Ontologie de l'action (A)

Comment citer ?

Vuille, Antoine (2022), «Ontologie de l'action (A)», dans Maxime Kristanek (dir.), l'Encyclopédie philosophique, consulté le ..., https://encyclo-philo.fr/

« Pierre lève son bras droit », « Paul danse », « Marie traverse le lac à la nage ». Ces trois énoncés mentionnent des actions particulières : l’action de lever le bras droit, l’action de danser et l’action de traverser le lac à la nage. À quel genre d’entité appartiennent les actions ? Autrement dit, dans quelle catégorie fondamentale doit-on ranger les actions ? La réponse standard consiste à avancer que les actions sont des évènements. Mais la question se pose alors de savoir ce qu’est un évènement. Les évènements se réduisent-ils à des propriétés instanciées par des particuliers concrets, comme le pense Kim, ou correspondent-ils à une catégorie ontologique fondamentale, comme le pense Davidson ? Par ailleurs, la théorie selon laquelle les actions sont des évènements (théorie appelée event view) a été contestée par deux théories rivales. Certains auteurs, en effet, pensent que les actions ne sont pas des évènements mais des processus (process view). D’autres pensent que les actions ne sont pas des évènements mais des productions d’évènements (causing view).

Cet article se divise en cinq sections. La première a pour but d’expliciter les enjeux de l’ontologie de l’action en général et de la question catégorielle (quelle est la catégorie ontologique de l’action ?) en particulier. Les quatre sections qui suivent sont consacrées à l’exposé des principales théories qui structurent le débat. L’event view (la théorie selon laquelle les actions sont des évènements) se décline en deux versions : la théorie kimienne (traitée dans la section 2) et la théorie davidsonienne (traitée dans la section 3). La process view (la théorie selon laquelle les actions sont des processus) est abordée dans la section 4. Enfin, la causing view (la théorie selon laquelle les actions sont des productions d’évènements) fait l’objet de la section 5.

 

Introduction

Qu’est-ce qu’une action ?

Pour expliquer ce qu’est l’ontologie de l’action, il convient au préalable de préciser ce qu’est une action. L’exercice n’a rien d’évident, puisque la question de la nature des actions fait débat en philosophie contemporaine. Nous nous risquerons cependant à avancer les deux affirmations suivantes : (a) les actions sont des occurrents et (b) les actions sont des choses que nous faisons, par contraste avec les choses qui (nous) arrivent. Ces deux suggestions permettent d’obtenir une caractérisation minimale des actions, fournissant ainsi un point de départ commode à la réflexion. Dans les paragraphes qui suivent, les affirmations (a) et (b) seront explicitées l’une après l’autre.

Tout d’abord, les actions sont des entités occurrentes, aussi appelées (pour faire court) des occurrents. Mais qu’est-ce qu’un occurrent ? Une piste privilégiée pour répondre à cette question consiste à contraster les occurrents avec les continuants. Les stylos, les planètes et les zébus sont des continuants ; les fêtes, les feux d’artifice et les matchs de football sont des occurrents. Qu’est-ce qui distingue ces deux sortes de chose ? On dit généralement qu’un occurrent est quelque chose qui « se passe », qui « a lieu » ou qui « se déroule ». Aucune de ces trois expressions verbales ne s’applique aux continuants. On peut dire qu’un zébu « est là », « se tient là ou « se trouve là », mais on ne peut certainement pas dire qu’un zébu « a lieu », « se passe » ou « se déroule », alors qu’on peut le dire d’une fête, d’un feu d’artifice et d’un match de football.

La question intéressante est de savoir pourquoi ces expressions verbales sont réservées aux occurrents. On considère généralement que cela tient au fait que les continuants et les occurrents diffèrent par leur relation au temps. En effet, les continuants existent en entier à chaque moment du temps. Le stylo que je tiens dans mes mains est le stylo tout entier ; la planète que j’observe dans mon télescope est la planète tout entière, le zébu qui se tient face à moi est le zébu tout entier. Les occurrents, par contraste, ont des tranches temporelles : ils n’existent pas en entier à chaque moment du temps. Par exemple, les quinze premières minutes d’un match de football ne correspondent pas au match tout entier, mais à une partie (ou tranche) temporelle du match. On comprend mieux pourquoi les occurrents « se passent » ou « se déroulent » : leur existence consiste en la succession de leurs parties temporelles.

Ces quelques considérations suffisent pour rendre plausible la thèse selon laquelle les actions sont des occurrents. Il est en effet sensé d’admettre que les actions ont des tranches temporelles. Supposons que Pierre marche pendant une heure. Les 10 premières minutes de la marche de Pierre ne correspondent pas à la marche tout entière, mais à une partie temporelle de la marche de Pierre. Sur le plan ontologique, la marche de Pierre ressemble davantage aux matchs de foot et aux feux d’artifice qu’aux planètes et aux zébus. Il en va de même pour l’action de lever le bras droit, de danser ou de traverser le lac à la nage.

Toutes les actions sont des entités occurrentes. Cependant, toutes les entités occurrentes ne sont pas des actions. Un tremblement de terre, une éclipse lunaire et la chute d’une feuille d’arbre ne sont pas des actions. C’est ici que nous pouvons mobiliser l’affirmation (b) pour caractériser les actions. En effet, une action est quelque chose que nous faisons, alors qu’un tremblement de terre, une éclipse de lune et la chute d’une feuille d’arbre sont des choses qui arrivent, mais qui ne sont pas effectuées, réalisées ou accomplies par un agent. Une façon commode de saisir le contraste consiste à comparer les deux énoncés suivants « Pierre lève son bras droit » et « Le bras droit de Pierre se lève sous l’effet d’un spasme ». Le premier énoncé décrit une action effectuée par Pierre. Le deuxième énoncé décrit non pas une action de Pierre, mais quelque chose qui arrive à Pierre (Davidson, 1993b).

Qu’est-ce que l’ontologie de l’action ?

L’ontologie de l’action est un sous-domaine de la philosophie de l’action. Ainsi, parmi la grande diversité de questions qui se posent en philosophie de l’action, certaines ne relèvent pas (ou du moins pas directement) de l’ontologie, par exemple les questions suivantes : (i) « Qu’est-ce qu’une action intentionnelle ? » ; (ii) « Qu’est-ce qu’une action volontaire ? » ; (iii) « Qu’est-ce qu’une action justifiée ? » ; (iv) « Peut-on agir librement ? » ; (v) « Qu’est-ce qu’une raison d’agir ? ». Nous n’aborderons donc pas ces questions dans cet article. Nous renvoyons cependant le lecteur intéressé par le sujet vers l’article « Action » de cette même Encyclopédie (voir aussi : Neuberg (1991), Gnassounou (2007), O’Connor & Sandis (2010), Wilson & Shpall (2021), Paul (2021)).

L’ontologie de l’action ne s’intéresse pas au caractère intentionnel, volontaire, justifié ou rationnel des actions humaines. Elle cherche plutôt à comprendre quelle est la nature des actions et quelles relations elles entretiennent avec les autres entités qui constituent l’ameublement du monde. En guise d’illustration, voici une liste non exhaustive de questions qui relèvent de l’ontologie de l’action : (vi) « Quelle est la catégorie ontologique de l’action ? Une action est-elle un évènement ? Un processus ? Une relation entre un agent et un évènement ? » (Lowe, 2010 ; Alvarez & Hyman, 1998) ; (vii) « Si les actions sont des évènements, comment distingue-t-on les actions et les évènements qui ne sont pas des actions ? » (Davidson, 1993b) ; (viii) « Outre les êtres humains, y a-t-il d’autres types d’individus susceptibles d’être des agents, par exemple : les animaux, les végétaux, les organes vitaux, les produits chimiques ? » (Schlosser, 2021) ; (ix) « La phrase "Hélène casse la vitre en lançant une pierre" décrit-elle une seule action ou deux actions distinctes (l’action de casser la vitre et l’action de lancer une pierre) ? » (Sandis, 2010 ; Lowe, 2010) ; (x) « Quelles sont les actions basiques (à supposer qu’elles existent), c’est-à-dire les actions que l’on effectue immédiatement et non pas en effectuant une action d’un autre type ? » (Sandis, 2010 ; Danto, 1965) ; (xi) « Les omissions intentionnelles sont-elles des actions ou des absences d’action ? » (Payton, 2021) ; (xii) « Est-ce que les raisons pour lesquelles une action a été effectuée sont les causes de cette action ? » (Davidson, 1993a ; Alvarez, 2007).

Dans cet article, nous nous focaliserons sur la question de la catégorie ontologique de l’action (question vi ci-dessus). Nous nous attarderons également sur la question des critères d’individuation des actions (question ix ci-dessus) et, dans une moindre mesure, sur les questions vii et viii. Il convient de donner ici quelques éléments d’explication pour justifier le choix de se focaliser sur la question de la catégorie ontologique de l’action. Premièrement, il s’agit d’une question plus fondamentale que les autres. Ainsi, pour savoir, par exemple, quels sont les critères d’individuation des actions (question ix) ou quelles sont les actions basiques (question x), il faut d’abord se demander ce qu’est une action. Mais pour savoir ce qu’est une action, il faut avant tout se demander à quelle catégorie de choses les actions appartiennent. Deuxièmement, l’idée selon laquelle les actions appartiennent à la catégorie des évènements correspond à la théorie standard (Hornsby, 2010), à tel point que cette thèse est souvent présupposée ou tenue pour évidente par les chercheurs (voir par exemple (Paul, 2021)). Cet article entend présenter deux positions alternatives, montrant ainsi que la question de la catégorie ontologique de l’action reste ouverte.

Les théories examinées

Nous aborderons trois familles de théories qui correspondent à trois réponses différentes à la question de la catégorie ontologique de l’action : la théorie selon laquelle les actions sont des évènements (event view), la théorie selon laquelle les actions sont des processus (process view) et la théorie selon laquelle les actions sont des productions d’évènement (causing view).

La thèse selon laquelle les actions sont des évènements a notamment été défendue par Davidson dans une série d’articles publiés au cours des années 60 et 70 (pour la traduction française, voir (Davidson, 1993a, 1993b, 1993c, 1993d)). Il s’agit aujourd’hui de la théorie la plus largement répandue en ontologie de l’action (voir par exemple Searle (2000) et Pacherie (2000, 20003)). Cependant, tout le monde n’accepte pas l’event view. Certains auteurs pensent en effet que les actions ne sont pas des évènements, mais des processus (process view). Cette thèse est défendue par Galton et Mizoguchi (2009), Steward (2012, 2013, 2015), Stout (1997, 2016) et Charles (2018). Enfin, certains philosophes considèrent que les actions ne sont ni des évènements, ni des processus, mais des productions d’évènements (causings view). Cette thèse est défendue par von Wright (1963), Bach (1980), Stoecker (1993), Alvarez et Hyman (1998), Alvarez (1999) et Hyman (2015) (on trouve également une idée similaire chez Twardowski (1999)).

Notons que l’event view se décline en deux versions distinctes. La différence entre les deux versions de la théorie concerne la nature des évènements. Certains philosophes considèrent en effet que les évènements correspondent à des propriétés instanciées par des continuants (Kim (1976), Goldman (1970), Bennett (1988, 2002)). D’autres affirment que les évènements constituent une catégorie ontologique fondamentale, irréductible à des propriétés instanciées par des continuants (Davidson, 1993c, 1993e). Comme nous le verrons, cette divergence a d’importantes répercussions sur la question des critères d’individuation des actions (question ix ci-dessus).

Nous nous focaliserons ainsi sur les théories contemporaines qui répondent à la question de la catégorie ontologique (à quelle catégorie d’entités appartiennent les actions ?). La portée de cet article est donc doublement restrictive : d’une part parce qu’il se limite à une seule question et d’autre part parce qu’il se borne à présenter les analyses contemporaines. Cette double restriction permet d’y gagner en clarté, en évitant d’ouvrir une profusion de questionnements. Elle suppose cependant de laisser de côté bon nombre d’auteurs importants qui ont marqué le débat en ontologie de l’action, tels qu’Aristote, Hume, Wittgenstein, Anscombe, Chisholm, Frankfurt et Mele. Le lecteur trouvera toutefois plusieurs propositions de lectures dans la bibliographie.

Event view (première version) : la théorie de Kim

Les évènements comme exemplifications de propriétés

À la question « quel genre d’entité sont les actions ? », une première réponse possible consiste à affirmer que les actions sont des évènements. Cette théorie est appelée event view, par contraste avec la process view et la causing view. Supposons que Pierre lève son bras droit. D’après l’event view, l’action de Pierre est identique à l’élévation du bras droit de Pierre. Il reste cependant à préciser ce qu’est un évènement. À cet égard, l’event view se décline en deux versions distinctes. Dans la présente section, nous examinerons la théorie des évènements défendue par Jaegwon Kim. Dans la prochaine section, nous nous pencherons sur la théorie des évènements proposée par Donald Davidson.

D’après Kim, un évènement correspond à l’exemplification d’une propriété par une substance à un temps (Kim, 1966, 1969, 1976). Considérons, par exemple, la chute d’une feuille d’arbre. D’après Kim, l’évènement considéré correspond à l’exemplification d’une propriété (en l’occurrence : la propriété d’être chutant ou d’être en train de chuter) par une substance (en l’occurrence : la feuille d’arbre) à un temps (en l’occurrence : l’intervalle de temps où la chute se déroule). Notons que ce que Kim appelle une substance correspond à ce que nous avons appelé plus haut un continuant.

La théorie kimienne des évènements suppose qu’un évènement est composé de trois (et seulement trois) constituants : une certaine substance, une certaine propriété et un certain temps. Pour cette raison, un évènement donné peut être formalisé ainsi : [x, P, t]. Le « x » de la formule désigne une substance, le « P » désigne une propriété instanciée par la substance et le « t » désigne un temps, ou plutôt un intervalle de temps (Kim, 1976). Cette théorie permet également d’obtenir un critère d’identité entre deux évènements :

[x, P, t] = [y, Q, t’] si et seulement si x = y, P = Q et t = t’. 

Autrement dit, deux évènements e1 et e2 sont numériquement identiques si et seulement si la substance est identique, la propriété instanciée est identique et le temps est identique (Kim, 1976). En revanche, deux évènements e1 et e2 sont numériquement distincts si la substance diffère (par exemple : la chute d’une feuille d’arbre et la chute d’un flocon de neige), si la propriété exemplifiée diffère (par exemple : la chute d’une feuille d’arbre et le jaunissement d’une feuille d’arbre) ou si le temps diffère (par exemple : la chute d’une feuille d’arbre à midi et la chute d’une feuille d’arbre à 13h00).

Puisque Kim considère les actions comme des évènements, son analyse des évènements est valable ipso facto pour les actions. Supposons par exemple que Pierre effectue l’action de marcher. D’après Kim, l’action considérée se compose d’une propriété (la propriété d’être marchant ou d’être en train de marcher) exemplifiée par un continuant (Pierre) à un temps.

Soulevons encore une complication. Kim admet que, dans certains cas, un évènement correspond non pas à une propriété instanciée par une substance en un temps, mais plutôt à une relation qui se tient entre plusieurs substances en un temps (Kim, 1966). Supposons, par exemple, que Pierre mange une pomme. L’évènement considérée (en l’occurrence, il s’agit d’une action) correspond à une relation qui se tient entre deux substances (Pierre et une pomme) à un temps. De même, si Pierre parle à Jean, l’évènement considéré correspond à une relation qui se tient entre deux substances (Pierre et Jean) à un temps.

La multiplication des évènements

La théorie exposée ci-dessus a une conséquence, assumée par Kim mais souvent jugée problématique, à savoir la thèse de la multiplication des évènements. Supposons que Pierre marche à petits pas dans la Rue Centrale, le 14 avril 2021 à 18h00. Il est évident que si l’affirmation (1) est vraie, alors les affirmations (2) et (3) sont également vraies :

  1. Pierre marche à petits pas dans la Rue Centrale, le 14 avril 2021, à 18h00.
  2. Pierre marche dans la Rue Centrale, le 14 avril 2021, à 18h00.
  3. Pierre se déplace dans la Rue Centrale, le 14 avril 2021, à 18h00.

D’après Kim, les affirmations (1), (2) et (3) correspondent à trois évènements différents, respectivement e1, e2 et e3. Certes, dans les trois cas, le temps est le même (le 14 avril 2020, à 18h00) et la substance est la même (Pierre). Cependant, la propriété instanciée par Pierre diffère : être en train de marcher à petits pas (selon l’affirmation 1), être en train de marcher (selon l’affirmation 2) et être en train de se déplacer (selon l’affirmation 3).

De prime abord, la thèse de la multiplication des évènements heurte nos intuitions. Les affirmations (1), (2) et (3) ci-dessus ne semblent pas mentionner trois actions différentes, mais semblent plutôt correspondre à trois descriptions plus ou moins riches d’une même action. Dès lors, faut-il abandonner définitivement la conception des évènements comme exemplifications de propriétés ? Pas forcément. Dans cette sous-section, nous allons considérer deux stratégies qui ont pour but de rendre acceptable la thèse selon laquelle les évènements sont des exemplifications de propriétés. La première stratégie est celle de Kim lui-même. Kim essaye de montrer que la thèse de la multiplication des évènements, si on la comprend bien, n’est pas aussi inacceptable qu’elle en a l’air. La deuxième stratégie est celle de Bennett. Bennett essaye de montrer que la thèse selon laquelle les évènements sont des propriétés instanciées n’implique pas nécessairement la thèse de la multiplication des évènements. Nous considérerons ces deux stratégies tour à tour.

Commençons par la stratégie de Kim. Kim raisonne à partir de l’exemple suivant. Supposons que Sébastien se promène tranquillement dans les rues de Bologne, à 2h00 du matin. D’après Kim, la promenade de Sébastien (angl. Sebastian’s strolling) et la promenade tranquille de Sébastien (angl. Sebastian’s strolling leisurely) sont deux évènements distincts. À première vue, cette thèse paraît extravagante. Mais d’après Kim, la thèse perd son extravagance si on la comprend correctement. L’idée n’est pas de dire que les deux évènements sont complètement distincts, mais plutôt qu’ils sont partiellement distincts. L’un des deux évènements (la promenade tranquille de Sébastien) inclut l’autre évènement (la promenade de Sébastien) (Kim, 1976, p. 319). Selon Kim, l’idée qu’il puisse y avoir une relation d’inclusion entre deux évènements partiellement distincts rend plausible la thèse de la multiplication des évènements.

Tournons-nous maintenant vers la stratégie de Bennett (1988, chap. 5-6 ; 2002). Bennett veut montrer que, contrairement à ce que pense Kim, la thèse selon laquelle les évènements sont des exemplifications de propriétés (ou des « tropes », pour utiliser sa terminologie) n’implique pas nécessairement la thèse de la multiplication des évènements. Pour le voir, il s’agit d’admettre qu’une propriété exemplifiée (un trope) peut être complexe. De plus, il s’agit de distinguer les évènements (par exemple : la promenade de Sébastien) et les noms que l’on donne aux évènement (en l’occurrence : « la promenade de Sébastien »). Le nom de l’évènement ne mentionne pas nécessairement tous les détails de la propriété complexe dont il est question. Par exemple, « la promenade de Sébastien » est une description de l’évènement qui passe sous silence beaucoup d’aspects de l’évènement : la promenade de Sébastien était-elle lente ou rapide ? Sébastien marchait-il sur la pointe des pieds ou sur le plat des pieds ?

Une fois que l’on a admis la distinction entre un évènement (qui est un trope complexe) et le nom d’un évènement (qui mentionne certains aspects seulement du trope complexe), la thèse de la multiplication des évènements peut être rejetée. « La promenade de Sébastien » et « la promenade tranquille de Sébastien » sont deux descriptions plus ou moins détaillées d’un même évènement (c’est-à-dire d’un même trope complexe). De même, les affirmations (1-3) formulées plus haut correspondent à trois descriptions plus ou moins détaillées de la même action (c’est-à-dire du même trope).

Event view (deuxième version) : la théorie de Davidson

Une catégorie ontologique fondamentale

Tout comme Kim, Davidson pense que les actions sont des évènements. Mais contrairement à Kim, Davidson refuse l’idée selon laquelle les évènements seraient des propriétés instanciées par des substances. Selon lui, les évènements sont des particuliers concrets qui instancient des propriétés mais qui ne sont pas eux-mêmes des propriétés (Davidson, 1993c, 1993d, 1993e). Ainsi, Davidson s’est efforcé de montrer que les évènements et les continuants doivent être mis sur un pied d’égalité ontologique : il s’agit de deux catégories d’entités fondamentales. Reprenons l’exemple de la chute d’une feuille d’arbre. D’après Kim, la chute doit être analysée comme une propriété (être chutant ou être en train de chuter) instanciée par la feuille d’arbre. D’après Davidson, la chute et la feuille d’arbre sont deux particuliers concrets qui instancient des propriétés : la feuille d’arbre instancie (par exemple) la propriété d’être brunâtre et légère, la chute instancie (par exemple) la propriété d’être rapide et élégante.

Bien entendu, l’idée que les évènements et les continuants sont sur un pied d’égalité ontologique ne signifie pas qu’il n’y a pas de différence entre ces deux types de choses. Ainsi, évènements et continuants correspondent à deux sortes différentes de particuliers concrets. Les évènements sont des particuliers concrets qui ont des parties temporelles (un évènement n’existe pas entièrement à chaque moment du temps), alors que les continuants sont des particuliers concrets sans partie temporelle (un continuant existe tout entier à chaque moment du temps). Il n’en demeure pas moins que continuants et évènements sont mis sur un pied d’égalité ontologique, dans le sens où il s’agit de deux catégories d’entités fondamentales : les évènements ne se réduisent pas à des propriétés instanciées par les continuants.

La description des évènements

Pour Kim, rappelons-le, deux évènements e1 et e2 sont numériquement identiques si et seulement si la substance est identique, la propriété instanciée est identique et le temps est identique. Puisque Davidson refuse de réduire les évènements à des propriétés exemplifiées par des substances, il refuse également le critère d’identité kimien. Dès lors, quel critère permet d’affirmer que deux évènements e1 et e2 sont identiques ? Davidson a proposé deux réponses différentes à cette question. D’après la première réponse, deux évènements e1 et e2 sont numériquement identiques si et seulement si leurs causes sont identiques et leurs conséquences sont identiques (Davidson, 1993c). D’après la deuxième réponse, deux évènements e1 et e2 sont numériquement identiques si et seulement si ils occupent exactement la même localisation spatio-temporelle (Davidson, 2001).

Nous n’approfondirons pas davantage les deux critères formulés ci-dessus. Nous nous contenterons de montrer que la théorie davidsonienne des évènements rend compte de la possibilité de décrire un même évènement de différentes façons. Un même évènement peut être décrit comme étant un déplacement, comme étant une marche ou comme étant une marche sur la pointe des pieds. L’analyse davidsonienne exclut donc la thèse kimienne de la multiplication des évènements.

Les évènements davidsoniens ont donc une « vie cachée » (a secret life) pour reprendre la formule de Steward (2003, pp. 35-40). Cette formule signifie qu’une description donnée d’un évènement donné ne nous dit pas tout à propos de cet évènement : une description mentionne une ou plusieurs propriétés, mais en laisse beaucoup d’autres dans l’ombre. À ce titre, les évènements davidsoniens ressemblent aux continuants. Si je dis de Julien qu’il est blond, je n’ai pas tout dit à propos de Julien (je n’ai rien dit de sa taille, de sa masse ou de sa couleur de peau, par exemple). De même qu’un continuant peut être décrit avec plus ou moins de finesse, un évènement davidsonien peut, lui aussi, être décrit avec plus ou moins de finesse.

Par contraste, l’idée kimienne selon laquelle les évènements sont des propriétés instanciées par une substance n’est pas compatible avec la possibilité de redécrire avec plus ou moins de finesse un même évènement. Les évènements kimiens n’ont pas de « vie secrète ». Pour reprendre la formule de Bennett : « what you see is what you get » (Bennett, 2002, p. 2). Cette formule est utilisée par Bennett pour caractériser les faits, mais elle convient parfaitement pour caractériser les évènements tels que Kim les conçoit : si deux descriptions d’évènements mentionnent deux propriétés différentes, alors il s’agit de deux évènements différents.

L’expression des évènements

Les ressources linguistiques que nous utilisons pour mentionner des évènements peuvent-elles nous donner une indication sur leur nature ? C’est en tous cas ce que suggère Davidson. En effet, l’auteur constate que les évènements, tout comme les continuants, peuvent être désignés à l’aide d’un terme singulier : « une chute », « une explosion », « un coucher de soleil » (Davidson, 1993e). Or, les termes singuliers servent à désigner des particuliers concrets plutôt que des propriétés. Ainsi, le langage ordinaire semble réifier les évènements : les chutes, les explosions et les couchers de soleil sont des choses qui font partie de l’ameublement du monde, au même titre que les feuilles d’arbres, les planètes et les maisons.

Davidson admet cependant que cette remarque n’a qu’une portée limitée et ne suffit pas pour établir une théorie métaphysique des évènements. Pire encore, l’analyse linguistique peut être retournée contre sa propre théorie. En effet, il est certes possible d’utiliser des termes singuliers pour désigner des évènements, mais il est également possible de s’en passer (Davidson, 1993c). Plutôt que « Le coucher de soleil a eu lieu vers 18h15 » on dira « Le soleil s’est couché vers 18h15 » ; plutôt que « La traversée du lac à pied est possible lorsqu’il gèle », on dira « Il est possible de traverser le lac lorsqu’il gèle ». Cette façon de s’exprimer permet de mentionner des évènements sans utiliser de termes singuliers. Les noms désignent ici des continuants (« le lac », « le soleil ») et les verbes expriment des évènements. Ces tournures de phrase confortent plutôt l’ontologie kimienne, selon laquelle les évènements se réduiraient à des propriétés instanciées par des continuants. Davidson a cependant élaboré un argument plus solide pour étayer sa conception des évènements, argument que nous présenterons dans la prochaine sous-section.

La forme logique des énoncés d’action

Davidson pense que sa conception des évènements peut être étayée par un examen de la forme logique des énoncés d’action. Pour le montrer, reprenons le célèbre exemple de Davidson. Si l’énoncé « John beurre une tartine avec un couteau » est vrai, alors l’énoncé « John beurre une tartine » est également vrai. Autrement dit, l’énoncé « John beurre une tartine avec un couteau » implique l’énoncé « John beurre une tartine » (Davidson, 1993d). Une bonne théorie de l’action doit être capable de rendre compte de cette implication.

Examinons l’exemple à la lumière de l’analyse kimienne des évènements. Supposons qu’une action correspond à une propriété instanciée par une substance, ou par une relation qui se tient entre plusieurs substances. Dans cette perspective, le verbe « beurrer » dans l’énoncé « John beurre une tartine » exprime une relation dyadique qui se tient entre John et la tartine. En revanche, le verbe « beurrer » dans l’énoncé « John beurre une tartine avec un couteau » correspond à une relation triadique qui se tient entre John, la tartine et un couteau. Une telle analyse ne permet pas de rendre compte du fait que « John beurre une tartine avec un couteau » implique « John beurre une tartine ». En effet, le verbe « beurrer » correspond à un prédicat différent dans le premier énoncé et dans le deuxième énoncé.

C’est ce qu’on appelle le problème de la polyadicité variable des prédicats actifs (Kenny, 2003a). Dire que les prédicats actifs ont une polyadicité variable revient à dire que leur arité (le nombre d’arguments sur lesquels ils portent) varie si on ajoute ou si l’on soustrait une information. En l’occurrence, le verbe « beurrer » est dyadique dans un cas et triadique dans l’autre cas.

Davidson (1993c, 1993d) suggère de résoudre le problème présenté ci-dessus en quantifiant sur les évènements. D’après lui, la structure logique de l’énoncé « John beurre une tartine » peut être explicitée ainsi : « il existe un évènement e, e est un beurrage, John en est l’agent et la tartine en est le patient ». Quant à l’énoncé « John beurre une tartine avec un couteau », sa structure logique peut être explicitée ainsi : « il existe un évènement e, e est un beurrage, John en est l’agent, la tartine en est le patient et le couteau en est l’instrument ». Dès lors, le problème de la polyadicité variable ne se pose plus. D’après une telle analyse, l’action correspond non pas à une relation entre deux substances, mais à une entité sur laquelle on quantifie. Selon Davidson, cette analyse de la structure logique des énoncés d’action montre que les évènements ne doivent pas être réduits à des propriétés ou des relations entre continuants, mais doivent être considérés comme des entités fondamentales.

Process view

Évènements et occurrents

Dans la section précédente, nous avons examiné deux versions de l’event view, c’est-à-dire la thèse selon laquelle les actions sont des évènements. La présente section est consacrée à une théorie rivale : la process view. Plusieurs auteurs ont défendu l’idée que les actions ne sont pas des évènements, mais des processus (Galton & Mizoguchi (2009), Steward (2012, 2013, 2015), Stout (1997, 2016, 2018) et Charles (2018)). Mais qu’est-ce qu’un processus ? En quoi les processus se distinguent-ils des évènements ?

Avant de répondre à cette question, une remarque terminologique s’impose. Beaucoup d’auteurs utilisent le mot « évènement » en un sens très large, c’est-à-dire comme un synonyme du mot « occurrent ». Mais les adeptes de la process view refusent précisément de donner au mot « évènement » un sens aussi large. Pour eux, les entités qui possèdent des tranches temporelles sont les occurrents. Les évènements constituent une sous-catégorie d’occurrents et les processus constituent une autre sous-catégorie d’occurrents. Il s’agit donc, pour commencer, de s’attarder sur la distinction entre les évènements et les processus.

Évènements et processus

D’après les défenseurs de la process view, la différence entre les évènements et les processus consiste en ceci que les évènements sont des occurrents achevés ou complets (completed) alors que les processus sont des occurrents en progression ou en cours de réalisation (progressing / ongoing) (Stout, 2018). La distinction correspond donc au contraste grammatical entre l’aspect perfectif et l’aspect progressif d’un verbe. Comparons les deux énoncés suivants :

  1. Marie a traversé le Léman à la nage.
  2. Marie était en train de traverser le Léman à la nage.

La différence grammaticale entre (1) et (2) n’est pas une différence de temps verbal : dans les deux cas, l’énoncé décrit un occurrent passé. La différence entre (1) et (2) concerne l’aspect. Le passé composé (utilisé dans l’énoncé 1) permet de mentionner un occurrent achevé ou complété. Par contraste, la tournure « être en train de ») (utilisée dans l’énoncé 2) permet de mentionner un occurrent considéré sous l’angle de sa progression ou de son déroulement. L’énoncé (1) décrit donc ce que Stout et Steward appellent un évènement (c’est-à-dire un occurrent achevé) alors que l’énoncé (2) se réfère à un processus (c’est-à-dire un occurrent en progression).

La distinction entre processus et évènement ainsi comprise a une conséquence théorique importante : les processus sont homogènes alors que les évènements sont hétérogènes (Steward, 2013). Si un processus a lieu entre t1 et t2, alors ce processus a également lieu à chaque intervalle de temps entre t1 et t2. C’est cette caractéristique que l’on appelle l’homogénéité des processus. Par contraste, si un évènement a lieu entre t1 et t2, alors cet évènement n’a pas lieu à chaque intervalle de temps entre t1 et t2. C’est cette caractéristique que l’on appelle l’hétérogénéité des évènements.

Un exemple permettra de mieux comprendre la distinction entre l’homogénéité (des processus) et l’hétérogénéité (des évènements). Supposons que, le 12 juillet 2021, Marie ait traversé le Léman à la nage. Marie est partie de Lausanne à 10h00 (t1) et est arrivé à Évian-les-Bains à 16h00 (t2). Appelons périodet1-t2 la période de 10h00 à 16h00. Découpons la périodet1-t2 en trois sous-périodes : la périodeA (de 10h00 à 12h00), la périodeB (de 12h00 à 14h00) et la périodeC (de 14h00 à 16h00).

Considérons d’abord la nage de Marie sous l’angle progressif (le processus). Durant la périodet1-t2, Marie était en train de nager de Lausanne jusqu’à Évian. Durant chaque intervalle de temps entre t1 et t2, Marie était également en train de nager de Lausanne jusqu’à Évian : elle était en train de nager de Lausanne jusqu’à Évian durant la périodeA, durant la périodeB et durant la périodeC. Considérons maintenant la nage de Marie sous l’angle perfectif (l’évènement). Il est vrai que Marie a nagé de Lausanne jusqu’à Évian durant la périodet1-t2. Mais il n’est pas vrai que Marie a nagé de Lausanne jusqu’à Évian durant la périodeA, ni durant la périodeB, ni durant la périodeC.

Là réside la différence fondamentale entre les processus et les évènements. L’évènement étant un occurrent complet ou achevé, il n’existe pas avant son achèvement. Un évènement est hétérogène dans le sens où ses parties temporelles ne sont pas de la même nature que lui. En revanche, un processus étant un occurrent en progression, il existe du début à la fin de son déroulement. Un processus est donc homogène dans le sens où ses parties temporelles sont de même nature que lui.

Il ne faut pas confondre la distinction entre processus et évènement avec une autre distinction, celle entre les occurrents ayant un point terminal et les occurrents n’ayant pas de point terminal (Vendler, 1967). L’action de nager est un occurrent sans point terminal : potentiellement, un agent peut continuer de nager indéfiniment. En revanche, l’action de nager jusqu’à Évian est un occurrent avec un point terminal : une fois que l’agent a atteint ce point terminal, l’agent ne peut plus continuer à nager jusqu’à Évian. Mais la distinction entre évènement et processus est orthogonale à la distinction entre occurrent avec ou sans point terminal. La nage de Marie de Lausanne jusqu’à Évian correspond à un processus si on la considère sous l’angle de sa progression, mais à un évènement si on la considère sous l’angle de son achèvement.

L’argument du changement

Nous savons maintenant ce qu’est un processus. Reste à examiner la raison pour laquelle certains auteurs défendent l’idée que les actions ne sont pas des évènements mais des processus. L’argument du changement a pour but de démontrer qu’une action n’est pas un évènement ((Steward, 2012), (Galton & Mizoguchi, 2009)). L’argument peut être reconstruit comme suit :

Prémisse 1 : Les actions sont des entités susceptibles de changer.

Prémisse 2 : Les évènements sont des entités qui ne sont pas susceptibles de changer.

Conclusion : Donc, les actions ne sont pas des évènements.

Considérons tour à tour les deux prémisses de cet argument. D’après la première prémisse, les actions sont des entités susceptibles de changer. Pour l’admettre, il suffit de penser aux affirmations qui ont la forme « s φ-e de plus en plus / de moins en moins F-ment » (Steward, 2012). Reprenons l’exemple de la traversée du Léman par Marie. Supposons que, au fur et à mesure qu’elle nage, Marie se fatigue et ralentit son rythme : Marie nage à la vitesse de 2 m/s durant la périodeA, puis à 1,5 m/s durant la périodeB, enfin à 1 m/s durant la périodeC. Autrement dit, Marie nage de plus en plus lentement. Cet exemple suffit pour soutenir la première prémisse. Une action peut changer au cours de sa réalisation : en l’occurrence, la nage de Marie change de vitesse.

Passons maintenant à la deuxième prémisse, selon laquelle les évènements sont des entités qui ne sont pas susceptibles de changer. Pour comprendre cette prémisse, il est important de voir que, pour qu’une entité soit susceptible de changer, cette entité doit subsister à travers le temps. Tout changement implique un support (la chose qui change) et ce support est une entité qui subsiste à travers le temps (Galton & Mizoguchi, 2009). Il est ainsi aisé d’admettre que les continuants peuvent changer. Mais les évènements peuvent-ils changer ? Si on admet la caractérisation des évènements proposée dans la section précédente, la réponse est non.

Considérons en effet la nage de Marie de Lausanne jusqu’à Évian (l’évènement, non pas le processus). Peut-on dire que l’évènement a certaines propriétés durant la périodeA, puis d’autres propriétés durant la périodeB, puis encore d’autres propriétés durant la périodeC ? Non, car l’évènement n’existe pas avant que Marie soit arrivé à Évian. On ne peut donc pas dire que l’évènement qui se déroule durant la périodeA se déroule aussi durant la périodeB et durant la périodeC. L’évènement ne peut pas changer au cours du temps car l’évènement n’existe pas encore avant d’être achevé ou entièrement réalisé (voir aussi (Dretske, 1967)).

Les actions étant des entités qui changent (prémisse 1) et les évènements étant des entités qui ne changent pas (prémisse 2), les actions ne peuvent pas être des évènements. Selon la process view, les actions ne sont pas des évènements mais des processus. En effet, contrairement aux évènements, les processus subsistent à travers le temps. Durant la périodeA, Marie est déjà en train de nager de Lausanne jusqu’à Évian ; durant la périodeB puis durant la périodeC, Marie est encore en train de nager de Lausanne jusqu’à Évian. Le processus existe donc à chaque intervalle de temps entre son initiation et sa fin. Contrairement aux évènements, les processus sont des entités qui subsistent à travers le temps et qui sont donc susceptibles de changer. Un processus donné peut avoir une propriété au temps t1 puis une autre propriété au temps t2.

Critique de l’argument

Dans cette sous-section, nous relèverons deux façons de résister à la process view, autrement dit deux objections à l’argument du changement. La première stratégie pour résister à cet argument consiste à nier la prémisse 1 en montrant que, après tout, les actions ne sont pas des entités susceptibles de changer. Cette stratégie a été proposée par Crowther (2018). La deuxième stratégie consiste à nier la prémisse 2 en montrant que, après tout, les évènements sont susceptibles de changer. Cette stratégie a été mentionnée par Steward (2012) à titre d’objection potentielle à sa propre théorie. L’autrice formule également une contre-objection, mais celle-ci n’est peut-être pas entièrement satisfaisante.

Commençons par la première objection à la process view, objection formulée par Crowther (2018, pp. 65-66). D’après l’argument du changement, les actions sont des entités susceptibles de changer. Ainsi, pour reprendre notre exemple, lorsque Marie nage de Lausanne à Évian, elle nage de plus en plus lentement : d’abord à 2 m/s, puis à 1,5 m/s, enfin à 1 m/s. Mais considérons une analyse kimienne des évènements : la nage de Marie correspond à une propriété de Marie. Marie a la propriété d’être nageante (ou d’être en train de nager). D’après une telle analyse, c’est l’agent et non pas l’action qui change. Marie a la propriété de nager à 2 m/s en t1, puis la propriété de nager à 1,5 m/s en t2, puis la propriété de nager à 1m/s en t3. Il est donc faux de penser que les actions sont des entités susceptibles de changer.

Passons à la deuxième objection qui peut être adressée à l’argument du changement. D’après la process-view, les évènements sont des entités qui ne sont pas susceptibles de changer, car les évènements ne subsistent pas à travers le temps. Mais peut-être que la subsistance à travers le temps n’est pas une véritable condition du changement. Reprenons l’exemple de la traversée du Léman par Marie. Admettons que la nage de Marie de Lausanne à Évian est un évènement que nous appellerons e. e se compose d’une succession de trois sous-évènements : e1 (= la nage de Marie durant la périodeA), e2 (= la nage de Marie durant la périodeB) et e3 (= la nage de Marie durant la périodeC). e1, e2 et e3 sont trois évènements distincts et successifs. L’évènement e (la nage de Marie de Lausanne à Évian) est composé de la succession de e1, e2 et e3. Lorsque nous disons que la nage de Marie est de plus en plus lente, nous voulons peut-être simplement dire que la nage de Marie est composée de trois sous-évènements distincts, le premier étant plus rapide que le deuxième et le deuxième étant plus rapide que le troisième. Une telle analyse suppose une forme de changement qui ne repose pas sur la persistance de l’évènement à travers le temps.

Steward elle-même évoque la possibilité d’une telle analyse. Il est possible, envisage-t-elle, que lorsque nous parlons d’un évènement qui change, nous faisons simplement référence à une progression d’une phase à l’autre de l’évènement. L’évènement lui-même ne change pas à strictement parler, mais ses différentes phases ont des propriétés différentes (Steward, 2012, p. 378). L'autrice précise cependant qu’il ne s’agit pas là d’un véritable changement. Le fait, pour un évènement, d’avoir des phases avec des propriétés divergentes est comparable au fait, pour un continuant, d’avoir des parties avec des propriétés différentes (Steward, 2012, p. 378). Considérons par exemple une planche de bois peinte qui serait rouge d’un côté et bleue de l’autre côté. Le fait que cette planche de bois ait deux parties avec des propriétés différentes (l’une est bleue, l’autre est rouge) ne permet pas d’affirmer que la planche de bois elle-même change. La planche a une partie bleue et une partie rouge, mais elle ne change pas.  De même, le fait qu’un évènement ait des parties temporelles avec des propriétés différentes ne permet pas d’affirmer que l’évènement lui-même change. L’évènement a une phase rapide et une phase plus lente, mais il ne change pas.

Steward a sans doute raison de dire que le fait, pour un évènement, d’avoir des parties avec des propriétés différentes ne correspond pas à un véritable changement. Il n’empêche que cette analyse permet malgré tout d’affirmer qu’un évènement peut changer si l’on adopte un sens relâché du mot « changement ». Or, peut-être que le sens relâché du mot « changement » suffit pour défendre l’event view. Après tout, peut-être que lorsque nous disons qu’une marche est de plus en plus rapide ou de plus en plus lente, nous voulons simplement dire que les parties successives de la marche ont des vitesses croissantes ou décroissantes.

Causing view

Présentation de la théorie

Certains auteurs défendent l’idée qu’une action n’est ni un évènement, ni un processus. Selon cette troisième famille de théorie, appelée causing view, agir revient à faire advenir (bring about) ou causer un évènement ((von Wright, 1963), (Bach, 1980), (Stoecker, 1993), (Alvarez & Hyman, 1998), (Alvarez, 1999), (Hyman, 2015)). Dans cette section, nous allons surtout nous pencher sur la version de la causing view défendue par Alvarez & Hyman (1998).

Notons que le français ne dispose d’aucune bonne traduction pour les substantifs « a bringing about » et « a causing ». Bien sûr, les verbes « causer » et « faire advenir » existent, mais il n’existe pas de noms adéquats dérivés de ces deux verbes (le néologisme « causage » n’est pas très heureux). Dans ce qui suit, nous traduirons donc « a bringing about » par « une production ». Supposons qu’Hélène lève son bras. D’après la causing view, lever le bras revient à causer l’élévation du bras. L’action d’Hélène est donc identique à la production (le causing), par Hélène, de l’élévation de son bras.

L’exemple qui précède permet de souligner la différence entre l’event view et la causing view. L’élévation du bras d’Hélène est un évènement. D’après l’event view, l’action d’Hélène correspond à l’élévation de son bras. D’après la causing view, l’action d’Hélène correspond non pas à l’élévation du bras (l’événement), mais à la production par Hélène de l’élévation de son bras. L’évènement (l’élévation du bras) est considéré comme le résultat de l’action d’Hélène (ce qu’Hélène a produit).

D’après Hyman, la pertinence de la causing view est d’autant plus manifeste lorsque l’on se penche sur des exemples d’actions qui n’impliquent pas seulement un mouvement corporel, mais encore un objet externe. Considérons ainsi l’action de hisser un drapeau (Hyman, 2015, p. 56). L’évènement (c’est-à-dire le résultat de l’action) est l’élévation du drapeau. Mais il semblerait absurde de dire que l’action de hisser un drapeau est identique à l’élévation du drapeau. Plutôt, hisser un drapeau revient à causer l’élévation du drapeau. Dans la même veine, casser un miroir revient à causer le bris du miroir, ouvrir une fenêtre revient à causer l’ouverture de la fenêtre, tuer Pierre revient à causer la mort de Pierre. Pour chaque exemple, il s’agit de distinguer l’action (c’est-à-dire la production d’un évènement) et le résultat de l’action (c’est-à-dire l’évènement produit : le bris du miroir, l’ouverture de la fenêtre, la mort de Pierre).

Verbes transitifs et intransitifs

Il faut cependant relever une complication de nature linguistique. Supposons que Paul bouge son petit doigt gauche. Ici, le verbe « bouger » désigne l’action de Paul, à savoir la production d’un mouvement corporel. Le résultat de cette action est que le petit doigt gauche de Paul bouge. Cette fois-ci, le verbe « bouger » correspond au résultat de l’action de Paul, c’est-à-dire le mouvement corporel produit. Ainsi, un même verbe (en l’occurrence, le verbe « bouger ») correspond parfois à une action et parfois au résultat de l’action. N’est-ce pas là un argument en faveur de l’event view, à savoir l’idée que l’action de Paul est identique au mouvement corporel de Paul ?

D’après Alvarez et Hyman (1998), une clef pour distinguer l’action et l’évènement qui en résulte est la distinction grammaticale entre l’emploi transitif et l’emploi intransitif du verbe. Comparons les deux phrases ci-dessous :

  1. Paul bouge son petit doigt gauche.
  2. Le petit doigt gauche de Paul bouge.

Le verbe « bouger » apparait dans l’énoncé (1) comme dans l’énoncé (2). Cependant, les deux occurrences du verbe « bouger » n’ont pas le même profil grammatical. En effet, dans l’énoncé (1), le verbe « bouger » est employé de façon transitive. Le groupe nominal « son petit doigt gauche » est le complément d’objet du verbe « bouger ». En revanche, dans l’énoncé (2), le verbe « bouger » est employé de façon intransitive : le verbe n’a pas de complément d’objet.

Ainsi, l’emploi transitif du verbe bouger (que les auteurs mentionnent ainsi : « bougert ») exprime l’action de bouger, alors que l’emploi intransitif du verbe bouger (que les auteurs mentionnent ainsi : « bougeri ») exprime l’évènement qui résulte de l’action. Cette même distinction peut être rapportée à de nombreux exemples. Le résultat de l’action de cassert une vitre est que la vitre se cassei. Le résultat de l’action d’ouvrirt une fenêtre est que la fenêtre s’ouvrei. Ces deux exemples révèlent également que, en français, la distinction entre l’emploi transitif et intransitif d’un verbe est souvent appuyée par la distinction entre l’emploi non réfléchi et l’emploi réfléchi du verbe (« casser » vs « se casser », « ouvrir » vs « s’ouvrir »).

Grâce à cette distinction, il est plus facile d’admettre que l’action n’est pas identique au mouvement corporel. Le verbe « bougert » correspond à une action (la production d’un mouvement corporel) alors que le verbe « bougeri » correspond au résultat d’une action (le mouvement corporel). Bien entendu, à chaque fois que Pierre bouget son doigt, il en résulte que son doigt bougei. Autrement dit, il est impossible que l’affirmation (1) ci-dessus se vérifie sans que l’affirmation (2) ne se vérifie également. Cela est évident, puisque (2) correspond au résultat de (1). Mais il n’en découle absolument pas que l’action et le résultat de l’action soient identiques. D’après Alvarez et Hyman, l’erreur de l’event view consiste à ne pas voir la différence entre les deux sens de l’expression « bouger » : le verbe qui correspond à une action, c’est-à-dire à la production d’un mouvement corporel (le verbe s’emploie alors de façon transitive) et le verbe qui correspond au résultat de l’action, c’est-à-dire au mouvement corporel (le verbe s’emploie alors de façon intransitive). Comme les adeptes de l’event view confondent l’un et l’autre, ils pensent que les actions sont des mouvements corporels. Mais une fois que la distinction est établie, on devrait admettre que les évènements sont les résultats des actions et que les actions sont des productions d’évènement.

  1. Résultats et conséquences

Dans la perspective de la causing view, il ne faut pas confondre le résultat d’une action et la conséquence d’une action. Supposons que Pierre ouvre la fenêtre de sa chambre. L’action de Pierre consiste à causer (ou faire advenir) l’ouverture de la fenêtre. L’ouverture de la fenêtre correspond à l’évènement qui résulte de l’action de Pierre. La conséquence de l’action de Pierre est, par exemple, le rafraîchissement de la pièce ((von Wright, 1963), (Alvarez & Hyman, 1998)).

Comment distingue-t-on résultat et conséquence ? D’après von Wright, la relation entre l’action et son résultat est une relation logique, alors que la relation entre l’action et sa conséquence est une relation causale (von Wright, 1963, pp. 39-41). Pour qu’une action donnée soit correctement considérée comme une ouverture de fenêtre, il est logiquement requis que l’action résulte en une ouverture de fenêtre. Comme le disent Alvarez et Hyman : « une action est de telle ou telle sorte si et seulement si son résultat est de la sorte correspondante » (Alvarez & Hyman, 1998, p. 233).

Par contraste, il n’existe aucun lien logique entre l’action et sa conséquence. Supposons que Pierre ouvre la fenêtre de sa chambre et que, en conséquence, la température de la chambre baisse de deux degrés. Le lien entre l’action et sa conséquence est contingent et causal. Après tout, s’il faisait plus chaud à l’extérieur qu’à l’intérieur, l’ouverture de la fenêtre aurait pour conséquence un réchauffement de la chambre.

  1. Les agents inanimés

Pour compléter cette présentation de la causing view, ajoutons que cette théorie va de pair avec l’idée que les entités inanimées peuvent être des agents. Agir, c’est causer un évènement. Or, la production d’un évènement n’est pas réservée aux agents animés (Alvarez & Hyman, 1998, pp. 243-245; Hyman, 2015, pp. 29-32). Supposons que le soleil brûle la peau de Pierre et assèche la forêt. Le soleil est un agent, puisqu’il fait advenir des évènements (en l’occurrence : la brûlure sur la peau de Pierre et l’assèchement de la forêt).

Cette thèse contraste avec la théorie davidsonienne de l’action. D’après Davidson, on l’a vu, les actions sont des évènements. L’auteur ajoute que les actions se distinguent des autres évènements par une cause mentale spécifique : les actions sont les évènements causés par un désir et une croyance (Davidson, 1993a). Ainsi, seuls les êtres susceptibles d’avoir des désirs et des croyances peuvent être des agents, ce qui exclut d’emblée les entités inanimées. Le soleil ne peut pas agir. Sur cette question, une position intermédiaire est celle de Searle (2000), Pacherie (2000, 2003), O’Shaughnessy (1997). Selon eux, il n’est pas requis, pour agir, d’avoir des états mentaux propositionnels telle que des croyances (voir aussi Hursthouse (1991)). Il est cependant requis d’avoir des états mentaux non propositionnels tels que des intentions motrices (Pacherie). À ce titre, les animaux et les nourrissons peuvent agir, mais les entités non animées ne le peuvent pas.

Qu’est-ce qu’un causing ?

D’après la causing view, les actions sont des productions (causing) d’évènements. Mais quel genre d’entité est une production d’évènement ? Alvarez et Hyman affirment que la production d’un évènement correspond à l’exercice d’un pouvoir causal : « agir, c’est exercer un pouvoir causal – causer, faire advenir ou effectuer un évènement » (Alvarez & Hyman, 1998, p. 233). Mais là encore, la question se pose : quel genre d’entité est l’exercice d’un pouvoir causal ? La production d’un évènement (ou l’exercice d’un pouvoir causal) est-elle elle-même un évènement ? S’agit-il plutôt d’une relation entre un agent et un évènement ? Alvarez et Hyman rejettent l’une et l’autre de ces deux hypothèses.

Une piste a priori plausible consisterait à dire que la production d’un évènement e' correspond à un évènement e qui est la cause de l’évènement e'. Par exemple, la production de l’élévation du bras d’Hélène serait identique à un évènement qui est la cause de l’élévation du bras d’Hélène. Cette hypothèse admettrait différentes versions. Par exemple, on pourrait avancer que la production de l’élévation du bras d’Hélène est un évènement mental (l’intention d’Hélène d’élever son bras) ou cérébral (la stimulation neuronale qui déclenche le mouvement du bras). Ou alors, on pourrait avancer que la production de l’élévation du bras d’Hélène correspond au mouvement musculaire d’Hélène : c’est ce mouvement musculaire, après tout, qui explique que le bras d’Hélène se lève.

L’hypothèse envisagée ci-dessus pose cependant un problème. Si l’action d’Hélène est identique à une intention d’Hélène, à une stimulation neuronale dans le cerveau d’Hélène ou à un mouvement musculaire d’Hélène, alors il faudrait admettre que l’action d’Hélène est localisée à l’intérieur d’Hélène. Or, cette conséquence semble très peu plausible. Intuitivement, il semble que l’action d’Hélène soit située là où Hélène est située, mais non pas à l’intérieur d’Hélène (Steward, 2000; 2014, p. 82). Pour cette raison, l’hypothèse selon laquelle l’action de lever le bras correspond à un évènement qui cause l’élévation du bras semble peu crédible.

Une autre hypothèse consisterait à dire que la production (causing) d’un évènement est une relation entre l’agent et l’évènement qu’il produit. L’action d’Hélène, par exemple, est une relation entre Hélène (l’agent) et l’élévation de son bras (l’évènement produit). Cette thèse a été avancée par Bach (1980), mais rejetée par Hyman et Alvarez. Cette analyse pose en effet un problème. L’action de lever le bras peut être effectuée lentement, élégamment, agressivement ou de manière saccadée. Mais il ne semble pas qu’une relation (entre un agent et un évènement) puisse être lente, élégante, agressive ou saccadée (Ruben, 2018, p. chap. 7).

Nous savons que la production d’un évènement e' n’est pas identique à l’évènement e qui serait la cause de e', ni à une relation entre un agent et un évènement. Mais nous ne savons toujours pas ce qu’est une production (causing) d’évènement. À tel point que l’on peut reprocher à la causing view de mobiliser un type d’entité (les productions d’évènements) dont la nature demeure opaque. Ruben critique d’ailleurs la causing view en avançant que le terme « a causing » (construit comme un substantif et non pas comme un verbe conjugué au gérondif) n’a pas de référence (Ruben, 2018, p. chap. 7). Selon lui, les productions d’évènements, tels que les conçoivent les défenseurs de la causing view, seraient de pures chimères. Quoi qu’il en soit, la clarification de la nature d’une production d’évènement (causing) semble être un défi à relever pour les défenseurs de cette famille de théorie.

Conclusion

Les philosophes de l’action partent souvent du principe que les actions forment une sous-classe d’évènements (Paul, 2021). Dans cette perspective, la question de la nature des actions revient à se demander comment rendre compte de la distinction entre les actions et les évènements qui ne sont pas des actions (Davidson, 1993b). Au cours de cet article, nous espérons avoir montré que l’idée selon laquelle les actions sont des évènements ne va pas de soi. Nous avons ainsi présenté deux théories alternatives : la process view, d’après laquelle les actions sont des processus, et la causing view, d’après laquelle les actions sont des productions d’évènements. Nous avons également montré qu’il existe un débat interne à l’event view sur la question de la nature des évènements. D’après les kimiens, les évènements sont des exemplifications de propriétés dans une substance. D’après les davidsoniens, les évènements sont des entités fondamentales irréductibles à des exemplifications de propriétés. Ce débat a d’importantes répercussions sur la question de l’individuation des actions, plus exactement sur la possibilité ou non de décrire une même action de différentes manières.

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