Contradiction (GP)

Comment citer ?

Schoumacher, Florent (2022), «Contradiction (GP)», dans Maxime Kristanek (dir.), l'Encyclopédie philosophique, consulté le ..., https://encyclo-philo.fr/

Résumé

« Donc une contradiction n’est intéressante que lorsqu’elle tourmente les hommes et montre comment des problèmes préoccupants peuvent surgir du langage, et le genre de choses qui peut nous tourmenter », Ludwig Wittgenstein, 1983, p. 115.

On peut définir la logique comme la science des raisonnements valides en vertu de leur forme, si l’on suit Pascal Engel dans son ouvrage La Norme du Vrai (Engel, introduction, VII, 1989). La contradiction est, elle, un type particulier de l’opposition. L’opposition, au sens étymologique, est la relation entre deux objets placés l’un en face de l’autre. En logique, la proposition s’entend comme un énoncé susceptible d’être admis comme étant vrai ou faux. Ainsi « Il pleut » est une proposition, on peut dire si cela est vrai ou faux, mais l’énoncé « quelle heure est-il ? » n’en est pas une. La réponse à cette question ne peut être ni vraie, ni fausse.

Dans la tradition classique héritée d’Aristote, on appelle opposition les relations qui peuvent exister entre deux propositions qui varient soit en ce que l’on nomme la  « quantité » (si la proposition est  universelle ou particulière), soit en ce que l’on désigne comme la « qualité » (si la proposition est affirmative ou négative), soit sur les deux à la fois. Il faut noter que la « contradiction » est souvent confondue avec le « contraire » (ou la « contrariété ») dans le langage courant.

Actuellement, la définition de la contradiction présente des enjeux contemporains sérieux. Si le XXe siècle a vu émerger des conceptions nouvelles en science (relativité générale, physique quantique), une abondance inédite dans le domaine des arts (cubisme, dadaïsme, surréalisme…), la logique s’est développée elle aussi de manière exponentielle, à partir des conceptions nouvelles de philosophes et de mathématiciens comme Charles Peirce, Gotlob Frege et Bertrand Russell qui vont produire la logique symbolique et « mathématiser » sous forme de calculs ses développements. Ces nouvelles conceptions vont permettre aussi dans certains cas de remettre en cause les idées héritées de la pensée aristotélicienne, idées que l’on croyait inaliénables.

Déceler la contradiction est aujourd’hui utile tout d’abord pour cerner des raisonnements fallacieux, dont des discours a priori argumentés (les discours conspirationnistes ou celui des pseudo-sciences par exemple). Par ailleurs, l’importance donnée dans certaines formes de logiques contemporaines à la contradiction permet aussi de comprendre dans notre monde la présence de certaines ambiguïtés, qui donnent lieu à certains paradoxes. Derrière l’aspect amusant des paradoxes, qui selon l’étymologie « heurte le sens commun », il y a aussi la représentation que l’on veut produire du monde qui nous environne : les propositions sur ce monde peuvent-elles rendre compte de certaines situations qui semblent contradictoires ?

Prenons un exemple du philosophe François Recanati, dans ses cours au Collège de France (2021-2022). Admettons que je suis un critique littéraire et que j’affirme que Romain Gary, prix Goncourt 1956, est un auteur passé de mode et que j’affirme en revanche qu’Emile Ajar, prix Goncourt 1975, est l’avenir de la littérature, j’émets deux jugements, parfaitement plausibles. Or à la mort de Romain Gary en 1980, j’apprends que Gary et Ajar ne furent qu’un : Romain Gary. J’ai émis deux jugements qui semblent désormais contradictoires, car elles portent sur un seul et même individu, l’écrivain Romain Gary alors qu’ils sont opposés. Ai-je réellement émis une contradiction dans ce cas d’espèce ? Certes j’ai été dupé sur l’individu, mais n’ai-je pas le droit de porter deux jugements sur un seul individu (Gary) d’autant que je croyais avoir affaire à deux objets (Gary et Ajar) ? Une conception contemporaine de la contradiction deviendrait peut-être ici utile.

Russell soulignait déjà dans les Principes de la mathématique en 1903 que l’apparence de contradiction vient de la présence d’un mot qui présente une ambiguïté, et la solution vient de la mise en lumière de celle-ci (Russell, 1989, pp.306-307). Dans notre exemple pris chez Recanati, l’ambiguïté vient de l’identité Gary=Ajar ou plutôt de la relation entre l’écrivain Gary et le narrateur Ajar qui, avant qu’elle ne soit révélée, nous permettait d’avoir deux jugements qui n’avaient rien de contradictoires car ils semblaient concerner deux écrivains distincts. Comment réagir face à ce type de proposition ? Cet exemple est complexe. Romain Gary a produit sciemment le personnage fictif d’Émile Ajar avec la volonté de duper (Ajar était même incarné par Paul Pavlovitch, un cousin de Gary). Ceci démontre qu’une contradiction peut émerger d’une ambivalence, ou ici d’un mensonge initial donc d’une ambiguïté voulue.

En science, le modèle explicatif au niveau cosmologique (la théorie de la relative générale qui explique la gravitation universelle et donc la gravité sur terre) semble opposé à certaines interactions démontrées dans les modèles explicatifs de la mécanique quantique. Les deux grandes théories explicatives de notre monde actuel sont contradictoires. Pour le dire rapidement la théorie de la relativité générale (régulièrement mise à l’épreuve par des expériences physiques et régulièrement confirmée par les résultats empiriques de ces expériences) est un modèle géométrique où règne l’espace-temps dont les « déformations » provoquent la gravitation, sous l’effet de l’énergie de la matière qui s’y trouve. Cet espace-temps est dynamique et courbe. Or dans la mécanique quantique, l’espace est fixe et plat. De plus, la mécanique quantique est une théorie probabiliste (on ne connaît jamais ainsi par exemple la position réelle d’un électron, mais on sait probablement qu’il sera présent à un endroit), alors que la relativité générale est une théorie déterministe (on peut utiliser son cadre pour calculer la position de potentiels objets invisibles. Par exemple, un trou noir est invisible, mais il peut être détecté par l’influence qu’il exerce sur l’orbite des étoiles qui lui sont proches).

On peut légitimement donc se demander si derrière le classicisme logique d’Aristote et les logiques mathématiques qui dépassent par leurs applications le simple raisonnement élémentaire aristotélicien (le syllogisme), tout en conservant néanmoins certaines lois intangibles, il n’existerait pas de la place pour un autre monde logique, dont la contradiction serait une figure de proue. Nous verrons tout d’abord comment définir la contradiction logique. 

Dans l’opposition, qu’est-ce que la contradiction ?

Imaginez une salle de classe. On y trouve un tableau, des chaises, des tables, un professeur, mais aussi des élèves. Le professeur va émettre plusieurs propositions sur ses élèves. Pour la proposition « tous les élèves sont présents », la contradictoire sera « quelques élèves ne sont pas présents » (et réciproquement). En effet Aristote soulignera que la contradiction est une affirmation universelle face à une négation exprimant le même sujet particulièrement (Aristote, 1983, 7, 17b 18-19). La contradiction fait donc varier les propositions en « quantité » et en « qualité ».

Il existe d’autres formes d’opposition et Aristote le signale déjà. La plus courante est la « contrariété », ce qui est le « contraire de ». Le contraire est l’opposé pris dans des propositions universelles uniquement. Par exemple si le professeur dit « tous les élèves sont présents » et « aucun élève n’est présent », il a formulé deux propositions contraires. La contrariété fait donc juste varier les propositions en quantité (« tous » / « aucun ») et non en qualité (ne traite que de la présence des élèves).

Il existe aussi la « subcontrariété » entre deux propositions particulières. Ici, il s’agirait de dire que « quelques élèves sont présents » et « quelques élèves ne sont pas présents ». Dans ce cas, on constate que la quantité (« quelques ») est présente dans les deux propositions, mais que la « qualité » des élèves change, puisque dans un cas ils sont présents dans l’autre, absents.

Donc, dire « tous les élèves sont présents » et admettre que « qu’aucun élève n’est présent » est contraire. Dire « tous les élèves sont présents » et admettre que « quelques élèves ne sont pas présents » est contradictoire. Il faut noter que « contradiction » et « contrariété » sont donc souvent confondus dans le langage courant par un « glissement sémantique ». Cependant si l’on reprend notre exemple, nous pouvons constater une chose pour les distinguer :

  1. Deux propositions contradictoires ne peuvent être vraies et fausses en même temps, car la vérité de l’une suppose la fausseté de l’autre et réciproquement. Soit la proposition « tous les élèves sont présents » est vraie et donc il est faux que « quelques élèves ne soient pas présents » et réciproquement. Deux propositions contradictoires ne peuvent donc avoir la même « valeur de vérité ». Nous avions dit en introduction qu’une proposition est susceptible d’être « vraie » ou « fausse », c’est cela sa « valeur de vérité ».
  2. En revanche, deux propositions contraires peuvent, elles, être toutes les deux fausses. En effet, il peut être faux que tous les élèves soient présents et faux qu’aucun élève ne soit présent, c’est même le quotidien d’une classe face à un professeur (entre les élèves malades, les élèves convoqués, etc.). Les deux propositions contraires peuvent avoir une même valeur de vérité, mais uniquement la valeur « faux ». À noter que pour la « subcontrariété », les valeurs de vérité peuvent être vrais ensemble mais pas fausses ensemble : certains élèves peuvent être présents et certains autres peuvent être absents.

Concernant la contradiction, Aristote affirmait qu’il est impossible qu’à la fois quelque chose soit et ne soit pas (Aristote, 1986, 996b 3). Néanmoins, il manque un élément pour définir la contradiction correctement. Je peux dire « il pleut » et affirmer « il ne pleut pas » si je laisse un intervalle de temps entre deux giboulées. Cela n’aura plus rien de contradictoire. Les propositions décrivent un état de fait de l’endroit géographique où je me trouve, dans deux séquences de temps différentes : le matin il pleut pleuvoir et l’après-midi, ne pas pleuvoir. C’est pourquoi Aristote précise que les propositions contradictoires ne peuvent pas être vraies simultanément (Aristote, 1986, 1011b 13-14). C’est cette simultanéité qui forge la contradiction dans le creuset de l’opposition.

Si un homme politique émet une proposition (« Je n’augmenterai pas les impôts ») et que quelques mois après, après avoir été élu, affirme du même sujet, une proposition qui sera sa négation (« Je vais augmenter les impôts » soit littéralement « Je ne vais pas ne pas augmenter les impôts »), il apparaîtra contradictoire, mais ne le sera pas. Ainsi lorsque l’on parle des « contradictions » d’un adversaire politique on se méprend. L’inconsistance humaine, le calcul de ses intérêts propres et l’ensemble des biais cognitifs peuvent faire qu’un individu varie d’un jour à l’autre sur un sujet précis. On pourra juste regretter l’inconstance de l’individu qui n’est pas une démonstration de sagesse. Néanmoins, ce ne sera pas une contradiction logique.

En synthèse, la contradiction est donc :

  • Exhaustive : l’opposition est totale (soit les élèves sont là soit ils ne sont pas là) ;
  • Exclusive : pas d’alternative entre les propositions (ici entre « tous les élèves sont présents » et « quelques-uns ne sont pas présents ») ;
  • Simultanée : affirmation dans la même séquence temporelle, à la suite l’une de l’autre des propositions (on suppose que tous les élèves sont présents pendant mon cours ou qu’ils ne le sont pas, on ne parle pas du cours de demain) ;
  • Qualitative : on affirme une caractéristique, une « manière d’être » et on la dénie à l’individu concerné (présence/non-présence (absence)) ;
  • Quantitative : on affirme un prédicat pour tous on le dénie pour quelques-uns (« ils sont tous », « quelques-uns »).

Il faut noter qu’il faut au moins deux propositions pour forger une contradiction, puisqu’il faut une affirmation et sa négation. Néanmoins linguistiquement, cela peut-être une seule et même phrase. Considérons la figure de style de l’oxymore, qui suppose que dans une même expression, deux termes contradictoires soient réunis et se rapportent au même sujet. Voyons ce célèbre vers de Gérard de Nerval :

« Je suis le Ténébreux, – le Veuf, – l’Inconsolé,

Le Prince d’Aquitaine à la Tour abolie :

Ma seule Étoile est morte, – et mon luth constellé

Porte le Soleil noir de la Mélancolie ». (El Desdichado, 1854)

Réfléchissons : le soleil se définit comme une étoile. Une étoile produit de l’énergie électromagnétique lumineuse. Une étoile brille donc. Or, ce qui est noir ne brille pas (la couleur noire absorbe les rayons lumineux sans quasiment en refléter). Si j’adjoins le soleil (qui par définition brille) à la couleur noire (qui par définition ne brille pas), nous obtenons une contradiction dans une même description définie.

Pour synthétiser toutes ces réflexions sur les oppositions, on a construit de longue date un diagramme. Dans la tradition philosophique occidentale depuis le philosophe Apulée (125-170), on parle de « carré des oppositions » lorsque l’on construit le diagramme de toutes les oppositions possibles. Les deux lignes horizontales représentent les liens sur l’axe de la « qualité », c’est-à-dire sur le fait pour la proposition d’être affirmative ou négative. Les deux lignes verticales représentent l’axe de la « quantité », à savoir le fait pour une proposition d’être ou universelle ou particulière. Les diagonales symbolisent les contradictions possibles.

 

Il semble donc utile au raisonnement d’avoir certains « garde-fous » pour assurer la rationalité de son contenu. C’est précisément ce à quoi répond la loi de la non-contradiction.

La loi de la non-contradiction

Pour éviter des fautes de raisonnement, le moyen le plus sûr est de dicter quelques règles intangibles pour tous, dans tous les cas où nous raisonnons, peu importe sur quoi nous raisonnons. Pour Aristote, il y a deux lois fondamentales à la pensée logique : la loi de la non-contradiction (LNC) et la loi du tiers-exclu (LTE).

La LNC peut s’interpréter par la formule « il n’est pas possible qu’il existe un x tel que Fx et non Fx » (il n’est pas possible que les individus exemplifiés par la variable x aient la propriété d’être un élève et de ne pas être un élève, si l’on traite toujours de l’exemple antérieur des élèves qui sont présents ou non-présents en cours).

La LTE indique que l’alternative à toute proposition empêche un troisième terme. Cela pourrait s’interpréter par : « il est nécessaire qu’il existe un x tel que Fx ou non Fx » (il existe les individus « élèves » qui peuvent être exemplifiés comme « présents » ou comme « non-présents »), ce dont on déduit qu’il n’est pas possible qu’un élève soit présent et non-présent. On ne traite pas d’une situation tierce. On pourrait préciser avec un peu d’humour que l’on suppose que le prédicat « présent » s’entend « présent physiquement », notre exemple ne comprend donc pas les rêveries et discussions des élèves durant le cours.

Aristote dira à propos de la loi de non-contradiction qu’il est le plus sûr des principes (Aristote, 1986, 1011b13-14). De manière classique, on ajoute souvent le principe d’identité comme la première des lois : une chose est identique à elle-même. Les trois lois se tiennent l’une, l’autre : si tout objet est identique à lui-même disons à l’objet A, comme A = A, alors on ne peut pas affirmer simultanément A et non-A (LNC). Cela signifie qu’il existe tout de même un A tel que A ou non-A (LTE).

Jan Łukasiewicz dans son ouvrage célèbre, Du principe de contradiction chez Aristote, indiquera que ces trois lois sont des axiomes, donc qu’ils sont indémontrables. Jan Łukasiewicz trouve trois formulations de la contradiction chez Aristote :

  1. Ontologique, pour ce qui existe : « Une même chose ne peut pas être attribuée et ne pas être attribuée, à la fois, du même point de vue, à quelque chose », (Aristote, 1986, Γ, 3, 1005b 19-20) ;
  2. Psychologique (ou épistémique, ce qui renvoie à la connaissance), pour ce qui possible de se représenter : « Personne ne peut croire qu’une même chose est et n’est pas » (Aristote, 1986, Γ, 3, 1005 b 23-24) ;
  3. Logique, pour ce qui est produit comme raisonnement valide : « Des jugements contradictoires ne sont pas vrais à la fois » (Aristote, 1986, Γ, 6, 1011 b 13-14).

Le fait que Jan Łukasiewicz indique que ce sont de simples axiomes (donc des vérités indémontrables) va influencer grandement certains penseurs pour élaborer de nouveaux axiomes en logique dont celui d’une contradiction qui pourrait être admise. En attendant, demandons-nous que se passerait-il s’il n’y avait pas ces lois intangibles.

A partir de la contradiction, peut-on affirmer ce que l’on veut ? (Ex falso quodlibet)

Pourquoi est-il si essentiel de devoir éviter la contradiction dans le raisonnement ? Cela vient du mécanisme même de la logique. La particularité du raisonnement logique, c’est que les prémisses (les propositions de départ) déterminent la conclusion en vertu de leur forme : c’est en vertu de la relation entre les prémisses (que l’on considère comme vraies) qu’on est autorisé à en tirer une proposition considérée comme une conclusion appropriée.

Imaginons que l’on ait deux prémisses contradictoires, mais qu’on estime qu’elles soient vraies toutes les deux, on parvient à un raisonnement absurde. C’est ce que l’on nomme depuis le Moyen Âge le principe du « Ex falso quodlibet » (EFQ) qui signifie « du faux, on peut déduire ce que l’on veut ». Prenons deux affirmations contradictoires :

            (1) Tous les élèves sont présents ;

(2) Certains élèves ne sont pas présents.

On voit bien ici que la proposition 1 est la contradictoire de la proposition 2. À partir de ces deux affirmations, supposées toutes deux vraies, nous allons montrer que « la licorne rose invisible existe », de la manière suivante :

  1. Nous savons que « tous les élèves sont présents », par hypothèse.
  2. Nous déduisons une proposition à deux alternatives exclusives (ce que l'on nomme un syllogisme disjonctif, ou A est ou B est si A n'est pas alors B ). « Tous les élèves sont présents ou la licorne rose invisible existe ». Sa première partie étant vraie par hypothèse (les élèves) , nous n’avons pas besoin de vérifier la seconde partie (la licorne) , car il suffit qu’au moins l’une des deux parties soit vraie par hypothèse pour que la proposition entière le soit.
  3. Cependant, on sait que « certains élèves ne sont pas présents »(non-A) ce qui est aussi vrai par hypothèse.
  4. Nous avons donc:

Tous les élèves sont présents (A) ou la licorne rose invisible existe (B) ,

Or certains élèves ne sont pas présents (non-A)

Par conséquent la licorne rose invisible existe (B)

La première hypothèse étant contradictoire (les élèves), la seconde alternative, « la licorne rose invisible existe », doit donc nécessairement être vraie pour que l’affirmation soit vérifiée.

Nous avons donc démontré que la licorne rose invisible existe, et nous pourrions démontrer n’importe quelle affirmation de manière similaire, y compris sa propre contradictoire (« la licorne rose invisible n’existe pas »), simplement en supposant initialement deux propositions contradictoires. Par conséquent, du faux nous pouvons déduire n’importe quoi.

C’est ce que l’on nomme une absurdité, littéralement quelque chose de « dissonant », lié au seul fait que la mécanique logique produise des conclusions à partir de prémisses. Si les prémisses sont trompeuses, fausses ou contradictoires, nous produisons un raisonnement logiquement correct mais qui s’avère faux en sa conclusion.

Donc sans LNC et LTE, on risque d’arriver à une forme ou une autre de EFQ. Mais que se passe-t-il si je ne peux pas encore vérifier la proposition que j’émets et que la valeur de vérité de celle-ci reste encore potentielle ?

Les futurs contingents

Aristote lui-même a envisagé une possibilité où l’on ne peut poser de réponse claire à une proposition, c’est lorsque celle-ci concerne le futur d’un événement qui n’a pas eu lieu encore. C’est le problème des « futurs contingents ». Dans de l’Interprétation, chapitre 9, il imagine l’exemple d’une bataille navale qui n’a pas encore eu lieu. Aujourd’hui avant la bataille (ou la non-bataille) les deux alternatives sont possibles, elles enfreignent donc la LTE et donc potentiellement la LNC, car je peux affirmer que demain une bataille navale pourrait avoir lieu ou non. C’est à partir de cet état de fait que des logiciens ont inventé des logiques temporelles, dont Jan Łukasiewicz.

Nous avons vu que la quête de la raison suppose des lois qui bornent la pensée. Mais autour de nous, n’a-t-on jamais eu une impression de contradiction dans un monde instable, dynamique et ambigu ?

Dans le monde actuel, il n’y a-t-il pas des « contradictions » ?

En philosophie contemporaine, il est parfois utile de distinguer ce qui est « de dicto » (ce qui renvoie à une représentation de la chose), et ce qui est « de re » (ce qui renvoie à la chose elle-même). La contradiction logique vue jusqu’à présent est une contradiction « de dicto ». Une autre définition de la contradiction existe, si la contradiction est « réelle » dans le monde actuel, (« de re »). On trouve dans certaines philosophies, celle de Hegel (1770-1831), ou héritées de Hegel comme le marxisme cette perspective : la contradiction est vécue comme le moteur de toute chose. Cette conception est l’héritière en Occident d’Héraclite d’Éphèse (VIe siècle avant notre ère) et d’Anaxagore de Clazomène (500-428 avant notre ère) par exemple. C’est la contradiction que l’on pourrait qualifier de « dialectique ».

Si la dialectique était, en son sens initial dans l’antiquité, une science de la connaissance décrite comme l’art des raisonnements probables, la dialectique pour Hegel est définie comme le développement de la réalité elle-même. Qu’est-ce à dire ? Pour Hegel, la dialectique est le moteur de tout changement, quelque que soit la sphère dans laquelle la dialectique agisse : la société, notre esprit, des doctrines. « Cette dialectique n’est donc pas l’activité extérieure d’une pensée subjective, mais l’âme même du contenu, qui fait croître organiquement ses branches et ses fruits » (Hegel, 1982, § 31, Rem.). En quoi consiste ici donc la dialectique ? Chaque position trouve une opposition pour ensuite se composer ou se décomposer en un nouvel élément émergeant, bref tout se détruit en se réalisant. Finalement on aboutit à la négation de la négation de l’affirmation initiale. C’est le principe de l’« Aufhebung », que l’on pourrait traduire partiellement par le « dépassement » : « Par aufheben nous entendons d’abord la même chose que par (…) abroger), (…) nier, et nous disons en conséquence, par exemple, qu’une loi, une disposition, etc., sont aufgehoben (abrogées). Mais, en outre, aufheben signifie aussi la même chose que aufbewahren (conserver), et nous disons en ce sens, que quelque chose est bien wohl aufgehoben (bien conservé). (Hegel, 1970, p. 530).

Pour Hegel, la dialectique produit une « décomposition » d’une position par sa négation, pour produire un autre fait, en détruisant la négation elle-même. Tout se développe selon lui dans l’unité des contraires, et ce mouvement est le processus de la vie (et de la physique) de la totalité de ce qui nous entoure. Pour autant pour Hegel, s’il faut pousser la « contradiction jusqu’au point extrême » (Hegel, 1970, p.85), il ne remet pas en question ni la LTE, ni la LNC. Ses définitions de la logique comme la science de l’idée abstraite et de la « contradiction », ne s’opposeront en rien à ce que nous avons dit de la contradiction logique. Il s’agit juste d’une forme « de re » et non « de dicto » de la contradiction. Il écrit notamment qu’il existe une multitude d’organisations contradictoires, en utilisant la contradiction notamment dans le sens où un objet est toujours relativement dépendant d’un autre et qu’il se transforme avec le temps. On pourra s’amuser en disant que si Hegel a voulu édifier un système rigide, fixe, éternel, ce même système décrivant la contradiction à l’œuvre dans toutes les strates de l’esprit humain, de la vie, de la physique et des idées, parviendra aussi à sa négation pour se nier à son tour vers une nouvelle refondation. C’est précisément ce qui a eu lieu avec Karl Marx.

Karl Marx (1818-1883) voulu remettre la dialectique de Hegel selon son expression « sur pieds » et ainsi plutôt que de chercher ce que Hegel nomme « l’Idée absolue », il ajouta à sa philosophie le temps humain et le matérialisme à la dialectique, pour produire ce que l’on nommera le « matérialisme historique » et le « matérialisme dialectique ». En somme, un marxiste peut affirmer que si les choses se transforment, évoluent, c’est parce qu’elles sont en contradiction avec elles-mêmes et les autres choses, parce toutes portent en elles leur contraire. En somme, elles contiennent « l’unité des contraires ». Ainsi il existe par exemple des contradictions qui existent dans le monde physique et dans le monde social, comme la lutte des classes. La lutte des classes oppose la classe productrice (le prolétariat) et la classe qui détient les moyens de production (la bourgeoisie). Cependant, cette contradiction « dialectique » semble être bien différente de la contradiction logique que nous avons définie jusqu’à présent.

En somme si la contradiction dialectique est « de re », ceci supposerait qu’un objet ait son négatif dans le monde actuel. Chaque soldat de plomb possède bien un moule où l’on coule le plomb mais peut-on considérer ce moule comme le « négatif » du soldat ? La négation n’est qu’un opérateur linguistique (ne pas), logique (non-), mathématique (-), mais rien de tangible dans le monde actuel. Comme l’écrit justement Ludwig Wittgenstein dans le Tractatus logico-philosophicus dans sa proposition 5.2341, la négation inverse le sens d’une proposition. Peut-on s’imaginer l’inverse d’un objet matériel ? Se l’imaginer sans doute, mais en réalité aucun objet n’est l’inverse ou le négatif d’un autre. L’idée d’une contradiction dans la réalité semble s’éloigner. La bourgeoisie est-elle opposée au prolétariat ? Sans doute que si les classes sociales existent, elles n’ont pas les mêmes intérêts, mais sont-elles l’inverse l’une de l’autre ? Leurs intérêts divergent soit, mais sont-ce contradictoires ? C’est une discussion sur ce que l’on nomme les faits négatifs et leur potentielle existence dans le monde actuel.

Emmanuel Kant pensait que le monde était bien composé d’états de fait parfois négatifs, il écrivait ainsi dans son essai : « Je veux dire (...) que ces choses réellement opposées entre elles ne contiennent pas au demeurant bien des négations. Un navire, qui est en mouvement vers l’ouest, ne se meut pas vers l’est ou vers le sud, etc., il n’est pas non plus dans tous les lieux à la fois : ce sont bien là des négations qui tiennent à son mouvement » (Kant, 2004, p. 272). La subtilité ici du propos kantien est cependant de ne pas voir des contradictions logiques dans le monde, mais des « oppositions non-contradictoires ». Il distingue ainsi, l’opposition logique et l’opposition réelle.  « Deux choses sont opposées, lorsque l’une supprime ce qui est posé par l’autre. Cette opposition est double : ou bien logique par la contradiction ou bien réelle, c’est-à-dire sans contradiction ». (Kant, 2004, p. 265). Cependant peu de penseurs ont suivi Kant sur ce terrain, surtout concernant une distinction entre une opposition réelle non-contradictoire logiquement et une contradiction logique toujours admise.

Ne peut-on voir ici plutôt deux formes de biais cognitif par ailleurs contradictoires entre eux ? D’une part, dans le premier cas d’espèce, on apercevoir une forme de l’illusion de la « réification », à savoir considérer un objet abstrait, le concept de contradiction, comme un objet extérieur et ainsi « chosifier » la contradiction et la transposer dans le monde physique et dans le monde social, en somme dans notre monde actuel. Kant, Hegel et Marx se seraient-ils égarés ?

D’autre part, à l’inverse ne faut-il pas lire ici une forme de tentative de réduction d’une dissonance cognitive ? Une dissonance arrive lorsqu’il y a un différentiel entre ce qui est perçu et ce qui existe réellement. Ne pas reconnaître de contradiction « de re » n’est-ce pas refuser de remettre en cause la LNC, l’EFQ et donc les socles le plus certains du savoir humain par crainte d’un effondrement du raisonnement ? La logique classique n’a-t-elle intérêt à balayer sous le tapis des propositions gênantes ?

Difficile d’y répondre ici, mais nous devons avoir ces deux biais à l’esprit. Certains logiciens ont pourtant pensé que la contradiction est à mettre en avant dans des raisonnements logiques, si on en circonscrit l’influence.

Peut-on penser librement à l’ombre de la contradiction ? Petite histoire de la contradiction logique au XXe siècle comme actrice et non comme limite.

Pour revenir à la contradiction logique, le XXe siècle fut donc celui d’innombrables innovations en logique formelle. Le concept de contradiction sur lequel tout le monde semblait s’entendre au travers de la LNC, pour en faire une borne indépassable de la validité d’un raisonnement, a été remise en question par certains.

Ainsi pour Nicolaï Vasiliev (1880-1940) qui fut un logicien et philosophe russe, il existe la possibilité d’une logique non aristotélicienne dans autre monde. Il développera ce qu’il nommera la « logique imaginaire » dans un article publié en 1912. Il y écrit que la logique aristotélicienne n’est que l’un des nombreux systèmes logiques possible, et que dans un autre monde que notre monde actuel, un monde imaginaire, des logiques imaginaires sont possibles, incluant la possibilité d’admission de la contradiction. En 1948, à sa suite, le logicien polonais Stanisław Jaśkowski (1906-1965) inventa la « logique discursive », qui devait pouvoir prendre en compte les contradictions qui peuvent exister dans un dialogue entre deux locuteurs. Si deux interlocuteurs échangent des points de vue, non-absurdes, mais contradictoires, ce qui est souvent le cas dans une discussion politique par exemple, comment imaginer un système logique qui en rende compte ? En suivant ces précurseurs, le mathématicien brésilien Newton Da Costa (1929-) commença dans les années 1960 à s’intéresser à des logiques admettant certaines formes de contradictions, ce que l’on nommera ensuite des logiques « paraconsistantes ». Da Costa nommera celles-ci « hétérodoxes » par opposition à l’orthodoxie logique, c’est-à-dire que ces logiques dépassent la cohérence qui supposent n’y trouver aucune contradiction. Da Costa indiquera que les concepts que nous utilisons dans la vie quotidienne sont dans un halo d’imprécisions qui implique la possibilité de voir des contradictions apparaître dans une représentation mentale des phénomènes qui nous entourent. Un logicien tira les enseignements de ces penseurs pour forger une conception singulière.

Et si l’on prenait la contradiction réellement au sérieux, comme acteur de la possibilité d’un raisonnement juste ? (Paraconsistance et dialéthéisme)

Traditionnellement, lorsqu’il y a contradiction, le raisonnement est considéré comme fautif nous le savons désormais. S’inscrivant dans une histoire alternative de la logique, passant des présocratiques comme Héraclite d’Éphèse, aux penseurs dialecticiens comme Hegel et Marx, tout en connaissant les premières avancées faites par les auteurs du XXe siècle comme Da Costa sur la paraconsistance, le logicien australien Graham Priest postulera dans son célèbre ouvrage de 1987 (red. 2006) In Contradiction : A Study of the Transconsistent, à l’existence de contradictions réelles dans le monde. Prenons le cas des « propriétés limites ». Si je chevauche une borne frontière, un pied dans un pays et un pied dans l’autre, ce que les touristes s’amusent souvent à faire, je serais littéralement dans un pays et dans l’autre. Je pourrais affirmer que je suis en France et que je ne suis pas en France par exemple, ce qui est une contradiction. Priest nommera ces cas des « dialéthéia » de « di-aléthéia » une vérité double en grec ancien.

Par exemple la phrase « il n’y a pas d’absolu » est un absolu, donc une « dialéthéia ». On a affaire à un paradoxe auto-référentiel. Le prédicat « absolu » est nié, mais par sa définition même, l’absolu est ce qui n’admet pas de restriction. En le niant on affirme « qu’il n’y a pas, pas de restriction », donc par la loi de la double-négation qui élimine la négation, on affirme qu’il y a des restrictions pour définir l’absolu. Dans le cadre de la logique classique, la situation est inextricable. C’est le principe du cercle vicieux. Pour ce genre de situation, de cas limites, Priest postule l’utilité d’une logique nouvelle qui puisse rendre compte des « dialéthéias » sémantiques dans un calcul restant cohérent. Son ouvrage est l’acte de naissance du « dialéthéisme ».

Cette logique prétend avoir des applications concrètes et pas uniquement proposer des nouveaux moyens de dépasser des paradoxes. Pour certains, dont Priest lui-même, il y a des « dialéthéias » ontologiques, c’est-à-dire des contradictions qui existent réellement dans le monde actuel. Dans un texte de 2011 une docteure en chimie de l’université du Wisconsin (Vera M. Kolb, « On the applicability of dialetheism to the emergence of life and the classification of viruses », Department of Chemistry, University of Wisconsin-Parkside, Kenosha, 2011) s’intéressa au dialéthéisme pour classifier les virus réputés être des cellules biologiques dépourvues de noyau (donc non-vivantes) et qui cherchent un hôte (vivant) pour se répliquer, une sorte de transition entre le non-vivant et le vivant, en somme un état dans laquelle le dialéthéisme peut éclairer par sa méthode un état transitoire et émergent.

Néanmoins, Aristote était déjà agacé à son époque par cette hypothèse de la contradiction « vraie ». Déjà de son temps, il y répondit sèchement en indiquant que si tous les jugements contradictoires étaient vrais, alors une même chose pourra donc aussi bien « un bateau, un mur ou un homme », en somme que tout deviendrait absurde et sans aucun sens (Aristote, 1986, 1008b 18-21). Aristote pensait à certains philosophes présocratiques, comme Héraclite d’Éphèse, qui avaient admis que la nature pouvait contenir des évènements contradictoires. Héraclite affirmait qu’une seule et même route était montante et descendante (fragment B 60) et que l’on ne peut se baigner deux fois dans le même fleuve (fragment B 49), car tout est changeant et rien n’est stable.

La contradiction logique est donc présente dans notre représentation du monde pour borner le sentier de la connaissance rationnelle, mais elle limite aussi peut être le mode de représentation du monde de certains cas limite. Alors qu’en conclure ?

Comment envisager donc la contradiction ?

La contradiction est la proposition opposée totale et sans alternative, d’une autre proposition.

Le logicien allemand Gotlob Frege a voulu fonder l’arithmétique sur la logique à la fin du XIXe siècle, mais le tout s’effondrera car Frege ne s’était pas rendu compte d’une contradiction dans son système (son cinquième Axiome dans ses Fondements de l’arithmétique, tome premier paru en 1884). Une lettre venant d’un inconnu encore, Bertrand Russell, lui parvient en 1902. Ce dernier lui parle de l’enthousiasme qu’il connaît pour son œuvre, ce qui ne peut que plaire à Gotlob Frege, déjà âgé et n’ayant jamais eu la reconnaissance par ses pairs ni par l’institution. Le jeune Russell lui indique cependant que sa théorie contient une contradiction. Un ensemble ne peut se contenir lui-même. Russell avait présenté à Frege la contradiction de son système, ainsi qu’une proposition de résolution par l’interdiction de formules circulaires. On définit le prédicat logique comme une expression qui peut être reliée à un ou plusieurs éléments du domaine pour former une proposition. Si le prédicat est lié à une seule expression, il exprime une propriété du sujet (la propriété d’être un élève par exemple), s’il est lié à plusieurs expressions, il exprime une relation (la relation d’être plus grand, petit que…) Un objet abstrait comme un concept ne peut être « prédiqué » de sa propre extension, il faut une indépendance entre le concept « prédiqué » et l’objet dont il est « « prédiqué  » . Prenons un exemple.

Si on définit un ensemble mathématique (une classe) comme une collection d’objets ayant au moins une même caractéristique commune, alors soit une classe peut s’appartenir soit une autre ne le peut pas. Dès lors on peut se demander si la classe de toutes les classes qui ne s’appartiennent pas, s’appartient.

  • Réfléchissons, disons ici que « E » est la classe des concepts abstraits. Or « E » lui-même est un objet abstrait il pourrait donc se contenir lui-même, soit en symbolique mathématique : E ∈ E.
  • Imaginons maintenant « F » qui est la classe F des français. La classe F des français n’est pas française (ce n’est pas sa propriété, elle n’a pas de nationalité, c’est une classe mathématique). Elle ne peut donc se contenir elle-même. Donc F∉ F.

Soit maintenant W, la classe de toutes les classes qui ne sont pas des éléments d’eux-mêmes…

  • Si cette classe W se contient elle-même, par définition, c’est contradictoire car elle devient un élément d’elle-même.
  • Si elle ne se contient pas, alors c’est contradictoire car elle n’est pas élément d’elle-même.
  • En effet, si W∈W (peut se contenir lui-même) alors W ∉ W (ne peut pas se contenir lui-même).

Ceci donnera le « paradoxe de Russell ». On connaît ce paradoxe sous une forme plus amusante donnée par Russell, celle du paradoxe du barbier : Le conseil d’un village a décidé que le barbier du village doit raser tous les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes, et seulement ceux-là. Or qu’en est-il du barbier ? S’il se rase lui-même, il enfreint la règle, car le barbier ne peut raser que les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes, or il se raserait lui-même. S’il ne se rase pas lui-même et donc qu’il se fasse raser ou qu’il laisse pousser sa barbe, il enfreint la règle aussi, car il a la charge de raser les hommes qui ne se rasent pas eux-mêmes.

Russell répondra à son propre paradoxe par la « théorie des types » qui de manière schématique coïncide à ceci : On introduit une hiérarchie des « types », c’est-à-dire qu’aucune classe ne peut se contenir elle-même, il y a une typologie, une hiérarchie des classes et des ensembles. Chaque classe correspond un « type » précis. Par exemple en simplifiant, un type 0 sera l’ensemble des classes, un type supérieur 1 sera l’ensemble contenant des classes contenant des classes, un type supérieur 2 sera un ensemble des classes de classes qui contiennent des classes, etc.

Nous voyons donc que les paradoxes, c’est-à-dire des opinions qui vont à l’encontre de la « doxa » du « jugement commun » sont souvent le produit de contradictions. Pour Russell, dans sa seconde introduction à ses Principes de la mathématique en 1903, les contradictions sont de trois ordres :

  1. Soit mathématiques (par exemple un ensemble ne peut se contenir lui-même) ;
  2. Soit logiques (par exemple le paradoxe du menteur : si je dis « je mens » est-ce que je mens ?) ;
  3. Soit liées à une astuce linguistique (par exemple le paradoxe du fromage à trou, plus il y a de fromage plus y a de trous, mais plus il y a de trous moins il y a de fromage).

Si la raison doit s’acquitter de trouver des contradictions partout, ce qu’admettent même les penseurs de la paraconsistance et même de sa forme la plus forte, le dialéthéisme, exclure la possibilité de contradiction n’est peut-être pas conforme à certaines formes de représentation du monde. Deux alternatives se présentent : soit l’on considère certaines contradictions déterminées strictement comme vraies et on pose leurs possibilités comme axiomes (c’est le cas des logiques paraconsistantes), soit la contradiction peut apparaître dans un système sans avoir été souhaitée.

Dans ce second cas Ludwig Wittgenstein affirmait, contre la thèse du mathématicien Alan Turing, que si cela se produisait, cela ne ferait pas s’effondrer toutes les connaissances acquises : le philosophe prenait l’exemple d’un grand homme qui avait appris aux êtres humains à multiplier, à diviser. Avant de mourir, il leur a laissé une autre proposition mathématique qui est en fait fausse. Puis plus tard, ils découvrirent qu’il y a une contradiction : le maître leur avait laissé toutes sortes de règles, mais il en avait laissé une qui ne fonctionnait pas. Comment cela affecterait-il un problème pratique ? Wittgenstein de conclure « Tout ce que je veux dire, c’est que le simple fait d’une contradiction ne leur causerait pas nécessairement des ennuis. Ce qu’ils feront lorsqu’ils en arriveront à la contradiction dépendra des raisons qu’ils avaient de s’en tenir à cette formule – dans un sens, de la signification de cette formule pour eux » (Wiitgenstein, 1989, ). Si une règle ne fonctionne plus, on peut en changer, l’accepter ainsi ou la refuser. C’est finalement non un acte logique mais un acte anthropologique.

Parfois aussi l’apparente contradiction peut disparaître. Repensons à l’ambiguïté de l’exemple Gary/Ajar. C’est peut-être plus du côté « l’attitude propositionnelle » du sujet qu’il faut trouver la réponse plutôt que dans la résolution d’une potentielle contradiction apparente. Une attitude propositionnelle est la manière dont un sujet se comporte par rapport à une proposition. Parce que je pensais que Gary était un écrivain vieillit et dépassé et que Ajar était un écrivain innovant, je me suis fait duper par Gary lui-même. Une fois que je connais l’identité Gary=Ajar, je dois changer d’attitude. Certains philosophes comme Peter Strawson (et François Recanati à sa suite) pensent qu’il existe dans notre esprit, une certaine documentation que nous construisons à la fois par l’éducation scolaire, culturelle ou par nos expériences propres et que nous nous héritons en partie de la communauté dans laquelle nous vivons. Cette documentation est composée de « dossiers mentaux » qui contiennent chacun un certain nombre de fiches mentales concernant l’ensemble des objets auquel nous sommes confrontés dans la vie. Lorsque nous sommes confrontés à un dilemme du type Gary/Ajar, Peter Strawson (1918-2006) disait que face à l’identité d’un objet qui semblait être deux objets auparavant, il faut que le sujet qui avait deux opinions (qui désormais semblent contradictoires) fusionne les deux dossiers mentaux qu’il s’était construit, pour ne garder qu’un seul dossier mental pour un seul objet comprenant et les caractéristiques de l’un et les propriétés de l’autre. Ce faisant, il demeure deux jugements contradictoires mais contre son gré. Est-ce finalement si grave si l’on suit le raisonnement de Wittgenstein que l’on a vu plus haut ? Il semble parfois que les problématiques autour de la contradiction ne sont pas très éloignées des problématiques autour de l’identité qui est une des grandes problématiques de la philosophie depuis ses origines.

Il y a des moyens d’éviter les contradictions (LNC, LTE, ECQ), il y a d’autres moyens de les contourner (théorie des types de Russell par exemple ou changement de règles du jeu de langage pour Wittgenstein) et enfin il y aurait moyen d’en assumer certaines (paraconsistance et plus particulièrement dialéthéisme).

La contradiction est donc aux confins de plusieurs disciplines : mathématiques, logique, philosophies (de la logique, de la mathématique, de l’esprit…). Néanmoins on voit bien que sans la négation qui nie une affirmation, aucune contradiction n’est possible.

La place de la contradiction dans le raisonnement doit être donc celle à la fois d’une borne permettant de distinguer le rationnel, de l’irrationnel (les discours pathologiques, trompeurs, pseudo-scientifiques) et celle d’un appel à une ouverture de principes trop rigides pour une meilleure représentation des cas ambiguës si son usage est clairement déterminé en amont. Ainsi dans les logiques paraconsistantes, l’ouverture à la contradiction n’est pas totale mais clairement déterminée par une syntaxe (un agencement de signes formels permettant le calcul) et une sémantique (permettant de déterminer des conditions de définition d’une valeur de vérité) idoines.

Si en Occident les logiques acceptant les contradictions demeurent minoritaires, dans d’autres courants philosophiques non occidentaux, comme la plupart des traditions asiatiques, certaines écoles prennent en compte la contradiction très différemment des cultures occidentales. C’est le cas de certaines traditions du taoïsme, du bouddhisme et du jaïnisme.

La religion jaïniste (de « jainamatam » en sanskrit la doctrine des vainqueurs), qui a la particularité d’être matérialiste et sans divinité (le principe supérieur est la conscience humaine) demande la quête des trois joyaux (la foi droite, la connaissance juste et la conduite intègre). Elle pense le monde sans début ni fin. Antérieure à la fondation du bouddhisme et présente en Inde dès le Xe siècle avant notre ère, mais en pleine apogée au VIème siècle avant notre ère avec son penseur, Mahāvīra, qui est le 24e maître et le dernier reconnu, contemporain de Bouddha, le jaïnisme possède une approche particulière de la contradiction. Sa doctrine de la connaissance (« Anekāntavāda » en sanskrit, soit la « réalité relative ») indique que l’expérience du langage n’est pas suffisante pour rendre compte du monde. Elle se réfère à deux doctrines : le « nayavada » (les points de vue sont tous multiples) et le « syadvada » (il y a une relativité des objets dans l’espace-temps, ce qui se rapproche de la dialectique vue ci-devant). Dès lors, il n’est pas rare que tout semble contradictoire. Le « nayavada « indique qu’il y a sept façons d’appréhender un objet selon des formules écrites en sanskrit. Certaines de ses formules linguistiques sur lesquelles se questionner face à une problématique sont : « par certains côtés, c’est », « par certains côtés, ce n’est pas », « par certains côtés, c’est, et ce n’est pas », et finalement « par certains côtés, c’est indescriptible ». Le mieux est de rapprocher cette recherche de connaissance d’une allégorie : celle des six aveugles et de l’éléphant commune au jaïnisme, au bouddhisme et à l’hindouisme. Six aveugles doivent décrire un éléphant en touchant seulement une partie de son corps, puis en déduisant une représentation mentale. Lorsqu’ils se confrontent, les six aveugles sont en désaccord. La morale ici est que chaque humain a tendance à revendiquer une vérité absolue fondée sur sa seule subjectivité limitée, car il ignore les expériences des autres, qui peuvent être également véridiques. Dès lors peu importe que la contradiction se manifeste, elle peut être une partie de la manifestation de la vérité.

Comme le notait Wittgenstein : « Nous verrons la contradiction dans une tout autre lumière si nous considérons son apparition est ses conséquences, en quelque sorte de façon anthropologique, plutôt que de la regarder avec l’exagération propre du mathématicien », (Wittgenstein, 1983, p. 115)

Notre perception du monde est floue et ambiguë, et quand même nous cherchons la précision la plus absolue, nous ne pouvons nous défaire de biais cognitifs, de mécompréhensions, de perceptions fautives, de conclusions fausses. Le travail de la logique est justement de contrecarrer ces obstacles, d’autant dans les domaines des objets abstraits qui ne devraient être soumis au vague et au confus. Néanmoins, notre cognition, capacité à percevoir, à comprendre et à interpréter notre monde, est le fruit d’un processus évolutif long et complexe. Il nous serait profitable de nous ouvrir à des conceptions nouvelles comme le dialéthéisme, tout en limitant sévèrement les cas d’utilisation pour éviter de générer des non-sens. Pour cela, nous pouvons avoir en tête une phrase de Russell : « un langage dépourvu d’ambigüité serait en fin de compte quelque chose d’incroyablement incommode, et par conséquent estimons- nous, heureux de ne pas en avoir », (Russell, 1989, p. 355).

 

Bibliographie

Aristote, Organon I, Des catégories ; II, de l’interprétation, traduction française par Jean Tricot, Paris, Vrin, 1983. Dans ce premier volume de l’Organon sont regroupés deux petits textes majeurs du philosophe où Aristote expose la théorie des catégories (Les catégories sont la division la plus générale des entités de l’univers. Aristote en dénombre dix dont la substance, la qualité… et les opposés). Dans le second texte « de l’interprétation », Aristote s’intéresse à la syntaxe et la sémantique en définissant le nom, le verbe, le vrai le faux, bref tout ce qui permettra d’interpréter des textes et discours.

Aristote, Métaphysique, traduction française par Jean Tricot, Paris, Vrin, 1986. Dans cet écrit, les élèves d’Aristote ont compilé toutes les notes de cours du maître qui ne concernent pas à proprement parler la « physique », c’est-à-dire une science empirique. C’est donc un écrit qui vient littéralement après (méta) les volumes de la Physique. C’est ici le début du questionnent sur l’être en tant qu’être, l’existence, le sens de l’existence, et l’ensemble de ce qu’il conviendra de nommer ensuite la quête métaphysique en occident.

Engel, Pascal, La Norme du vrai, NRF Essais, Gallimard, 1989. Ce philosophe français contemporain, spécialiste de la tradition philosophique dite « analytique », celle issue des investigations logiques et philosophiques de Frege et de Russell à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, y expose « la norme du vrai ». Il ne s’agit pas ici de dire ce qu’est la vérité, mais de chercher à comprendre comment le vrai émerge des énoncés logiques eux-mêmes. Si la logique est le domaine du vrai (et donc du faux, la contradiction), comment les inférences dont traite la logique peuvent-ils produire des vérités logiques et surtout quelles sont-elles ?

Hegel, Georg, Wilhem, Friedrich, Encyclopédie des sciences philosophiques, traduction française par Bernard Bourgeois, tome I, Vrin, 1970. La volonté de Hegel, cette encyclopédie publiée en 1817 est le résumé de cours du système de Hegel. En effet, en 1816, il accepte la chaire de philosophie de l’université de Heidelberg et publiera cet abrégé pour ses élèves. Hegel y forgera un système complet partant de l’esprit subjectif (l’individu compris dans son aspect psychologique (l’esprit), anthropologique (l’âme), pour atteindre l’esprit absolu (qui s’exprime dans l’art, la religion, la philosophie) qui permettra d’atteindre le savoir absolu qui n’est pas la connaissance totale, mais le savoir sur le savoir lui-même.

Hegel, Georg, Wilhem, Friedrich, Principes de la philosophie du droit ou droit naturel et science de l’Etat en abrégé, traduction française par Robert Dérathé, Vrin, 1982. Publié en 1820, cet ouvrage est un manuel de cours qui s’intéresse à « l’esprit objectif » c’est-à-dire à ce qui se manifeste dans la moralité, la vie civile, la famille, le droit, l’Etat et l’histoire. Les célèbres leçons sur la philosophie de l’histoire seront la suite de cet ouvrage.

Kant, Emmanuel, Œuvres philosophiques, tome 1, « Des premiers écrits à la critique de la raison pure », Édition de Ferdinand Alquié, Collection la pléiade, Éditions Gallimard, 2004.  Sont rassemblés ici les texte jusqu’à la Critique de la raison pure (1781), ouvrage entré dans le panthéon du classicisme philosophique dont ce texte de Kant cité ici peu connu : « Essai sur l’introduction en philosophie de la notion des quantités négatives », 1862. Kant admet des avancées notables dans les mathématiques, que la métaphysique se plait à ne pas prendre en compte. C’est ici que Kant fait la distinction entre opposition logique (contradiction logique) et opposition réelle dans le monde. Kant est ainsi l’un des premiers à faire une sorte de distinction claire  « de dicto », « de re »  des oppositions,  bien qu’il indique que la contradiction, elle, n’existe pas dans le monde.  Texte méconnu de Kant.

Łukasiewicz, Jan, Du principe de contradiction chez Aristote, Préface Roger Pouivet, traduction française par Dorota Sikora, Éditions de L’Éclat, 2000. Ce logicien du XXe siècle produit ici une lecture forte des classiques d’Aristote en remettant en question l’évidence de la loi de la non-contradiction et son indémontrabilité malgré les propos tenus par Aristote lui-même. Ainsi Łukasiewicz sera à l’origine de logiques admettant une nouvelle valeur en plus du vrai ou du faux, les logiques multivaluées, et ouvrira la voie vers des lois admettant dans des conditions particulières la remise en question de la loi de la non-contradiction.

Recanati, François, Cours au collège de France de la chaire de philosophie de langage et de l’esprit, « les dossiers mentaux », https://www.college-de-france.fr/site/francois-recanati/course-2020-2021.htm, 2021-2022. Les cours de François Recanati, disponible gratuitement en ligne sur le site du Collège de France, traite de différents souvent et débats actuels de la philosophie du langage (descriptivisme, problèmes des indexicaux – « je », « ici »-…) et de la philosophie de l’esprit (l’organisation de l’esprit au travers de « dossiers mentaux »).  Source de savoir didactique et ouvert à tous, les cours sont à conseiller vivement à qui souhaiterait approfondir les questions contemporaines dans ce domaine.

Russell, Bertrand, Écrits de logique philosophique traduction Jean-Michel Roy, Presses universitaires de France, 1989. Unique ouvrage de Russell concernant sa logique, sa « première » philosophie, l’atomisme logique et traduit en français, ce volume contient l’intégralité ou les extraits des trois ouvrages fondamentaux du philosophe britannique (Les principes de la mathématique, (1903), des extraits des Principia mathematica écrit avec Alfred North Whitehead (1910) et la philosophie de l’atomisme logique, (1918)). Il contient également son plus célèbre article « de la dénotation » de 1905. Tout le fondement de ce qu’il sera convenu de nommer par la suite la « philosophie analytique » est ici présente : recours aux sciences, exigence formelle, réflexions logiques, recherche de la construction d’un langage exempt d’ambiguïté fondation des mathématiques sur un socle logique (même si le projet a échoué), cet ouvrage a l’air plus accessible qu’il n’y parait. Les principes de l’atomisme logique sont ainsi une compilation de conférences expliquant le plus simplement possible les grands enjeux qui influencera si grandement le XXème siècle qu’elle est devenu l’enjeu majoritaire des recherches contemporaines au travers de l’ensemble de ses extensions : philosophie de la logique, philosophie de l’esprit, métaphysique analytique, esthétique analytique etc.). Même si l’atomisme logique appartient aujourd’hui à l’histoire de la philosophie, puisque le langage n’est plus perçu comme un simple reflet du monde et que la logique ne doit pas forcément pour fonction d’améliorer le langage ordinaire, la vague analytique qui en est issu est devenue la technique de recherche philosophique dominante y compris au début du XXIème siècle.

Priest Graham, In Contradiction : A Study of the Transconsistent,Oxford University Press, 1987, reedition 2006. L'auteur développe à partir des enseignements et des réflexions notamment des premières logiques paraconsistantes de Newton Da Costa, la possibilité de voir de contradictions « de dicto » en linguistique, mathématique, mais détermine aussi clairement des contradictions réelles «  de re » et d’en traiter sans devenir incohérent. Ouvrage du dialéthéisme et désormais classique de logique contemporaine. 

Wittgenstein, Ludwig, Remarques sur les fondements des mathématiques, édition G. E. M. Anscombe, traduction Marie-Anne Lescourret, Bibliothèque de philosophie, Gallimard, 1983. Il est convenu de diviser la philosophie du philosophe austro-britannique en deux moments qui sont très différents l’un de l’autre. Dans un premier moment celui de sa jeunesse avec l’écriture du Tractatus logico-philosophicus, l’auteur s’intéresse à ce qui pourrait être un langage logique permettant un calcul logique parfait. Il arrivera à sa fameuse conclusion du Tractatus « ce dont on peut parler il faut le taire », ce qui signifie qui n’est pas possible de parler de métaphysique de mystique ou d’esthétique, que ces énoncés sont parfaitement vides de sens. Après avoir abandonné la philosophie dans les années 1920, Wittgenstein reviendra dans les années 1940 pour poser les jalons d’une nouvelle philosophie qui donnera lieu à la publication post-mortem d’un manuscrit en 1953, les recherches philosophiques, qui déclarent qu’il est temps de revenir sur le sol rugueux du langage ordinaire. Entre ces deux étapes de sa philosophie, qui sont la plupart du temps distinguées de manière trop brutales, émergeront d’autres réflexions riches dont notamment celle de ses recherches au fondement des mathématiques avec des thèses innovantes notamment en déclarant que les mathématiques sont une invention et que leurs origines sont purement anthropologiques.

Wittgenstein Ludwig, Lectures on the Foundations of Mathematics, Cambridge, 1939, University Of Chicago Press, 1989.Pendant plusieurs trimestres à Cambridge en 1939, Ludwig Wittgenstein a enseigné les fondements philosophiques des mathématiques. Un cours de Wittgenstein ne ressemblait guère à un cours magistral. Il était assis sur une chaise au milieu de la pièce, avec une partie de la classe assise sur des chaises, d'autres par terre. Il n'a jamais utilisé de notes. Il s'arrêtait fréquemment, parfois pendant plusieurs minutes, pendant qu'il cherchait à résoudre un problème. Il posait souvent des questions à ses auditeurs et réagissait à leurs réponses. Les conférences couvraient des sujets tels que la nature des mathématiques, les distinctions entre les langages mathématiques et quotidiens, la vérité des propositions mathématiques, la cohérence et la contradiction dans les systèmes formels, le logicisme de Frege et Russell, le platonisme, l'identité, la négation et la vérité nécessaire. Les exemples mathématiques utilisés sont presque toujours élémentaires. Livre en anglais, public expert.