tout, une accumulation d’expériences, est lié au temps et au lieu où l’on se trouve, il est normal que les premiers êtres qui bénéficient de cette expansion de l’impulsion à préserver soient les premières personnes qui s’occupent de l’enfant grandissant (famille, enseignants). C’est ce que les Stoïciens appellent le deuxième cercle de l’oikeiōsis ; viennent ensuite les cercles plus larges, comprenant les habitants de la cité, puis du pays pour se terminer aux confins de toute terre habitée, le dernier cercle comprenant tout le genre humain100.

Les Stoïciens théorisent une géométrisation du sens moral : tous ces cercles ont le même centre ; notre action constitue ce centre, et notre tâche est de minimiser l’écart entre les cercles pour qu’éventuellement on les ramène les uns sur les autres. Comment faire ? simplement (!) étendre le même égard que l’on a pour ceux qui peuplent les cercles les plus rapprochés, en commençant par le premier (c’est-à-dire nous-mêmes), aux cercles les plus distants. C’est-à-dire transférer le même souci de préservation de ce qui nous constitue, du premier cercle à tous les autres101.

Rien de plus simple en théorie, rien de plus difficile en pratique. Car si la théorie nous révèle que chacun de nous est voué non seulement à agir selon la raison cosmique mais à s’en rendre compte, (par le développement naturel de notre rationalité), ainsi que de venir à penser que c’est ce qu’il y a de plus précieux, la pratique semble faillir à la théorie. La théorie requiert deux choses : (i) que l’on se détache de soi-même en vue de ne se voir que comme une partie agissante d’une raison cosmique ; et (ii) que l’on traite tout autre être humain, non pas comme un autre soi, mais comme un être qui est constitué par la raison comme on l’est soi-même, et qui donc a autant ou aussi peu d’importance individuelle que soi-même.

La Cosmopolis

Les Stoïciens préconisent un cosmopolitisme vertueux : tout un chacun est citoyen du monde par le fait même d’être un être humain concerné par la raison cosmique. Arriver au stade où l’on est effectivement consciemment concerné par la préservation de la structure rationnelle du monde, c’est en effet arriver à la vertu. Mais tout être humain par le fait même d’être humain est un citoyen du monde. Les fous (méchants, imbéciles – tous sauf les sages) ne se rendent pas compte des droits et devoirs qu’impliquent cette citoyenneté mondiale. Mais, cela n’a aucune importance, car qu’on en soit conscient ou pas, le cosmos est :

« l’ensemble ordonné des hommes et des dieux et de tout ce qui a été créé pour eux »102

Cet ‘ensemble ordonné’ (qui traduit le grec ‘systēma’), on l’a déjà vu, c’est aussi bien la succession d’événements et de corps qui marquent l’action de la raison que l’unité de l’univers (soutenu par la sympathie cosmique et les chaines causales), mais ici, il s’agit aussi d’une urbanisation à échelle cosmique de la cité cosmique : c’est un système d’aménagement habitable par tout être doué de raison (les dieux, on l’a vu, sont les êtres suprêmement rationnels).

Ainsi, les Stoïciens parlent d’une double citoyenneté de tout être humain : celle qu’il dérive de la cité géographique où il naît, dont l’administration est le fait de circonstances ponctuelles et temporaires, et celle qu’il dérive de son existence en tant qu’être humain, dont les limites sont « les coins les plus éloignés où arrive le soleil »103. Cette cité cosmique est régie par les lois de la raison, c’est-à-dire de la nécessité, c’est-à-dire par la providence selon les meilleures lois qu’une cité pourrait avoir.

Comme si souvent dans les théories stoïciennes, on se retrouve face à une apparente contradiction : entre être de fait citoyen du monde, et en ne se comportant pas comme tel, ni ne sachant comment faire pour être plus cosmiquement ‘urbain’, pour reprendre l’attitude prônée par Cléanthe (cité par Clément dans la note précédente) à laquelle doit aspirer tout un chacun, et qui revient à obéir aux lois cosmiques de notre cosmopolis, que cependant, dans notre bêtise, on ignore.

La Théorie des Masques

Reprenant la question d’une autre perspective, Panétius propose de voir le développement de la raison chez l’être humain et, une fois rationnel, ce qu’il lui reste à faire pour atteindre une vie en harmonie avec la raison, selon une théorie des masques que l’on apprend à endosser et qui sont alors autant d’identités éclatées d’une et même personne.

Chacun de nous porte quatre masques superposés l’un sur l’autre : le premier est commun à tous les êtres humains, celui de la raison ; le second, est celui de nos particularités propres à chacun (rusé, austère, doux ou irritable) ; le troisième, celui que nous a fixé le hasard des circonstances (être né riche, pauvre ou esclave) ; le quatrième celui que nous nous serons choisis nous-même (d’étudier la philosophie, de devenir banquier etc.)104. Cette idée du port de masques, si elle dérive d’un intérêt marqué dans le stoïcisme, depuis ses débuts, pour le théâtre comme métaphore de la vie105, sort ici de son cadre purement analogique : ces masques – personnae en Latin – ne correspondent pas à des étapes de la vie mais bien à l’être-au-monde de tout un chacun à tout moment. En guise d’explication, Cicéron insiste bien sur la ‘cohérence’ qui à tout moment requiert que notre caractère particulier (masque nº deux) soit tenu par les rênes de la raison universelle (masque nº un) qui temporise aussi bien notre choix de carrière (masque nº quatre) que notre acceptation de nos circonstances (masque nº trois)106.

Cette théorie expose bien la doctrine du moi éclaté du stoïcisme : chacun est tous les quatre masques en même temps. On n’en porte pas un au détriment des autres, c’est bien que l’on est à tout moment saisi par des contraintes qui, en pratique, se soldent par des contradictions entre ce que l’on ne peut pas ne pas être, c’est-à-dire rationnel, par-delà les inclinations personnelles et individualisantes, et ce que l’on ne peut pas tout autant ne pas être, c’est-à-dire un individu absolument spécifique, fruit d’une action unique, d’un pneuma unique, agissant sur de la chair et des os spécifiques à nous, et qui donne des qualités uniques comme celle d’être Socrate, ou celle d’être un imbécile - tant et si bien que, comme on l’a vu, chaque individu est une espèce infime à lui tout seul. Les contradictions se maintiennent tant qu’on n’atteint pas la sagesse, quand tous les masques se fondent les uns dans les autres.

La Place de l’homme dans le monde – les animaux

Le moi éclaté ; le déplacement de notre impulsion première de la préservation de soi vers la préservation de ce qui nous constitue, c’est-à-dire la raison ; le tout corroboré par le développement de la rationalité en nous jusqu’à devenir entièrement rationnel, fait si que l’homme n’est pas le centre du monde.

Tout d’abord, on l’a vu, l’être humain n’a pas le monopole de la rationalité parmi les constituants du cosmos. Il y a les dieux, et il y a le dieu, le principe actif cosmique. L’action de ce-dernier, comme c’est rapporté dans la citation au-dessus107, créé les hommes et les dieux et tout le reste est dit être ‘généré pour eux’. Est-ce à dire qu’il y a une hiérarchie des êtres, où l’homme et les dieux se trouveraient en haut de la pyramide ? Certes leur accès à la raison met les dieux et les humains à part, mais il faut distinguer deux éléments : d’abord ce qu’implique cet accès, puis ce qu’implique ce ‘pour’.

L’accès à la raison s’exprime de façon différente pour les hommes et pour les dieux : pour ces-derniers, ils sont l’incarnation absolue de la raison, se comportant toujours et seulement d’après l’ordre rationnel parfait – et sont pour ce fait immortels, du moins jusqu’à la conflagration108. Pour les hommes, l’accès à la raison se manifeste : d’une part, par la rationalisation de leur perception et de leur rapport au monde, grâce à leur accès aux lekta, (voir au-dessus) et partant, au langage ; d’autre part, par leur vie qui vise la réalisation de la raison parfaite et, pour l’écrasante majorité, par l’échec à y parvenir. Dans cet espace entre l’individu et la visée, ou la prise de conscience de la visée vers la raison, il y a le progrès, qui est constitué d’autant de crises dans lesquelles les injonctions de l’oikeiōsis, (ou le maintien de la cohérence entre les masques) sont mis à mal.

Ces crises, on peut les voir comme des malentendus sur le ‘pour’ dans la formule : ‘les êtres créés pour les hommes et les dieux’. On a vite fait de comprendre ce ‘pour’ avec une valeur instrumentale. C’est l’interprétation qu’en offre Cicéron par exemple, quand il dit que les autres animaux sont au service et bon plaisir des hommes,

« qui peuvent en user pour leurs besoins comme ils veulent sans injustice »109

Sans injustice, cela veut dire qu’il n’y a ni lois, ni réciprocité, ni rien en commun à préserver comme c’est le cas par contraste entre êtres humains : en faisant ce que l’on veut des animaux, on ne commet pas d’injustice alors que ce serait en commettre si l’on traitait un autre être humain de cette sorte.

Cette lecture Cicéronienne (lui qui n’est pas Stoïcien) semble simplifier cependant la pensée des Stoïciens. Car une des étapes qui signe le passage de l’être humain vers la raison, c’est sa capacité de reconnaître dans les choses extérieures à lui, ce qui est similaire et ce qui ne l’est pas. En reconnaissant dans les autres animaux, une absence de raison, l’être humain prend sur soi la responsabilité de comprendre, au nom de l’animal qui ne le peut pas, les rapports structuraux dans lesquels l’animal se trouve à l’intérieur de l’ordre cosmique rationnel.

Le ‘pour’ doit donc être ré-évalué en un ‘pour’ de prise en charge, un ‘pour’ de responsabilisation. D’où il s’ensuit que Cicéron va trop vite en besogne en qualifiant l’usage que fait l’homme des autres animaux comme ‘sans injustice’. Car cet usage, ou mieux, cette prise en charge est régie précisément selon les lois que l’homme a saisies, par-delà son existence individuelle et celle des autres animaux, et selon lesquelles, au nom de l’animal, tel ou tel animal a tel ou tel rôle auprès de l’homme110.

Ceci n’exonère pas les Stoïciens d’une possible légitimation de la maltraitance des animaux, surtout pour nos sensibilisations au 21ème siècle à la cause animale. Cependant, le rapport préconisé par les Stoïciens aux animaux est plus complexe qu’une simple instrumentalisation de l’animal par l’homme. Celui-ci tirera profit d’un animal seulement d’après sa compréhension de la place qu’occupe l’animal dans l’ordre du monde. L’argument n’implique pas d’emblée une exploitation de l’animal par l’homme. On pourrait tout autant en appliquer la logique à la crise écologique contemporaine, où par exemple, la tâche de l’homme est de sauvegarder les habitats naturels des animaux sauvages, l’ours polaire pour prendre un exemple, pour garantir la survie de celui-ci non pas pour l’exploiter mais, à grande échelle, de préserver l’ordre écologique qui garantit la survie de la planète Terre. L’ours est là ‘pour’ l’homme, comme tout le reste, en conformité avec l’ordre cosmique planifié et maintenu par le principe rationnel.

Le But de la Vie

Le but de la vie est de « vivre en accord avec la nature »111. Parfois la formule originelle, rattachée à Zénon, est réduite à « vivre en accord », ce qui permet de surligner les deux caractéristiques fondamentales de la doctrine du telos, (de la fin), des Stoïciens : (i) que le but est une pratique, et (ii) que l’enjeu est une compréhension des rapports entre soi et ce qui n’est pas soi-même.

Les successeurs de Zénon ont chacun à sa manière développé cette formule, en mettant en lumière les divers champs de pensée et d’action qu’elle mobilise, et qui recouvrent les doctrines physiques et ontologiques : ce qu’il faut comprendre de l’ordre rational du monde ; les doctrines épistémologiques : ce qu’il faut apprendre à travers la conceptualisation de nos expériences et comment juger les impressions ainsi reçues ; et les doctrines éthiques : comment adapter en pratique ces apprentissages théoriques. C’est l’aboutissement du développement de l’être humain à travers ses expériences, ses conceptions et son appropriation graduelle de son entourage.

L’éthique stoïcienne apparait ainsi fondée sur une charpente logique solide : ce qu’il faut faire (l’éthique) découle de la physique et de la logique. Ainsi, les injonctions au comportement juste – celui qui sera en accord avec la nature – correspond à la mise en pratique, c’est-à-dire au fait de vivre sa vie, événement par événement, en accumulant expériences et impressions pour en affiner les jugements et venir à diriger les actions en conformité avec la raison.

Vivre en accord avec la nature correspond à la vie vertueuse. Et la vie vertueuse, c’est le bonheur112. Ainsi, si le bonheur reste, comme pour tous les philosophes de l’antiquité, la ligne d’horizon, on est loin de la concentration sur l’épanouissement de l’individu, que l’on retrouve selon des déclinaisons différentes, dans les écoles rivales. La vertu n’est pas une focalisation sur le soi, même s’il s’agit avec les Stoïciens de travailler sur soi-même constamment, mais c’est un travail pour se défocaliser de soi-même et apprendre à comprendre sa place dans l’imbrication structurale d’un univers dont l’être humain n’est pas le centre.

L’Indifférence

Le Test du Naufrage

Stimulés par des attaques (de la Nouvelle Académie, devenue sceptique du 2ème siècle av. J-C113), sur cet optimisme sur l’effacement volontaire et même nécessaire (vu le développement de la raison) du moi individuel, les Stoïciens mettent en place plusieurs tests imaginaires simulant des situations extrêmes pour mettre à l’épreuve l’application concrète de leurs doctrines. Ainsi Hécaton, disciple de Panétius, imagine un naufrage d’où il ne reste qu’une seule planche pour sauver un seul survivant :

« S’il n'y a qu’une seule planche et deux rescapés, qui sont tous les deux des sages, se l’arracheront-ils ou est-ce que l’un des deux la cédera à l’autre ?

Réponse : il faut la céder à celui dont la vie importe le plus ou pour lui-même ou pour la république.

Mais s’il y a égalité entre eux ? Alors il n’y aura pas de querelle, mais ce sera pratiquement par hasard ou bien ils tireront à pile ou face, et le vaincu cédera la planche au vainqueur.114» 

Deux points majeurs à souligner ici : (i) il y a une échelle d’importance objective sur laquelle mesurer les contributions de chacun, et (ii) l’acceptation par avance d’une suite d’évènements qui suivra son cours peu importe ce que fait tel ou tel individu. Autrement dit, il faut envisager d’arriver à un stade non pas où l’on se sacrifie pour un autre, mais où l’on anticipe de se conformer à un ordre que l’on ne contrôle pas mais auquel notre seule réelle contribution est de saisir objectivement notre place en lui. Un sage ne tient pas à sa vie à tout prix, il y tient seulement dans la mesure où il en apprécie objectivement sa valeur.

On est donc bien loin de la première impulsion pour la préservation de soi. Mais les Stoïciens ici ne font que suivre jusqu’au bout la cohérence de leur thèse : que l’on ne fait jamais que préserver ce qu’on comprend être soi. Or, avec l’expérience, on arrive à comprendre que ce soi à préserver c’est l’ordre dont on fait partie. Le sage qui accepte donc de mourir pour laisser la vie à un autre, ne fait que préserver ce qui est le plus lui-même, c’est-à-dire son appartenance à l’ordre rationnel des choses115.

L’échelle des valeurs

Les Stoiciens divisent tout ce qu’il y a au monde en trois classes éthiques : les choses bonnes, les choses mauvaises et celles qui ne sont ni bonnes ni mauvaises. C’est une classification qui repose sur une échelle de valeur où les choses bonnes ont le plus de valeur, les mauvaises, aucune valeur, et les choses ni bonnes ni mauvaises, des valeurs relatives116.

Parmi ce qui a de la valeur absolue (par contraste avec la valeur relative), il y a la vertu, et toutes les vertus qui la fondent (prudence, courage, justice etc.117), et c’est tout. Les contraires des vertus, les vices, comme l’injustice ou l’imprudence, n’ont aucune valeur. Entre les deux, on trouve : ‘la vie, la santé, le plaisir, la beauté, la force, la richesse, la bonne réputation et la bonne naissance’ mais tout aussi bien les contraires de ces choses : ‘la mort, la maladie, la pauvreté, la honte, l’infamie’118. C’est dire que, de la beauté ou de la laideur, de la richesse ou de la pauvreté, ni l’un ni l’autre est en soi mieux ou pire que l’autre. Aucune de ces choses, prise dans l’absolu n’est absolument bénéfique ni absolument nuisible. Elles ont donc une valeur relative à des circonstances extérieures.

Cela peut surprendre : par exemple que la mort ne soit en soi ni bonne ni mauvaise, de même pour la santé, ou la richesse. Mais il suffit de prendre l’exemple des naufragés ci-dessus : parfois la mort est à éviter, parfois non. Ce n’est donc aucune de ces choses de valeurs intermédiaires qu’un être rationnel doit rechercher. Ce qu’il lui reste à faire, c’est d’étudier les éléments de la circonstance, c’est-à-dire les rapports dans lesquels se trouvent les constituants d’une circonstance (des personnes et des choses impliquées à leurs histoires et aux effets prévisibles de leurs actions). Quant à la chose elle-même à poursuivre (argent ou misère, santé ou maladie, beauté ou laideur, plaisir ou douleur), on poursuivra l’une ou l’autre en fonction des conclusions de cette étude119. En soi, l’objet est indifférent.

De l’indifférence au Préférable à la Vertu comme standard absolu

L’indifférence, c’est la valeur neutre des choses quant à leur capacité de donner du bonheur ou de rendre malheureux. Une neutralité que chaque sujet doit apprendre à discerner dans les choses ; or, comme la théorie de l’oikeiōsis (l’appropriation du monde) nous rappelle, il ne s’agit pas d’une absence d’égards vers le monde (les autres hommes, animaux etc.) qui ferait de cette échelle des valeurs un encouragement vers un égoïsme moralement justifié. Mais ce serait mal interpréter la doctrine : car dès le début de notre acclimatation au monde, les Stoïciens préconisent qu’on s’intéresse à lui, qu’on l’étudie et qu’on aspire à le comprendre. Ce faisant, on apprend que les choses extérieures à nous sont indifférentes à notre bonheur.

L’indifférence intrinsèque de la plupart des faits et objets de la vie ordinaire placent ceux-ci dans rapports de préférabilité et de non-préférabilité pour le sujet agissant, selon les circonstances120. Ainsi la santé est un préférable, et s’il y a un choix, c’est elle qu’on choisira, par exemple en se soumettant au régime prescrit par le médecin, s’il n’y a pas d’autres considérations à prendre en compte. Car la santé est préférable en vue d’autre chose, par exemple la possibilité d’être en forme pour pouvoir raisonner et réfléchir. Si ce but supérieur n’est plus à disposition, par exemple dans le cas du naufragé, la santé n’est plus préférable, et se trouve recalée à un non-préférable. De même la douleur si, en circonstances normales, elle est non-préférable, peut devenir préférable dès lors qu’elle mène vers la sagesse, qui est aussi la vertu. Il en va donc de notre jugement d’arpenter avec flexibilité cette échelle des valeurs.

Le suicide alors n’est envisagé que pour celui ou celle qui maîtrise cette échelle des valeurs, et donc, seul le sage peut se suicider121.

Seule la vertu n’est pas préférable ou non-préférable, mais a bel et bien une valeur absolue ; c’est le seul standard du bien. La vertu, c’est-à-dire la vie en accord avec la nature. Au-dessous de la vertu, tout est vice. Tant et si bien que le basculement de la vie de l’imbécile à celle du sage est instantané, comme émerger à la surface de l’eau. Il s’ensuit que l’état de vice est comparé à l’immersion sous l’eau : que l’on soit près de la surface ou loin dans les profondeurs de l’océan, on se noie de toute manière122.

La Tentation de la paresse face à l’inéluctabilité du Devoir

Tout semble comme si – vu (i) la nécessité causale qui sous-tend le cours des évènements du monde, dont l’existence de chacun n’est qu’un maillon dans une chaîne, et vu (ii) l’inexorabilité du vice dans lequel chacun se trouve, toujours noyé peu importe nos efforts – on ne peut pas agir dans ce monde à l’encontre de ce qui est prédisposé à avoir lieu. Le sage étant aussi rare que le phénix, on semble condamner à vivre dans le vice, c’est-à-dire dans l’erreur de prendre pour préférable ce qui ne l’est pas, ou pire de donner de la valeur intrinsèque à ce qui en fait n’est qu’indifférent.

A quoi bon ? pourrait-on légitimement se demander, ce qui constitue la motivation de l’argument dit ‘du paresseux’ :

« Si ton destin est de guérir de cette maladie, tu guériras que tu aies appelé ou non le médecin ; de même, si ton destin est de n’en pas guérir, tu ne guériras pas, que tu aies appelé ou non le médecin ; or ton destin est l’un ou l’autre ; par conséquent il ne convient pas d’appeler le médecin. »

C’est l’argument du fatalisme123. Mais c’est aussi la description d’un renoncement, celui de l’exercice de la raison tel que l’envisagent les Stoïciens, c’est-à-dire de ‘l’activité appropriée aux dispositions naturelles’ de l’être humain124. On ne peut pas s’empêcher de raisonner, donc le renoncement à la raison est impossible à moins de ne plus être un être humain. Peu importe les choix qu’on finit par faire, on agit, par la force de notre nature rationnelle, selon ce qu’on pense que l’on doit faire : poursuivre tel ou tel objet que l’on aura jugé préférable. C’est ce que les Stoïciens appellent notre ‘devoir’ (kathēkon)125. Une obligation qui vient non pas d’une autorité extérieure mais de notre nature propre.

Il s’agit là d’une notion d’une grande originalité où la barrière entre nature (plus précisément , physiologie) et éthique s’évapore. Car on est disposé par nature à accomplir le devoir d’agir selon la chose que l’on est. Ainsi les plantes et les animaux ont des devoirs. Les devoirs propres à leurs natures : vivre et se comporter selon les modalités biologiques de leurs espèces. Pour l’homme, rien de plus que de se comporter à la hauteur de sa propre biologie, organisée chez lui, par son âme (corporelle) qui est rationnelle.

Accomplir nos devoirs, c’est en fait maintenir en activité constante la pratique de l’appropriation (oikeiōsis) du monde que l’on est censé pratiquer dès notre naissance. Ainsi nos devoirs sont le soin de nos parents, amis, concitoyens et les autres membres de la cosmopolis126. L’expression ‘d’accomplir son devoir envers soi-même’ prend ici sa signification originelle et littérale : non pas dans le sens de se faire bonne conscience mais au contraire d’agir en être humain, en comprenant ce que c’est qu’être un humain membre de ‘la communauté des hommes des dieux’.

Dès lors, il y a trois rapports possibles envers nos devoirs : (i) l’erreur, qui est d’agir contre-nature et donc de manquer à son devoir (mais sans toutefois l’ignorer) ; (ii) faire son devoir et donc d’accomplir les actions propres à notre nature; et (iii) accomplir nos devoirs parfaitement tout le temps, ce qui résulte en actions droites (kathorthoma)127.

Les émotions : des erreurs de jugements et la possibilité du progrès face à l’exemplarité

Le stoïcisme a la réputation de condamner les émotions, et d’exalter le sage impassible qui en est totalement dépourvu. Si cette image n’est pas inexacte, la ligne de pensée dont elle est l’aboutissement est beaucoup plus nuancée, et cohérente avec le reste de l’épistémologie et la logique de l’école.

Les actions qui manquent au devoir, les erreurs, sont dues à l’assentiment donné à un contenu contaminé par une âme en déséquilibre, physiologiquement (puisqu’il s’agit d’un corps) ‘contractée’, qui ajoute un élément d’exagération à une impression128. Ainsi, au lieu de se tenir à un jugement objectif, par exemple, sur la perte d’un bien, notamment que cette perte est d’un bien externe à nous-même, c’est-à-dire à notre raison, nous nous lamentons et nous nous morfondons dans la peine comme si le bien extérieur fût notre raison interne129 : ce n’est jamais que de l’argent, il faudrait se dire, et non pas qu’on est perdu. Un raisonnement qui permet à Sénèque de dire que seul un sage peut être riche, car lui seul sait prendre la juste distance de l’indifférence d’avec sa richesse.

Solution extrême qui motive des déclarations choquantes comme celle qui justifie ‘dans des circonstances extrêmes’, le cannibalisme130. Mais la radicalité découle directement de la logique : l’assentiment ne devrait être donné qu’au contenu propositionnel objectif d’une impression : [que j’ai perdu mon bien]. L’erreur est de donner son assentiment à un autre contenu contaminé par un apport personnel : [que c’est horrible, j’ai perdu mon bien].

Cette logique à toute épreuve offre des moments vécus d’exemplarité morale : que ce soit la mort de Zénon, qui, déjà très âgé, après une chute, comprit qu’il était temps de partir et mourut en retenant son souffle131 ; ou Epictète, qui, encore esclave, tandis que son maître lui tordait la jambe, lui dit sans broncher qu’il finira par la casser, démontrant ainsi la valeur absolue et unique de la préservation de la raison132.

Les exemples, ainsi que les recommandations qui vont avec, sont d’une exigence radicale. Mais cette ligne d’horizon est volontairement élevée et éloignée pour donner la possibilité à tout un chacun de progresser vers elle. C’est par l’erreur qu’on apprend ce qu’il eut fallu faire, c’est-à-dire notre devoir. L’erreur, ce désaccord interne, est donc essentielle au progrès de l’humain :

« on ne peut pas devenir sage si on ne passe pas une grande partie de sa vie à vivre mal et dans l’ignorance. »133

Pour nous assister sur ce chemin, les Stoïciens nous accordent trois états émotionnels positifs (ce que Spinoza appellera plus tard les bonnes passions), qui sont : la joie, la précaution et l’aspiration au bien134, qui contrebalancent les quatre mauvais états émotifs où l’âme se trouve entravée et incapable d’agir selon ses devoirs (les passions tristes), qui sont : la peine, la peur, l’appétit, et l’indulgence dans le plaisir135.

La grande innovation des Stoïciens par rapport à Platon et Aristote qui opposent raison et passion, c’est de rationaliser la passion. La passion est un assentiment rationnel qu’il ne fallait pas donner à un contenu qui semble être propositionnel mais qui ne l’est pas. Car il contient un élément affectif qui transforme une proposition, (par ex.), que le Parthénon est beau, en une ‘quasi-proposition’ : ‘ah ! qu’il est beau le Parthénon’136. Ce petit élément ajouté ne représente rien du réel, mais est une exagération surajoutée par une âme qui déforme les impressions reçues. On est alors induit en erreur dès qu’on donne notre assentiment à la quasi-proposition au lieu de la proposition – dans l’exemple ici, on donne cours à un enthousiasme qui nous emporte et risque de nous faire mal agir.

Le grand avantage de cette rationalisation de l’état émotif, c’est que le remède semble à portée de main : il suffit d’être plus rigoureux dans notre logique, distinguer un contenu propositionnel de ce qui ne l’est pas.

Le stoïcisme romain développe cette accessibilité au remède contre les passions, en surenchérissant sur la cure médico-logique que formulent les Stoïciens à l’égard des maux non du corps mais de l’âme, en faisant de la correction des jugements erronés que sont les émotions, une thérapie137. A partir des idées stoïciennes, s’esquissent alors deux types de recours à l’emprise des passions, celui de la consolation des maux, et celui de la thérapie.

Responsabilité et Liberté

Ce qui importe, c’est de toujours distinguer ce qui dépend de soi de ce qui ne dépend pas de soi. Une formule qui est devenue célèbre mais qui peut prêter à confusion. C’est Aristote qui parle le premier, dans un contexte philosophique, de ce qui est ‘en notre pouvoir’, dans une discussion systématique de la distinction entre action volontaire et involontaire, en ouvrant, grâce à cette formule, une distinction plus affinée entre action volontaire et action accomplie par choix138. Mais pour les Stoïciens, toute action est une action accomplie par choix, car toute action dérive d’un assentiment donné à un contenu propositionnel.

Ce qui est en notre pouvoir, ou ce qui dépend de nous, c’est de faire tout ce que nous pouvons pour assurer que nous nous sommes soumis le bon contenu propositionnel auquel nous pouvons alors donner notre assentiment. Ce qui dépend de nous, c’est donc de nous mettre en condition pour donner notre assentiment au bon contenu mental139. C’est là notre marge de liberté.

Il convient de reconvoquer l’image du cylindre: une cause externe, et donc auxiliaire le pousse, mais lui, roule car sa nature interne est cause qu’il roule quand on le pousse. Ainsi l’homme de nature émotive et exaltée donne son assentiment à des jugements exagérés et exaltés, car son âme, cause de son assentiment est déséquilibrée ; mais l’homme sage (ou en progrès) contrôle le contenu de ses impressions avant de les soumettre à son assentiment de sorte que se sachant une tendance à l’exaltation, il tachera de distinguer ce qui est contenu objectif et ce qui ajout personnel. Il pourra alors donner son assentiment au pure contenu objectif et tenir en suspension, c’est-à-dire à l’écart l’ajout émotif140.

Il faut prendre en exemple l’archer, rapporte Cicéron, qui fait tout en son pouvoir pour atteindre son but, c’est sa responsabilité de spécialiste de tir à l’arc que rien dans sa position, force et concentration ne fasse défaut. Dès lors, que sa flèche touche ou pas son but, cela n’a plus aucune importance – c’est un indifférent (d’autres causes pourront affecter la trajectoire de la flèche)141. Se concentrer sur ce qui dépend de soi-même et seulement de soi-même, c’est comprendre sa place dans le monde, et les limites de notre contribution, en comprenant l’action de la raison cosmique, et en la suivant – ce qui est le but de notre vie.

C’est sans doute Epictète qui parle de notre responsabilité sur nos impressions de la façon la plus marquante en construisant la notion de la libération du choix (prohairesis). Pour être dans la condition de donner son assentiment au bon contenu mental, il faut être libéré des opinions erronées sur la valeur des choses. Tant qu’on met de la valeur dans ce qui est en fait indifférent – en pratique, en mettant de la valeur absolue dans les préférables (santé, argent), alors que ceux-ci ne le sont que très relativement et dans certaines circonstances seulement – on ne sera jamais libre de choisir, de faire le tri entre le bon contenu objectif, et celui contaminé par nos affectes. On est donc asservi à ses opinions erronées, et on n’est pas libre de donner ou refuser son assentiment142.

L’important dans le stoïcisme – et c’est ce qui a été appelé leur compatibilisme143 – c’est que c’est à notre portée de nous mettre en condition de refuser notre assentiment à un contenu faux en nous exerçant à distinguer les contenus véridiques de ceux qui ne le sont pas ; en même temps, notre âme étant contaminée par les mauvais jugements, nous sommes conditionnés par le mauvais état de notre âme à faire de mauvais jugements – même si par sa nature même, l’âme, qui est raison aspire à découvrir et se conformer aux les lois de la raison.

C’est un état paradoxal qui est figurée par l’image du chien attaché à sa charrette : soit il marche dans la direction de la charrette spontanément, soit il est entrainé dans cette direction de toute façon144. C’est pareil pour nous, soit nous devançons l’ordre rationnel des choses, et nous atteignons, par ce devancement même, (qui est assentiment au contenus justes,) le bonheur dans notre vie, soit nous nous bornons à être entraîné par l’ordre inexorable des choses, tout en nous trouvant malheureux et embourbés dans le vice.

 

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1Cic. Fat. 1.

2Il suffit de considérer les titres d’ouvrages critiques, tel que Les Paradoxes des Stoïciens de Cicéron, ou Les Contradictions des Stoïciens de Plutarque.

3Voir Ferrary 2007, et sur l’effet de l’ambassade à Rome, Levy 1992, p76-8.

4Voir D.L. 2.113-4 et Sedley 1977, p.75-80, Müller 1988.

5Zénon aurait ainsi vanté la meilleure qualité de son auditoire par rapport à celui de Théophraste, in Plut. Quom. 78D.

6Sur le tournant qu’a été le 1er siècle av. J-C, voir Moraux 1973, et Barnes 1997 pour l’aristotélisme. Et sur l’Aristotélisme au 3ème siècle et 2ème siècles av. J.C., voir Falcon 2017, chap.1.

7Voir les listes bibliographiques amassées par D.L. : pour Zénon, D.L. 7.4, Cléanthes, D.L. 7.174-5, Chrysippe, D.L. 7.189-202.

8Hirzel attire un renouveau d’intérêt récemment pour avoir été colocataire d’une maison à Iena avec Gottlob Frege, ce qui fait flamber les imaginations sur la connaissance, jamais explicitement exprimée, de Frege de la logique stoïcienne, voir Gottfried et al. 2009, et Bobzien 2020.

9Voir D.L. 7.140 et 143, et Galien cité à L&S 49D.

10Voir Brunschwig 1988, p97, et le texte rapporté par Simplicius à L&S 49F (=SVF ii.535).

11D.L. 7.143.

12Voir D.L. 7.141, Alex. in Meteorol. f.90a = SVF ii.594., Eusèbe PE 15.19.1. (=SVF ii.599), Alexandre Lycopolis in L&S 46I, Cléomède à L&S 49H et 49G sur les exhalaisons se dissipant dans le vide ; voir Mansfeld 1979, Frede 2005 p.230, et sur le rôle du vide Algra 1995, p321-38.

13Stobée, Ecl. I, p.171.3 = SVF ii.596, D.L. 7.136.

14D.L. 7.136.

15Voir Nietzsche 1989 §341, et Nietzsche 2003.

16Voir Gourinat 2002, et sur comment sauver l’apparente paradoxicalité de cette théorie, Barnes 2006, et Long 2006a.

17Voir D.L. 7.134, et 7.135-6; Cic. ND ii.30 ; S.E. 9.76; Plut. Stoic. Rep. 1050B, et sur cette interaction des principes fondée sur leur inséparabilité, voir Frede 2005 p224.

18Voir Frede 2005, Sedley 2001 (v.f. Sedley 2007).

19Dieu au singulier: Cléanthes, Hymne à Zeus in Stobée à L&S 54I, D.L. 7.135, 137, 147, Cic. ND 1.39 = L&S 54B ; Dieux au pluriel : S.E. M. 9.133ss, Cic. ND 2.16= L&S 54E, voir Meijer 2007 chap.II, et Bénatouïl 2009.

20Voir Cic. ND 2.15, Plut. Comm. Not. 1075C, voir Vogt 2008 p135-7, mais la divinité des planètes n’est due qu’à leur état de corps inséparables de leur âmes, leur immortalité prend donc fin à la conflagration, et elles ne sont donc pas comparables au Dieu impérissable et principe cosmique, voir Frede 2005 p.230.

21D.L. 7.134 ; Sen. Ep. 65.2

22D.L. 7.139, 142

23Platon, Tim. 30b.

24Voir Betegh 2003 sur Platon et les Stoïciens.

25D.L. 7.138 : ‘comme l’âme chez nous, l’univers a l’intelligence qui le gouverne’.

26D.L. 7.139, voir Ademollo 2020.

27Voir D.L. 7.156, Cic. DN ii.30 ; Alexandre Mixt. 223.25-8 in Long and Sedley 47L; Galien in Hipp.= SVF ii.715; Plut. Stoic Rep. 1052F.

28D.L. 7.143= L&S 53X avec note.

29Voir D.L. 7.139, Plutarque, Stoic Rep. 1053F, L&S 47M, 47N, 47S, et L&S 26H, note 4 de l’édition française, sur la traduction par ‘habitus’, qui garde le lien morphologique avec le verbe avoir, comme hexis en grec dérive du verbe avoir (echein), et voir Besnier 2003.

30Voir S.E. M. 9.81, Plu. Vir. Mor. 451BC = SVF 2.460, Philon, Leg. All. 2.22 = L&S 47P

31D.L. 7.86.

32D.L. 7.86 et 107.

33D.L. 7.134, Cic. ND 3.37, voir Duhot 1989, p.73-86, et Gourinat 2005.

34D.L. 7.134 et 150, voir Besnier 2003 et Gourinat 2005.

35Voir Duhot 1989, p.78, Bobzien 2005, p.33-44.

36Voir D.L. 7.134, Gourinat 1996 et Gourinat 2005, p.47-9 qui revient aussi sur une question de transmission textuelle de D.L. influencée par une erreur dans la Souda, le dictionnaire encyclopédique du 10ème siècle, où les principes sont dits ‘incorporels’.

37D.L. 7.156-7, Plut. Comm. Not. 1084A, S.E M. 9.75-6=L&S 44C. Et voir les arguments sur la séparabilité de l’âme corporelle du corps de Cléanthes rapportés par Tertullien An. 5, et Nemesius Nat. Hom. 2.20.14-7, 2.21.6-9 et 2. 22.3-6, avec Eusèbe PE 15. 21.2 et Calcidius, in Tim. 220 = L&S 53G.

38Le Phédon de Platon est exemplaire de ce dualisme à opposition nette, où le corps n’est jamais défini qu’en tant que tout ce que l’âme n’est pas, voir Dixsaut 2003, p.185ss.

39Voir Arist. An. 2.1, et l’étude récente de Pfeiffer 2018.

40Voir Broadie 2001.

41D.L.7. 56, Cic. Acad., 1. 39, Sen. Ep. 117.2. S.E., PH. 3.38, et S.E. M. 9.366, et voir Brunschwig 1988

42Voir Elias, in Porph. Isag. 47, 26-33, et Brunschwig 1988 p65-76 ; sur le travail de transformation des arguments du Sophiste par les Stoïciens, Bronowski 2019, p149-52.

43Voir Epicure, Her.44, S.E. M. 1.21, 1. 156, 10.221-2= L&S 7C(4)

44Voir Epicure, Her. 43-44 ; Lucr. DRN II.83-8, et sur la déviation le mouvement des atomes : Lucr. DRN II. 216-224. Et voir Gigandet & Morel 2007, p.63-9 (avec plus ample bibliographie sur le sujet).

45S.E. M. 9.79-85.

46D.L. 7.140.

47Stob. Ecl.1.79,1=L&S 55M(1)

48S. E. M. 9.80, Cic. Fat. 8=L&S 55Q, et voir Bobzien 2005 p.294-5.

49Sen. Ep. 65.4, avec Duhot 1989 p.266-8.

50S.E. M. 9.211=L&S 55B.

51On parlera plus volontiers d’item que d’entité justement pour se libérer de la catégorie de l’être comme pierre de touche du réel.

52Cic. Fat.37.

53Stobée 1.138ss=L&S 55A.

54Ibidem : L&S 55A(2), et voir Duhot 2005 p.43.

55Voir Cic. Fat. 44= L&S 62C(8)-(9), Plut. Stoic Rep. 1050D = L&S 54T(dernière phrase), et Bobzien 2005 p.21-7.

56Sen. Ep.65.11. La question de la causalité dans la philosophie ancienne est vaste, pour une introduction aux débats et des différents points de vue, voir Hankinson 1997 ; une analyse plus succincte du contraste entre les Stoïciens et les autres, Frede 1987a. L’article ici-même sur la causalité à l’Ere Moderne relève autant de points de discorde que dans l’antiquité et souvent des discussions similaires entre singularité et pluralisme des causes.

57D.L. 7.61, Aétius 1.10.5= L&S 30B.

58Voir Porph. Isag. 1.9-14, avec Barnes 2006 p.43, et Libera 1996 p14-7 et 37-8.

59S.E. M. 7.246 = L&S 30F, et voir Sedley 1985, et Bronowski 2013, p278-88.

60D.L. 7.61, S.E. M.1.17, Simplicius in Cat. 105, 8-16 = L&S 30E, Alexandre, in Top. 359.12-6=L&S 30D.

61Brunschwig 1988 et Aubenque 1991.

62Voir S.E. M. 10.218 =L&S 27D, et Brunschwig 1988, p28-30, Duhot 1989 p92.

63Sur cette traduction, voir Ildefonse 2019.

64D.L. 7.140.

65Voir Goldschmidt 1972, Brunwschig 1988 p.23; Frede 1994a p.116-8.

66Stobée, Ecl. 1.106.35-40=L&S 51B(4).

67Voir Sen. Ep. 117, avec Bronowski 2019, p310-4, et plus généralement sur l’attitude ambivalente des Stoïciens romains sur la logique de l’école, Barnes 1997a.

68Clément, ibidem = L&S 55C.

69Voir Frede 1987a, p136-7.

70Voir Bobzien 2005, p23-7.

71Voir D.L. 7.57, avec Frede 1994.

72D.L. 7.64 = L&S 33G.

73Sur le débat sur le prédicat : Frede 1994, Brunschwig 1995, Bronowski 2019, chap.8. ; sur prédicat et la naissance de la grammaire, voir Ildefonse 1996, p.194-204.

74Strabon 2.3.8.25, et Galien PHP 4.7.34.

75Voir Long 1971, Isnardi-Parente 2005, Alessandrelli 2013.

76Voir Frede 1994, Bronowski 2019.

77D.L. 7. 65, S.E. M.8.12=L&S 33B, et voir Barnes 2007, p.1-6.

78S.E. M. 8.10, voir Bobzien 2003 p87-8.

79D.L. 7.76 =L&S 36A, et voir Frede 1987b, Bobzien 1997.

80Voir Barnes 2007, p280-3.

81D.L. 7.63, S.E. 8.70=L&S 33C, Frede 1994, Long 1971, Bronowski 2019, p.160-80.

82Voir Goulet-Cazé 2011.

83S.E. M.7.245 = L&S39G(9), voir Frede 1987c, Lesses 1998.

84Plut. Stoic. Rep. 1037D-E, Bronowski 2019 p.392-4.

85Dans la République livre 4, l’âme a trois parties, mais au livre plus que deux, comme aussi dans le Phèdre.

86D.L. 7.57, et voir Gourinat 2017, p23-27.

87Voir Ps-Plutarque, Plac. 900b=Aëtius in L&S 39E.

88Striker 1996b p.84, et voir Frede 1987c.

89Voir D.L. 7.46 =L&S 40C, Cic. Acad. 1.40-1, et 2. 77 et 2. 99-100, S.E. M. 7.155-7, et voir Sedley 2005.

90D.L. 7.51= L&S 39A(6), Cic. Acad. 2.21=L&S 39C.

91Voir Aëtius in L&S 39E(4), bien que l’on cite aussi D.L. 7.55 (=L&S 33H) qui parle de quatorze ans mais peut-être est-ce là en rapport avec la mue de la voix, voir Laurand 2017 là-dessus et plus généralement sur l’enfant rationnel mais pas raisonnable.

92Sur le sage rare comme le phénix, voir Sen. Ep. 42.1, Alex. Fat. in L&S 61N, et sur le vice et la folie de nous tous : Plut. Stoic. Rep.1051A = L&S 61R, Plut. Comm. Not. 1063A-B=L&S 61T.

93D.L. 7.85 = L&S 57A, Sen. Ep.121.6 = L&S 57B.

94D.L. 7.86.

95Voir Lévy, E. 2001, et sur l’institution de l’oikos : Helmer 2015, et sur les apports sur cette notion des écoles rivales Murgier 2013.

96D.L. 7.86, Hiéroclès in L&S 57C, Sen. Ep. 121.5

97Sen. Ep. 121.14.

98L&S 57G(2), et voir Kühn 2011, p.258-69.

99Foucault 1984, chap. « La culture de soi », p.60ss, et Foucault 2001, et voir sur la différence avec les Stoïciens, Benatouïl 2006, p.24

100L&S 57G(3)-(5).

101Voir Striker 1996c, Laurand 2005, p.9-58.

102D.L. 7.138.

103Voir Sen. Otio 4.1, Clement, Strom. IV. 26.172.2 (= SVF iii. 327), et voir Schofield 1999 p24

104Voir Cic. Off. i.107-118.

105Ainsi Chrysippe cité par Cic. Fin. 3.67 et Veillard 2007.

106Levy 2003, Gill 1988.

107D.L. 7.138, aussi Cic. Fin. 3.67.

108Plut. Comm.Not.1075C.

109Cic. Fin. 3.67, et voir D.L. 7.129.

110Voir Alex. Fat.205, 26 = L&S 62I(2), Epictète, Disc. 1.6.13=L&S 63E(2), et Benatouïl 2006, p43-50, et Besnier 2001.

111D.L. 7.87 = L&S 63C, et Stobée in L&S 63B.

112D.L. 7.88

113Voir Levy 1997, chapitre IV.

114Cic. Off. 3.(23) 88-9.

115Voir Inwood 1985, partie I, et Kühn 2011, p.353-58.

116Voir D.L. 7.101-3 ; Cic. Fin. 3.20 et 3.50-1.

117Plut. Stoic. Rep. 1034C+L&S 61C(2), Sen. Ep. 113.24=L&S 61E.

118D.L. 7.102.

119Klein 2015.

120D.L. 7.104-7, Cic. Fin. 3.51-4, voir Striker 1996d, p233-6.

121D.L. 7.130, Cic. Fin. 3. 60-1, Plut. Stoic.Rep.1039D-E.

122D.L. 7.120, Plut. Progrès Moral 75C=L&S 61S, et Plut. Not. Comm. 1063A-B=L&S 61T, voir Benatouïl 2006, p.250-4.

123Cic. Fat. 28-9, et voir Bobzien 2005, p180-233, Koch 2011, p399-411, Gomez 2014, p.124-6.

124D.L. 7.108.

125D.L. 7.107-8, Stobée Ecl. 2.85.13ss=L&S 59B et voir Striker 1996d, p.250-3, et Gourinat 2014.

126Voir Engberg-Pedersen 1986.

127Stobée Ecl. 2.93.14-5+L&S 59K, Cic. Fin. 3.32=L&S 59L

128D.L. 7.110, et sur la mauvaise condition physique de l’âme : D.L. 7.118, avec Bénatouïl 2005.

129Sen. Vit.4.

130D.L. 7.121, et voir Benatouïl 2006, p268.

131D.L. 7.28.

132Epictète, Man., incipit.

133Chrysippe cité par Plut. Stoic Rep. 1039D-E=L&S 61Q. Et voir Muller 2013.

134D.L. 7.116.

135D.L. 7.111. Voir Frede 1986, Graver 2007, chap.2, Brenan 2005, p82-113

136D.L. 7.67.

137D.L. 7.115, Cic. Tusc.4 y est consacré, et les Méditations de Marc-Aurèle sont un développement de cette idée, et voir Nussbaum 1994.

138En particulier dans Arist. EN, 3.1-7.

139Voir Frede 2014, p.357-60.

140Koch 2011 p.422-39.

141Cic. Fat.22 et voir Striker 1996d, p.242-4.

142Voir Epictète, Diss. 1.1 = L&S 62K, mais l’idée est présente dans l’orthodoxie, voir D.L. 7.118, et voir Gourinat 2005b.

143Bobzien 2005 p.234-314, Salles 2005, et voir ici, dans l’encyclo-philo : Libre Arbitre, section ‘compatibilisme’.

144Hippolyte, Ref. 1.21=L&S 62A.