Euthanasie (GP)

Comment citer ?

Baertschi, Bernard (2021), «Euthanasie (GP)», dans Maxime Kristanek (dir.), l'Encyclopédie philosophique, consulté le ..., https://encyclo-philo.fr/

Publié en mars 2021

 

Plusieurs pays ont récemment dépénalisé l’euthanasie pour les patients en fin de vie et jouissant de leur capacité d’autonomie, mais ils sont à ce jour peu nombreux. Sur le plan moral, la question de savoir s’il est permis de décider soi-même librement d’abréger ses jours lorsque la vie est devenue une trop lourde charge n’est pas nouvelle: depuis l’Antiquité, les philosophes se demandent ce qui caractérise une « bonne mort ».

Les discussions actuelles opposent les partisans d’une libéralisation de l’euthanasie et de l’aide à mourir à ses opposants; le débat est souvent loin d’être serein, car bien de ses protagonistes sont animés par des conviction fortes, de nature politique ou religieuse, ce qui rend d’autant plus nécessaire une approche théorique de ses enjeux. Après un rappel de la situation juridique actuelle, cet article présente les principaux arguments moraux proposés pour et contre une libéralisation de l’euthanasie et de l’aide à mourir. « Libéralisation » signifie ici qu’être ainsi aidé pourrait être considéré comme une liberté ou un choix moralement permis, ce qui est à distinguer d’une dépénalisation qui, sur le plan juridique et non pas moral, dit simplement que cette aide n’est pas poursuivie pénalement.

La situation juridique

Le 1er avril 2002 est entrée en vigueur aux Pays-Bas une loi dépénalisant l’euthanasie sur l’être humain. Il s’agit du premier pays à avoir brisé une interdiction alors générale. La même année, la Belgique a suivi, puis, plus tard, le Luxembourg (2009), le Canada (2016) et l’État de Victoria en Australie (2019). Dans chacun de ces pays, la pratique est limitée aux situations de fin de vie et est encadrée de manière stricte. Par exemple, aux Pays-Bas, pour pouvoir être acceptée, la demande d’euthanasie doit avoir été faite à plusieurs reprises par un malade dûment informé, souffrant d’une affection incurable accompagnée de graves souffrances et un avis est demandé à un second médecin. En outre, lorsqu’elle est pratiquée, l’euthanasie doit l’être par un médecin.

Que faut-il entendre par « euthanasie » ? L’article 293 du code pénal néerlandais dit ceci: « Celui qui, intentionnellement, ôte la vie à un autre pour répondre à sa demande expresse et sincère […] n’est pas punissable s’il […] respecte les critères de rigueur ». L’euthanasie est donc un homicide intentionnel pratiqué par un médecin sur un être humain à sa demande. La loi belge dit la même chose. La demande du patient doit bien sûr être libre et éclairée, c’est-à-dire précédée d’entretiens où le malade est informé de la nature et du déroulement de l’acte qu’il requiert, y compris, même si ce n’est pas partout une exigence légale, des possibilités de soins palliatifs.

L’euthanasie est donc un meurtre sur demande mais qui, lorsque elle est dépénalisée, n’est pas punissable. Quand l’acte n’est pas pratiqué par un tiers, mais par le malade lui-même, il s’agit d’un suicide, et s’il est effectué avec l’assistance d’un médecin, qui fournit notamment la substance létale, on parle d’aide au suicide ou de suicide assisté. Les pays qui autorisent l’euthanasie ont aussi dépénalisé cette assistance. Par contre, certains États continuent à condamner l’euthanasie, mais autorisent l’aide au suicide, car dans ce cas, le geste ultime est fait par le patient lui-même et non par un tiers. Il s’agit de la Suisse (dès 1918) et de quelques États étasuniens: l’Oregon (en 1997), Washington, le Montana, le Vermont et la Californie (en 2015).

Ainsi, le pays où l’on habite peut changer notre sort: Chantal Sébire en France et Hugo Claus en Belgique sont morts le même jour, le 19 mars 2008; chacun avait demandé à être aidé à mourir, mais seul le second a été exaucé, puisqu’il habitait en Belgique alors que la première résidait en France. Les pays qui continuent à considérer l’euthanasie et l’assistance au suicide comme des délits ou des crimes promeuvent souvent activement les soins palliatifs en fin de vie; ainsi, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) français souligne fortement leur importance. Ces soins englobent toutes les mesures visant à soulager la souffrance d’une personne atteinte d’une affection non guérissable et à lui assurer la meilleure qualité de vie possible jusqu’à la fin. Ils peuvent mener jusqu’à la perte définitive de la conscience du malade, comme dans la sédation profonde terminale, autorisée en France.

Les arguments en faveur de la libéralisation

La qualité de vie

L’argument que l’on rencontre le plus fréquemment en faveur d’une libéralisation est celui qui s’appuie sur la qualité de vie ou le bien-être, personne ne niant qu’il s’agisse d’une valeur qui compte ici: il se peut que, à cause de la maladie, du handicap ou de l’âge, la qualité de vie d’une personne devienne si basse qu’elle juge que sa vie ne vaut plus la peine d’être vécue et qu’elle souhaite y mettre un terme.

Ce raisonnement proposé par Derek Parfit souligne l’importance de la qualité de vie ou du bien-être dans la vie humaine. Imaginons que je puisse choisir entre plusieurs futurs pour ma vie, A, B, C,…,Z; dans B, la longueur de vie qui m’est réservée est le double de celle que j’aurai en A, mais la satisfaction dont je jouirai est diminuée d’un tiers; bref, l’augmentation de ma durée de vie est accompagnée d’une diminution de sa qualité, mais comme cette diminution est inférieure à une demi, la quantité totale de bien reste plus grande en B qu’en A, et donc la vie future B est meilleure que la vie future A. Cela n’est pas forcément gênant: beaucoup d’entre nous choisiraient volontiers une légère diminution de leur bien-être si cela permettait d’augmenter leur longévité. Cela se gâte, toutefois, si l’on poursuit sur cette pente et qu’on imagine les vies futures C, D,…, Z, où chaque fois la longévité croît et la qualité de vie diminue, mais où la diminution de celle-ci est plus que compensée par l’accroissement de celle-là; en Z, on aura donc une durée de vie immense dont la qualité sera proche du plus petit minimum acceptable. A est « le siècle de ravissement » et Z « la morne éternité ». Si l’on estime que l’allongement de la vie vaut autant que la qualité de cette vie et que tout jour en vie gagné possède une valeur positive, il faudra conclure que la morne éternité vaut mieux que le siècle de ravissement. On peut légitimement penser que c’est là une erreur.

L’autonomie de la personne

Un deuxième argument fort répandu est basé sur la liberté personnelle et l’autonomie. On sait quelle importance cette dernière a acquis dans la bioéthique contemporaine par l’affirmation d’un droit à l’autodétermination des patients en réaction au paternalisme médical. L’autonomie confère à chacun le droit à une pleine souveraineté sur sa propre vie, sans empiètement de la part d’autrui, l’individu autonome pouvant être comparé à un gouvernement indépendant qui administre ses territoires et met en place ses politiques.

Ainsi, interdire le suicide ou l’euthanasie reviendrait à violer l’autonomie de la personne et donc sa liberté individuelle. En effet, si l’on suit le principe de non-nuisance de John Stuart Mill, disant que la seule limite qu’on peut mettre à la liberté de l’individu, c’est qu’il ne doit pas nuire à autrui, alors on ne saurait s’opposer à un acte qui ne cause de tort, c’est-à-dire de dommage injuste, à personne, même s’il peut être source d’affliction pour les proches.

Il s’ensuit qu’il faut accepter que certaines conséquences d’une décision libre et autonome puissent être dommageables pour la personne qui a pris cette décision et qu’elles aillent à l’encontre de ses intérêts. Certains argumentent que cette possibilité vaut contre la libéralisation de l’euthanasie. On peut en effet soutenir que mettre fin à ses jours est un acte indésirable, moralement ou rationnellement, et qu’une demande d’euthanasie dénote plutôt une faiblesse morale ou cognitive qui exige que l’individu soit protégé contre ses propres décisions, bref contre lui-même. Cette considération est généralement formulée face à des patients particulièrement vulnérables et revient en fait à demander que la bienfaisance prime sur le respect de l’autonomie, parce que cette dernière ne pourrait pas vraiment s’exercer, si bien que la demande du patient manifesterait un faux désir. D’un point de vue libéral, cette objection est inacceptable, car les choix d’un patient autonome doivent être respectés même s’ils sont irrationnels, à moins qu’on ne puisse le persuader d’en changer.

Une autre objection est parfois dirigée contre la libéralisation de l’euthanasie conçue comme un acte autonome: le suicide revendiqué au nom de l’autonomie serait un acte pour le moins paradoxal, car il détruit l’autonomie elle-même; c’est donc un renoncement auto-destructeur à la liberté. Emmanuel Kant avait déjà affirmé que le suicide est une abomination intrinsèque, car l’homme use ici de sa liberté pour se détruire lui-même.

L’intégrité de la personne

Pour certains auteurs, l’éthique ne doit pas prendre en considération seulement nos actes et leurs conséquences, mais aussi certains traits de la personne que cette dernière cherche à préserver au nom de son intégrité: il s’agit pour chacun de continuer à être la personne qu’il est et de refuser de poser tout acte qui ne serait pas en accord avec elle. Ainsi, ne pas tenir compte de la personne qui agit et ne se préoccuper que des actions reviendrait à gommer l’idée de la responsabilité pour ce que l’on est et ce que l’on fait en tant que soi-même, et en conséquence foulerait aux pieds la valeur de l’intégrité.

À partir de la prise en compte de l’importance morale de l’intégrité, un argument en faveur de l’euthanasie a été proposé qui dit que, dans certaines situations, la personne peut juger qu’il ne lui est plus possible de continuer à vivre conformément aux valeurs qui ont inspiré sa vie, et donc qu’il est licite qu’elle y mette fin; l’en empêcher et l’obliger malgré tout à rester en vie constituerait une atteinte contre son intégrité. James Rachels a distingué la vie au sens biologique et la vie au sens biographique: à partir de là, on peut dire que la demande qu’il soit mis fin à sa vie promeut l’intégrité de la personne lorsque la vie biographique n’est plus possible et que seule subsiste la vie biologique.

L’attitude de Socrate pendant son procès et l’un des motifs qu’il allègue pour ne pas accepter une évasion et un exil illustrent aussi cette situation: il ne pourrait plus continuer à vivre comme il l’a fait jusqu’ici. L’argument de la vie accomplie, souvent mentionné dans les débats aux Pays-Bas et en Belgique, peut aussi être compris ainsi: il arrive parfois un moment dans la vie de la personne où elle estime qu’elle est arrivée à son terme, ayant accompli tout ce qu’elle désirait faire et en étant dans l’incapacité de former de nouveaux projets signifiants, ce qui est source de souffrance.

Les arguments contre la libéralisation

Le Serment d’Hippocrate stipule: « Je ne conseillerai jamais à personne d’avoir recours au poison et j’en refuserai à ceux qui m’en demanderont ». L’idée que l’euthanasie et l’aide au suicide sont contraires au rôle du médecin et aux buts de la médecine est répandue et est soulignée par les Académies de médecine de différents pays. Mais il n’y a pas seulement des arguments de déontologie médicale qu’on peut opposer à ces pratiques; des objections philosophiques et éthiques existent aussi.

La pente fatale

Des programmes d’euthanasie ont été développés dans le cadre de politiques eugénistes coercitives, ce qui connote la pratique de manière très négative dans l’esprit de certains, parlant, en jouant sur le mot, d’« euthanazie ». Le procès de Nuremberg a été le témoin de ces tragiques événements. Ces programmes sont à la base d’un premier argument contre toute libéralisation, celui de la pente glissante ou de la pente fatale. Il affirme que si on accepte de mettre à mort à leur demande certaines personnes en fin de vie, parce qu’elles souffrent affreusement, on en viendra immanquablement à mettre à mort sans leur consentement d’autres êtres humains jugés « indésirables » ou « sans valeur », comme les vieillards séniles ou les malades mentaux.

Il existe deux versions de l’argument de la pente fatale: une version logique, dans laquelle la pente est descendue parce qu’il n’existe aucune bonne raison de s’arrêter à un endroit précis, et une version psychologique qui dit que dès qu’on a cédé sur un premier point, on est amené à céder sur les suivants. Ceux qui n’acceptent pas cet argument le font au nom de deux considérations: soit ils nient que la glissade soit possible ou probable, soit ils soulignent que c’est le propre des normes que d’introduire des limites: par exemple, les lois sur l’interruption volontaire de grossesse (IVG) disent jusqu’à quel moment de la gestation une interruption de grossesse est permise; elles créent par là une frontière normative. Cette limite est bien sûr en un sens arbitraire (elle varie selon les pays et selon les époques), mais ce qui n’est pas arbitraire, c’est de fixer des limites. Dans le cas qui nous occupe, une limite est facile à tracer: elle est constituée conjointement par l’existence de grandes souffrances et la demande du patient (l’euthanasie doit être volontaire), ce qui la distingue définitivement de toute « euthanazie ».

La sacralité de la vie

Considérer que la vie humaine est sacrée semble être un argument qui n’est recevable que par ceux qui partent d’un point de vue religieux, et il est vrai qu’on le rencontre plus chez les croyants que dans les débats philosophiques. Toutefois, l’adjectif est parfois utilisé dans un contexte qui se veut strictement rationnel, et alors il signifie que la vie est une valeur sinon absolue, du moins suffisamment importante pour que des considérations liées à l’autonomie du patient, à son bien-être ou à son intégrité ne puissent prévaloir contre elle.

Dans le langage contemporain de la bioéthique, la sacralité de la vie tend à être remplacée par la dignité humaine, concept moins absolu et qui permet plus facilement d’accepter un arrêt de traitement en fin de vie, ce que presque tout le monde soutient. Toutefois, parler de dignité humaine ne rend pas forcément l’argument plus clair, vu le peu de rigueur observée dans l’emploi de ce concept, voire le vague du concept lui-même. En outre, si tous les auteurs tombent d’accord que la dignité désigne la valeur éminente de la vie humaine, celle-ci est conçue de manière plurielle étant donné la variété des conceptions de l’être humain que l’on rencontre dans nos sociétés.

En ce sens, la dignité est un concept formel, revendiqué par des courants opposés, tant ceux qui sont religieux, que ceux regroupant les partisans du « droit de mourir dans la dignité », comme l’Association pour le droit de mourir dans la dignité (ADMD) en France ou Exit en Suisse. Ces mouvements militent pour le droit à une mort digne, c’est-à-dire à la liberté de mettre fin à une vie considérée comme indigne, à savoir comme une insulte à la personne qu’on est devenu. Chacun des deux courants défend une vision différente de l’être humain: les opposant à toute libéralisation de l’euthanasie argumentent que cette pratique viole la dignité de la vie humaine, qu’elle la dévalue, et que la liberté de la personne doit céder le pas en ce sens que chacun d’entre nous a le devoir de respecter sa propre dignité, alors que ses partisans conçoivent au contraire la dignité humaine comme constituée par l’autonomie et les libertés personnelles.

Le principe des actions à double effet

L’euthanasie est un acte intentionnel qui a deux effets, l’un bon, faire cesser des souffrances, l’autre mauvais, la mort du patient. Que faire lorsqu’on est en présence de situations qui mêlent ainsi bien et mal ? C’est l’objet du principe des actions à double effet (PADE) que de le dire. Ce principe, développé à l’origine par la théologie catholique, est constitué de quatre conditions ou règles dont la satisfaction simultanée est nécessaire pour que l’action soit moralement permise:

1° L’action doit être en elle-même bonne ou indifférente.

2° L’intention de l’agent doit être bonne; notamment, elle ne doit pas porter sur l’effet mauvais.

3° L’effet bon ne doit pas provenir de l’effet mauvais, ce qui signifie que l’effet mauvais ne doit pas être un moyen pour obtenir l’effet bon.

4° Il faut une raison proportionnée pour agir ainsi: qu’il n’y ait pas d’autre moyen d’obtenir l’effet bon et que l’effet bon soit supérieur ou au moins d’égale importance à l’effet mauvais.

Appliquées à la question de l’euthanasie, ces règles disent qu’elle sera licite si l’action est caractérisée comme une intervention visant à supprimer ou à diminuer des souffrances (règle 1), si l’intention de l’agent (le médecin) est bien de supprimer ou de diminuer des souffrances, et non de tuer le patient (règle 2), si la mort n’est qu’un effet latéral de l’action et non son effet direct (règle 3) et si la cessation des souffrances est un bien qui peut entrer en comparaison avec le fait d’abréger la vie (règle 4).

Comme on voit facilement, lorsqu’il s’agit d’euthanasie, la troisième règle n’est pas satisfaite. Si elle autorise l’administration de médicaments qui peuvent hâter la mort par leurs effets secondaires, elle interdit de tuer pour faire cesser des souffrances, puisque dans le premier cas l’effet mauvais n’est qu’une conséquence de l’effet bon, alors que dans le second il en est la cause ou le moyen.

Le PADE constitue donc un argument contre l’euthanasie, qui n’est toutefois pas accepté par tous les auteurs. Il revient à considérer que non seulement la structure intentionnelle de l’action a une valeur morale, ce qui est classique (une action est bonne si l’agent vise un effet bon), mais aussi sa structure causale, puisqu’une action n’est bonne que dans le cas où l’effet bon est la cause de l’effet mauvais. Dans le cas de l’euthanasie, le PADE exprime en définitive notre intuition qu’il n’est jamais permis de tuer directement un être humain innocent.

Les arguments à double tranchant

On a vu que le recours à la dignité humaine est à double tranchant, puisqu’elle est invoquée tant par les partisans de l’aide à mourir que par ses adversaires. Or, ce n’est pas le seul argument à présenter cette caractéristique.

La valeur de la vie. Les arguments présentés par rapport à l’euthanasie, qu’ils soient en faveur de sa libéralisation ou opposés à elle, reposent généralement sur le présupposé que la vie est un bien, et donc que, prima facie, continuer de vivre est bon, si bien qu’on peut désirer rester vivant uniquement parce que l’alternative est un néant posthume et qu’une vie même malheureuse reste préférable à ce néant. Tolstoï met ces paroles dans la bouche d’Ivan Illitch confronté à une mort imminente: « Je ne serai plus. Mais qu’y aura-t-il donc ?… Rien du tout. Et où serai-je, quand je ne serai plus ? Est-ce la mort ?… Oh ! je ne veux pas ! » Ainsi, la vie n’est pas un bien seulement parce qu’elle contient des biens, sinon il suffirait qu’elle contienne plus de maux pour être un mal.

La conclusion que la vie peut valoir la peine d’être vécue même si elle contient plus de maux que de biens a cependant des conséquences très différentes et cette thèse est à double tranchant: pour les uns, si la vie est un bien dans ce sens, c’est parce qu’elle est sacrée, alors que pour les autres, c’est parce que des considérations supplémentaires importent en plus de la balance plaisirs / souffrances. On peut notamment penser que ce qui fait que la vie continue à être un bien, c’est qu’elle possède un minimum de biens de base, comme avoir un travail, suffisamment de nourriture, une vie familiale ou communautaire décente et des espoirs pour le futur. Si ce n’est pas le cas, la vie n’est plus un bien.

Le fardeau. Constituer un fardeau pour autrui est un autre argument à double tranchant. Il est invoqué par les opposant à l’euthanasie qui soutiennent que si cette dernière était autorisée, alors les malades, craignant d’être un fardeau, demanderaient à mourir, ce qui serait une perversion majeure de notre système de santé. D’autres auteurs par contre estiment légitime le souci des personnes très malades de ne pas être un fardeau pour leurs proches et la société, car les premiers ont leur vie à mener et la seconde doit allouer avec justice les soins de santé sans conférer un poids disproportionné à la fin de la vie. La mise sur pieds des soins palliatifs est toutefois une réponse à ce souci et évite en outre de faire porter le fardeau sur les épaules des proches.

Bibliographie

On trouvera une présentation de la législation et de textes à portée juridique de plusieurs pays occidentaux dans l’anthologie dirigée par Alberto Bondolfi, Frank Haldemann et Nathalie Maillard, La mort assistée en arguments, Genève, Georg, 2007. Cette anthologie publie aussi les textes contemporains des philosophes qui ont animé les débats, généralement traduits de l’anglais.

Pour une présentation générale et approfondie de la question de l’euthanasie, on se réfèrera au livre de Jean-Yves Goffi, Penser l’euthanasie, Paris, PUF, 2004. Les différentes positions et les arguments développés dans le débat y sont examinés de manière critique.

Les différents comités nationaux d’éthique ont aussi pris position sur l’euthanasie et l’assistance au suicide; on pourra trouver leurs avis sur leurs sites internet respectifs.