Austin (A)

Comment citer ?

Al-Saleh, Christophe (2018), «Austin (A)», dans Maxime Kristanek (dir.), l'Encyclopédie philosophique, consulté le ..., https://encyclo-philo.fr/austin-a

Publié en avril 2018

 

Résumé

John Langshaw Austin a exercé à Oxford de 1933 jusqu’à 1960. Il est l’une des figures fondamentales (avec Ryle et Wittgenstein) de ce que l’on appelle la “philosophie du langage ordinaire”, qu’il a développée selon une forme originale qu’il a lui-même qualifiée de “phénoménologie linguistique”. Son travail s’est développé dans plusieurs directions. En philosophie de la perception et de la connaissance, il a défendu une forme de réalisme proche de celui de ses prédécesseurs oxfordiens (Cook Wilson et Prichard). En philosophie du langage, il a posé les bases du “contextualisme”, à savoir non seulement l’idée que la sémantique d’un mot se détermine dans un contexte d’usage, mais aussi et sans doute surtout que la vérité d’une affirmation dépend de la relation à une situation. Il est à l’origine de la théorie des actes de langage. Il faut cependant resituer cette théorie dans le contexte plus large d’une philosophie de l’action, qu’il va engager sur le terrain de l’examen des formes linguistiques concrètes et pratiques que sont les excuses. Il est à l’origine, via sa réception par Stanley Cavell, du mouvement ordinariste, et est considéré également comme étant un précurseur du mouvement récent de la “philosophie expérimentale”.


Table des matières

0. Eléments de biographie

1. Phénoménologie linguistique et philosophie du langage ordinaire

a. Philosophie du langage ordinaire et phénoménologie linguistique
b. Austin et le langage ordinaire
c. Origines de l’intérêt d’Austin pour le langage ordinaire

i. La philologie
ii. Le réalisme oxonien

2. Perception et connaissance

a. Le problème de la perception

i. La critique de l’Argument de l’Illusion
ii. Le silence des sens
iii. L’erreur du “divers de la sensibilité”
iv. Influence des idées d’Austin sur la perception

b. La théorie austinienne de la connaissance

i. Exposé de la théorie austinienne de la connaissance
ii. Principales critiques adressées à la théorie austinienne de la connaissance
iii. La théorie austinienne de la connaissance et l’épistémologie contemporaine

1. “Knowledge first!”
2. Epistémologie austinienne

3. Vérité et signification

a. Modèles linguistiques pour la vérité et la signification
b. Influence des idées d’Austin sur la vérité et la signification

4. La théorie des actes de parole

a. Performatifs et constatifs
b. Locution, illocution, perlocution
c. La classification des types d’illocution
d. Postérité de la théorie austinienne
e. Usages de la performativité

5. L’action

a. La structure métaphysique du problème de l’action
b. Phénoménologie linguistique de l’action

6. L’héritage d’Austin

a. Le mouvement “ordinariste”
b. Phénoménologie linguistique et philosophie expérimentale

Bibliographie


John Langshaw Austin est né à Lancaster (Grande-Bretagne) le 26 mars 1911 et est mort à Oxford (Grande-Bretagne) le 8 février 1960 d’un cancer des poumons. Sa carrière a débuté à Oxford en 1933 (All Souls College, puis Magdalen College), où elle s’est entièrement déroulée, si l’on excepte la période de la seconde guerre mondiale où il a servi les drapeaux dans le British Intelligence Corps, c’est-à-dire les unités de renseignement et de contre-espionnage britanniques, services salués par de nombreuses décorations (Officier de l’Ordre de l’Empire Britannique, Officier de la légion américaine du Mérite, Croix de guerre française). En 1952, il devient titulaire de la chaire oxonienne “White” en philosophie morale. Il a également donné des conférences et des cours à Harvard et à Berkeley en 1955, et se lie d’amitié avec Noam Chomsky à cette occasion. A Harvard, il délivre les William James Lectures, qui furent ensuite publiés sous le titre How to do Things with Words? (Quand Dire, c’est faire.)

Sa carrière se caractérise par un nombre relativement restreint de publications. Il semble que l’essentiel de son activité philosophique consistait en cours et en discussions en petit comité. Il a animé, à son retour à Oxford après la seconde guerre mondiale, un groupe de discussion : les Saturday Mornings, qui se tenaient le samedi matin.

Si Austin est surtout connu pour sa théorie des actes de parole et pour son rôle éminent dans le mouvement dit de la “philosophie du langage ordinaire”, il a développé d’importantes conceptions sur des thèmes aussi variés que la vérité et la signification, l’action, la perception, la connaissance et la réalité.

J.L. Austin est considéré, à juste titre, comme l’une des figures les plus importantes, avec Wittgenstein et Ryle, du mouvement philosophique qui s’est surtout épanoui après la seconde guerre mondiale, à savoir la “philosophie du langage ordinaire”. Si Austin se méfiait de ces catégories (de même que “philosophie linguistique”) qui peut laisser croire que l’intérêt pour les faits est oblitéré au profit d’un intérêt excessif pour les mots, il n’en demeure pas moins que le langage ordinaire est considéré par Austin comme la source de toute enquête philosophique sérieuse. On peut resituer l’intérêt d’Austin pour le langage ordinaire par rapport à sa position originale dans l’environnement philosophique oxonien.

La philosophie d’Austin est qualifiée de “philosophie du langage ordinaire”. La philosophie du langage ordinaire est un mouvement qui s’est développé dans les années 1950. Elle consiste à s’intéresser aux usages ordinaires du langage, et à prendre ce terrain comme le point de départ de toute enquête philosophique. Plus radicalement, certains auteurs ont pensé que l’usage reconnu d’un terme est suffisant pour lui reconnaître une portée conceptuelle. C’est ce que l’on appelle l’argument du cas paradigmatique.

Dans le “plaidoyer pour les excuses”, Austin présente une méthode qu’il choisit d’appeler la “phénoménologie linguistique”. Ce terme a été retenu par des commentateurs (DiGiovanna 1988, Sbisà 2011) pour nommer la méthode d’Austin. Quand il est employé de manière très générale par les philosophes, le terme de “phénoménologie” désigne une méthode de description de l’expérience immédiate, c’est-à-dire de ce qui nous apparaît et de la manière dont cela nous apparaît. Si Austin choisit ce terme, c’est parce qu’il refuse que l’on qualifie sa méthode de “philosophie linguistique” ou d’ “analyse du langage”. D’après lui, les considérations sur le langage ne sont intéressantes que dans la mesure où elles permettent d’appréhender les faits avec davantage d’acuité. La philosophie demeure une étude des faits, et pas uniquement des faits linguistiques.

Si Austin privilégie l’analyse des formes d’expression ordinaires, il n’est pas pour autant convaincu que le langage ordinaire puisse jouer le rôle d’arbitre ultime des disputes philosophiques.

Austin résume en une formule la place du langage ordinaire dans les investigations philosophiques : le langage ordinaire doit toujours avoir le premier mot, même s’il serait illégitime de lui laisser systématiquement le dernier mot.

Il y a des occasions où le langage ordinaire peut être amélioré, suppléé, pallié même. Et, de manière plus générale, le langage est une réalité évolutive. Il n’y a donc pas de sens à voir le langage ordinaire comme une source stable de paradigmes qui permettraient de trancher définitivement des questions conceptuelles. On peut même inventer des mots au cours d’une enquête philosophique. Ce dont Austin ne se prive pas, notamment dans Quand Dire c’est faire.

Les origines de l’intérêt d’Austin pour le langage ordinaire tiennent à la fois à sa formation philologique et au contexte philosophique que rencontre Austin à Oxford dans les années 1930 quand il débute sa carrière et qui est marquée par ce que l’on appelle le “réalisme oxonien” (Oxford Realism).

Le rôle qu’Austin attribue au langage ordinaire vient d’au moins deux sources : la philologie et ce que l’on a appelé le “réalisme oxonien” (Oxford Realism). Tout d’abord, Austin a une formation philosophique classique. Ses premiers articles portent sur la philosophie antique, et notamment sur Platon et Aristote. Dans son article sur Aristote, il adopte une méthode qui consiste à cerner les concepts éthiques d’Aristote en s’interrogeant minutieusement sur les différents usages des termes dans la langue grecque. Sa formation philologique a motivé son intérêt pour le langage ordinaire.

Ensuite, comme Mathieu Marion (2000) a pu le souligner, c’est bien à John Cook Wilson, le philosophe le plus important d’Oxford au début du vingtième siècle, que l’on doit cette idée que le langage ordinaire doit réguler les intuitions philosophiques. L’influence de Cook Wilson sur Austin était, via H.A. Prichard, directe, et se confirme par l’examen des thèses d’Austin, notamment sur la perception et sur la connaissance.

Le problème de la perception consiste à se demander si nous pouvons nous fier à nos sens. C’est un problème qui est rendu aigu du fait que la perception au moyen des sens est notre accès le plus direct au monde qui nous entoure et donc à ce qu’il est convenu d’appeler la réalité. Si nous ne pouvons pas nous fier à nos sens, alors comment se fait-il que nous ayons une connaissance du monde qui nous entoure suffisamment précise pour nous y orienter?

Austin soutient qu’il n’y a pas de sens à parler de la perception comme d’une expérience véridique. En général, il n’y a pas trop de sens à se demander si la perception est fiable, si elle est véridique, si elle est correcte, juste, etc. En effet, l’inquiétude quant à la fiabilité ou à la véracité des sens n’est pas une inquiétude habituelle. Elle est plutôt suscitée par des arguments philosophiques qui s’appuient toujours sur les mêmes exemples pour exhiber une possibilité : à savoir que la perception soit généralement trompeuse.

L’un de ces arguments, appelé l’Argument de l’Illusion, part de quelques exemples : le bâton dans l’eau qui a l’air courbe alors qu’il est droit, les hallucinations visuelles (voir des rats roses en pleine crise de delirium tremens par exemple), les mirages, les rêves. Dans ce cas, on a bien l’impression de voir un objet, ou de voir un événement, alors que l’objet n’est pas là, ou que l’événement n’est pas en train de se dérouler ; et, surtout, dans ces cas, il n’y a pas de moyen de distinguer, au moment où on fait ce genre d’expérience, avec une expérience similaire à la différence près que l’objet ou l’événement seraient bien là pour être vus. La conclusion étant alors que nous n’avons aucun moyen de savoir si nous ne sommes pas dans une expérience trompeuse.

Austin a longuement critiqué cet argument dans des cours qui ont été édités et publiés sous le titre Sense and Sensibilia (traduction française : Le langage de la perception).

Les critiques qu’il adresse sont de plusieurs ordres. Tout d’abord, les exemples pris sont trop hétérogènes entre eux pour qu’on puisse tous les ranger sous la seule catégorie d’ “illusion”. Ensuite, si l’on prend par exemple le cas du bâton droit qui a l’air tordu, rien n’empêche de décrire l’expérience en disant que je vois le bâton-comme-tordu. Il est toujours possible de produire une description de l’expérience qui soit suffisamment neutre pour ne pas attacher à cette expérience une sorte d’engagement sur la réalité de ce qui est vu. Enfin, dans le cas des expériences qui ne sont en général pas rangées sous la catégorie abusive d’ “illusion”, la description la plus neutre sera celle de ce qui est sous les yeux, ce qui n’est pas du tout le cas pour les autres types d’expérience. On ne peut donc pas inférer du caractère soi-disant trompeur des expériences rangées abusivement sous la catégorie de l’Illusion au caractère véridique ou trompeur de la perception. Car l’expérience perceptive peut être décrite très simplement comme l’expérience de ce qui se trouve être là, sous les yeux.

Si la perception ne peut pas être qualifiée de vraie ou de fausse, c’est aussi parce que l’on ne peut pas rendre compte du rôle de la perception en disant qu’elle nous fournit un contenu qui serait exprimable en un jugement. C’est la thèse dite du silence des sens. Austin refuse deux idées. D’après la première, le contenu de la perception serait exprimable à travers des énoncés. D’après la seconde idée, les énoncés qui expriment ce contenu auraient une forme typique, cette forme leur donnant une sorte d’incorrigibilité. Il y a en effet une contradiction à vouloir soutenir les deux idées en même temps. D’une part, on soutient que ce qu’exprime un authentique énoncé de perception, c’est ce qui “apparaît” ou ce qui “semble être tel” au sujet percevant ; et, que le contenu de la perception est adéquatement exprimé par ces énoncés. D’autre part, et dans le même temps, on affirme que le sujet ne peut pas se tromper quant à la vérité de ces énoncés, car c’est justement ce qui lui semble tel, ce qui lui apparaît être comme tel, et qu’il est impossible de concevoir une erreur sur ce genre de choses. Aucun sujet ne peut se tromper sur le fait que ce qui lui semble être d’une certaine manière lui semble être d’une certaine manière. Il semble y avoir là une impossibilité logique, et c’est bien ainsi que cela est présenté par les défenseurs de la thèse de l’incorrigibilité (Price, Ayer). Le problème est alors que cet état d’incorrigibilité ne distingue en rien la perception des autres états qui sont tous rangés sous l’étiquette d’ “illusion” dans l’Argument du même nom. Et on ne voit pas du tout en quoi ces énoncés auraient, davantage que d’autres type d’énoncés, la capacité d’exprimer adéquatement le contenu de la perception, si une telle chose existe. Ces énoncés prétendument adéquats à la description du contenu de la perception ne sont adaptés qu’à la description de ce qu’Austin considère comme de purs artefacts philosophiques, à savoir les “sense-data” ou données des sens, ou données immédiates de la sensation.

Austin a en effet consacré beaucoup de temps à critiquer les théories dites des “sense-data”. Les théories des sense-data ont été développées à partir des années 1920. D’après ces théories, il y a bien un objet de la perception, qui est indépendant du sujet ; cependant, cet objet n’est pas l’objet au sens courant du terme, mais ce qui est donné aux sens de par la position du sujet, les structures de l’environnement et ce qui est considéré comme étant la cause et le centre de la scène perçue. Par exemple, dans le cas du bâton, droit, mais qui apparaît tordu, le bâton-tordu-dans-l’eau est le véritable objet de la perception. Pour distinguer cet objet de celui qui est la cause ou l’occasion de la perception, on va parler de sense-datum.

Pour Austin, les sense-data sont des artefacts produits par l’argument de l’illusion. Or, cet argument est mal fondé, et il est tout à fait avisé de le refuser en bloc. Les prémisses sont notamment extrêmement douteuses. Il n’y a pas de raison de supposer que tout ce que la Tradition philosophique a produit de comparable, à savoir les représentations, les idées, les impressions, bref, un ensemble de notions qui ont en commun de dépendre de l’existence d’un “divers de la sensibilité”, ait davantage de consistance, d’un point de vue strictement réaliste, que ces sense-data.

Plus généralement, donc, ce sont les données sensorielles immédiates qui sont des artefacts philosophiques. La notion métaphysique de “divers de la sensibilité” est un non-sens. Les approches empiristes de la perception sont toutes vouées à l’échec, car le donné sur lequel elles se fondent est une notion incompréhensible. Il faut délaisser l’empirisme pour aborder le problème de l’expérience plus empiriquement, notamment en étant attentifs à d’authentiques exemples, analysés en détail, et non pas choisis parce qu’ils illustrent un concept a priori de l’expérience.

Austin est considéré comme ayant, avec Sellars et Wittgenstein, avancé des critiques décisives contre la conception d’après laquelle il y a un contenu de l’expérience perceptive qui est purement donné.

Les considérations d’Austin sur la perception ont très largement influencé des philosophes comme Putnam, Travis ou Cavell. Ces philosophes ont en commun d’avoir proposé de sortir des impasses des débats contemporains, en philosophie du langage et de l’esprit, pour se revendiquer d’un réalisme dit “ordinaire” ou “naïf”. Putnam parle également dans un livre consacré presqu’exclusivement à démontrer l’actualité et la pertinence des thèses austiniennes sur la réalité et le langage, de “seconde naïveté”. Des auteurs (Travis) ont voulu voir dans les thèses de John McDowell sur la perception des thèses influencées par Austin, mais c’est une influence que McDowell a explicitement rejetée (pour ce qui est de la critique du donné, McDowell se revendique davantage de Sellars et de Wittgenstein que d’Austin). En France, Sandra Laugier a consacré deux livres et de nombreux articles à expliquer et à défendre de manière tout à fait inédite le réalisme d’Austin. Pour Sandra Laugier, la force d’Austin est de renouveler l’empirisme en s’appuyant sur une compréhension fine du langage ordinaire, tout en permettant à l’empirisme de ne pas échouer dans les ornières de l’idéalisme. Sa lecture d’Austin est influencée par celle développée par Stanley Cavell dans les voix de la raison, mais également par la critique de l’empirisme logique développée par Quine, auquel elle a consacré un livre.

C’est dans un article consacré au problème de la connaissance des autres esprits qu’Austin développe une théorie de la connaissance. Pour être plus précis, il ne s’agit pas tant d’une théorie de la connaissance que d’une théorie de la signification d’un énoncé comme “je sais que p”. Tout d’abord, Austin montre que tout jugement prédicatif présuppose une affirmation de connaissance.

Par exemple, si j’affirme “c’est un chardonneret”, ce qui est sous-entendu, ou présupposé, c’est que je sais que c’est un chardonneret. D’emblée, cette présupposition peut faire l’objet d’un défi particulier, qui prend la forme “Comment le sais-tu ?”. Si j’avais dit “je crois que c’est un chardonneret”, ou “c’est un chardonneret, il me semble”, j’aurais ainsi détaché cette présupposition. Or, il est toujours possible de poser une question : “qu’est-ce qui te fait croire ça ?”, “Pourquoi le crois-tu ?”. Cependant, ce n’est pas tant une justification qui est demandée qu’une sorte d’explicitation.

Ensuite, Austin constate que, parmi les justifications possibles, il y en a de nombreuses où l’on va faire référence au témoignage d’autrui (au sens large, cela peut comprendre les institutions) ou à son autorité :

“J’ai suivi des cours d’ornithologie pendant trois ans”

“C’est le jardinier qui me l’a dit”

Etc.

D’après Austin, c’est tout particulièrement en lien avec ce genre de justifications que la valeur de l’expression “je sais” apparaît. Il y a des cas où nous ne défions pas les jugements prédicatifs que nous entendons ; au contraire, nous les acceptons et nous les comptons comme des connaissances. Nous ne demandons pas “Comment le sais-tu?”. Nous nous fions à autrui, à son témoignage, à son autorité. Nous avons des raisons de le faire (cette personne sait ce qu’elle dit, c’est l’autorité sur le sujet, etc.). Ce sont nos raisons d’accepter son jugement qui nous dispensent d’avoir à lui demander ses raisons. Autrement dit, nous ne défions pas la présupposition “je sais” qui est implicite dans tous ces jugements.

Austin en déduit que la signification de “je sais” est : “je ne peux pas me tromper”, ou: “vous pouvez accepter ce que je dis, et vous pouvez également refaire cette affirmation sans avoir besoin d’annuler la présupposition”. Quand je ne défie pas le porteur du jugement, cela veut dire que j’accepte ce qu’il me dit et que je le compte comme une connaissance. Austin en conclut que l’énoncé “je sais que p” est davantage analogue à l’énoncé “je promets que p” qu’à l’énoncé “je crois que p”. Les énoncés du type “je sais que p”, mais c’est le cas de tout jugement prédicatif, puisque les jugements prédicatifs “S est P” entraînent la présupposition “je sais que S est P”, sont des énoncés performatifs plutôt que constatifs. Ils formulent un engagement, une attestation plutôt qu’ils ne constatent la présence d’une représentation d’ordre supérieur chez un sujet.

C’est de cette manière qu’Austin propose d’interpréter et de se réapproprier la formule “Si je sais, je ne peux pas me tromper”, qui est au coeur du réalisme oxonien, et, notamment de la philosophie de la connaissance de Cook Wilson (Marion 2000, Al-Saleh 2003a)

Austin insiste également dans cet article sur la relativité de la valeur de connaissance au contexte d’expression des jugements.

Certains auteurs qui sont cependant en accord par ailleurs avec Austin, comme Warnock, ont remis en doute la portée épistémologique des argumentations d’Austin portant sur la connaissance. D’après Warnock, Austin a tort de penser que “je sais que p” ne peut pas du tout être une phrase descriptive, et que penser qu’il peut s’agir d’une phrase descriptive est un exemple du “sophisme descriptif” (descriptive fallacy). D’autres auteurs (White 1957, Woozley 1952), proches du mouvement de la philosophie linguistique, ont également développé ce genre de doutes, en distinguant entre connaissance et prétention de connaissance. D’après eux, les remarques d’Austin sont tout à fait justes et intéressantes si l’on considère qu’elles portent sur le phénomène de la prétention de connaissance, mais manquent d’intelligibilité ou de pertinence empirique dès lors qu’on considère qu’elles portent sur la connaissance.

Une des manières de répondre serait d’arguer que le propos d’Austin n’était pas tant de développer une théorie de la connaissance que de trouver un point dans l’usage ordinaire de l’expression “je sais…” qui rend immune le concept de connaissance aux arguments sceptiques classiques. Austin procède à cette démonstration en s’appuyant sur une comparaison entre deux types d’expressions : “je promets que p” et “je sais que p”. Ce rapprochement est, souligne notamment Warnock, plutôt de nature à nous égarer si nous cherchons à comprendre pourquoi “quand nous savons quelque chose, c’est que nous ne pouvons pas nous tromper”. On peut rester sur le plan de ce que décrivent ces différentes expressions “je sais”, “je ne peux pas me tromper”, sans nécessairement être obligé de se déplacer sur le plan de la performativité pour comprendre l’implication qui gît au coeur du réalisme oxonien, à savoir “si je sais, je ne peux pas me tromper”. D’après Warnock, quand un sujet sait quelque chose, c’est non seulement qu’il est autorisé à dire “je sais”, mais aussi, et surtout, que sa connaissance est garantie par une vérité (il est le cas que p, et je le sais).

Deux voies post-austiniennes se dessinent, relativement à l’héritage d’Austin dans l’épistémologie contemporaine. La première voie, celle du “Knowledge first!”, choisit d’interpréter la maxime “si je sais, je ne peux pas me tromper” dans un sens mentaliste, conforme finalement à la manière dont cela se présente dans le réalisme oxonien standard, c’est-à-dire dans les écrits de Cook Wilson. Cette maxime est vraie car elle exprime les caractéristiques intrinsèques d’un état mental sui generis à savoir la connaissance. La deuxième voie choisit d’interpréter cette maxime dans un sens où l’épistémologie ne traite pas d’états mentaux, mais de situations épistémiques favorables ou défavorables à la production d’un jugement. C’est la voie de la logique (au sens large) des affirmations de connaissance.

Le slogan “knowledge first!” est typique de l’épistémologie oxonienne, dont on situe la source dans les travaux de Cook Wilson. Selon Cook Wilson, la connaissance est un état mental unique en son genre et primitif, qui exprime adéquatement la relation d’un sujet à ses affirmations, quand elles sont vraies. C’est ce qui donne son sens à l’expression “quand je sais, je ne peux pas me tromper”. En effet : “je sais que p” est équivalent à “je suis dans l’état d’affirmer que p & p est vraie”. Il s’ensuit que je ne peux pas me tromper. Bien sûr, on peut toujours être dans un état qui s’apparente à de la connaissance. Mais il s’agit là également d’un état spécifique : “être sous l’impression de…”. Cependant, en aucun cas, il ne faudrait considérer la connaissance comme une espèce de la croyance. Sinon, il est impossible de saisir la relation entre la vérité et la connaissance, ou de faire droit aux pouvoirs inférentiels d’une affirmation. Timothy Williamson est le principal représentant contemporain de l’épistémologie du “knowledge first!”. Les travaux de McDowell sur le disjonctivisme épistémologique sont également à inscrire dans cette lignée (“Knowlege and the internal”, “Criteria, defeasibility and Knowledge”).

Les théories de Williamson marquent une correction par rapport à la déviation qu’Austin avait imprimé à la thèse “quand je sais, je ne peux pas me tromper” dans “Autrui”. En effet, si Austin ne renonce pas entièrement à parler de la différence entre la croyance et la connaissance comme d’une différence entre deux types d’états mentaux, et s’il refuse de définir la connaissance en fonction de la croyance, c’est néanmoins à des nécessités d’ordre pragmatique qu’il va en appeler pour établir ce que l’on peut appeler la logique de la connaissance. En ce sens, il est vrai qu’Austin avait amorcé une sorte de tournant pragmatique de l’épistémologie, s’écartant alors de l’orthodoxie oxonienne.

Cette impulsion austinienne n’est pas restée lettre morte dans l’épistémologie contemporaine. Récemment, Krista Lawlor (2013) s’est revendiquée explicitement de l’épistémologie d’Austin. Elle a entrepris de reconsidérer le rôle des affirmations de connaissance (knowledge-claims). Son idée directrice, austinienne, est que, affirmer une connaissance, c’est donner une assurance. Cette pratique, donner des assurances, est normative. En proposant une reconstruction rationnelle de cette pratique, il est possible de développer une épistémologie, c’est-à-dire la découverte de vérités sémantiques et analytiques sur la connaissance. Krista Lawlor systématise et approfondit le programme développé par Austin dans “Autrui”.

La théorie austinienne de la vérité est développée principalement à deux endroits, dans l’article “la vérité” et dans Quand Dire c’est Faire. Si Strawson (1949, 1950) a développé explicitement une théorie performative de la vérité, Austin a plutôt consacré ses efforts en la matière à proposer une version à ses yeux acceptables de la théorie classique de la vérité comme correspondance entre les énoncés et les faits, le résultat étant d’ailleurs une théorie qui n’a que de lointains rapports avec le correspondantisme dans sa forme standard, comme adéquation du contenu (mental, propositionnel ou linguistique) aux faits.

Alors que Strawson refuse d’attribuer au terme “vrai” un sens substantiel, Austin pense que le terme “vrai” appartient à une classe de termes apparentés (comme “juste”, “correct”, “pertinent”, “précis”) qui trouvent un point d’usage dès lors qu’un énoncé (constatif ou descriptif) ouvre ce qu’Austin appelle une “dimension d’évaluation”.

Strawson considère la réussite d’une théorie performative de la vérité comme un argument en faveur d’une critique déflationniste de la vérité. En effet, en montrant que “vrai” n’a pas de signification substantielle en dehors de “marquer l’accord” dans une situation d’interlocution, il revient même sur l’idée que “vrai” aurait pour objet de marquer l’accord du jugement avec la réalité, le rôle, donc, que la tradition logique et philosophique attribue depuis Aristote à la notion de vérité. Un déflationniste radical n’envisage même pas d’accepter ce minimalisme.

L’approche d’Austin, dont on pourrait penser qu’elle est déflationniste, envisage de délaisser les enquêtes sur la Vérité pour leur préférer des enquêtes sur le prédicat “vrai”. Or, le prédicat “vrai” n’est que l’espèce d’un genre constitué par les termes évaluatifs, sachant que tout énoncé constatif ou descriptif ouvre une telle “dimension d’évaluation”.

Certes, les énoncés constatifs ou descriptifs ont, comme les autres types d’énoncés, des conditions de réussite. Et il faut qu’un énoncé réussisse à dire quelque chose du monde pour pouvoir être qualifié de vrai ou de faux. Mais on aurait tort de croire, comme Strawson, que qualifier l’énoncé constatif réussi de vrai ou de faux, se réduit à marquer un assentiment purement formel, qui ne trouve son sens que dans la situation interlocutoire. Les énoncés comme “c’est vrai” ou “c’est faux” n’ont pas un rôle purement phatique.

Si je suis capable de juger d’un énoncé qu’il est vrai, c’est dans la mesure où je suis capable d’apprécier un rapport complexe entre la fonction de sens interne à un langage, celle par laquelle un type de mot désigne un type d’objet ou de propriété, d’une part, et la fonction référentielle par laquelle des éléments de la phrase sont appelés à désigner, dans l’énoncé, des éléments de la réalité. Cependant, et c’est là que se situe la contribution la plus originale d’Austin, un énoncé n’est pas vrai en vertu de son contenu descriptif, mais en vertu de la situation à propos de laquelle il est produit. La vérité n’est pas une correspondance entre un contenu descriptif et un fait, mais doit plutôt être considérée comme une adéquation à la situation. Tout l’objet des articles d’Austin sur la signification et la vérité est de préciser les modes et les critères de cette adéquation. C’est pour cette raison qu’il est tout de même difficile de parler d’une théorie austinienne et correspondantiste de la vérité. Car le correspondantisme suppose que c’est en vertu de son contenu qu’un énoncé est vrai ou faux, et que c’est la comparaison des contenus et des faits qui permet de déterminer la vérité d’un énoncé.

Dans les articles sur la vérité et la signification, Austin adopte une approche différente des articles où il enquête directement et minutieusement sur les formes d’expression propres au langage ordinaire. Il met en effet en place des “modèles” et travaille dans une sorte de situation lexicale et ontologique idéalisée et drastiquement simplifiée. Cette modélisation n’a cependant pas pour but de construire une correspondance entre la syntaxe des expressions et leur sémantique (ce qui est le principe de toutes les théories de la vérité “à la Tarski”). Dans son article “Comment parler”, par exemple, Austin cherche à désigner les différentes formes que le constatif peut prendre. Le modèle utilisé a pour but de proposer un principe de classement et d’ordonnancement de formes d’expression que l’on peut rencontrer dans le langage ordinaire, chaque fois, par exemple, que nous utilisons des énoncés dont la forme type est “S est P”. Dans l’article sur la vérité, Austin cherche à spécifier le point d’usage et le contenu des énoncés aléthiques, qui ont pour particularité de porter sur des énoncés, et non pas sur des faits. Le modèle utilisé, qui repose sur une idéalisation et une simplification, a bien pour but d’introduire une notion qui est davantage thématisée dans Quand Dire c’est Faire, à savoir la notion de dimension d’évaluation.

Austin procède donc à des modélisations a priori. On est loin de l’image associée parfois à Austin d’une sorte d’empiriste pur, qui collectionne les observations à propos du langage ordinaire.

Charles Travis a contribué à la valorisation de cette approche austinienne de la vérité et de la signification, en développant ce qu’il est convenu d’appeler aujourd’hui un “contextualisme radical” (Ambroise 2005, Gauvry 2013). Travis retient d’Austin l’idée que les énoncés, tous les types d’énoncés ont une plasticité telle que leur interprétation est toujours sous-déterminée. Cette sous-détermination touche deux plans, le plan pragmatique et le plan sémantique. Le plan pragmatique est touché en ce que l’on ne peut jamais préjuger du type d’acte qu’un type d’énoncé permet d’accomplir. Charles Travis a cependant proposé, dans ses premiers travaux, une théorie générative des types d’illocutions (Travis 1975).

Mais si l’on peut prédire quels types d’illocutions un énoncé permet, il n’est jamais possible de prédire comment un énoncé va déterminer une illocution d’un certain type pour un usage donné. Ce modèle avait pour avantage de concilier la plasticité pragmatique à laquelle Austin semble se tenir avec l’intolérance austinienne pour le slogan wittgensteinien des “usages infinis du langage”. Etant donné un type d’énoncé, il n’est cependant pas possible de faire n’importe quoi avec n’importe quel type d’énoncé. La plasticité est là, indéniablement, mais elle est réglée, et donc peut être prédite.

Cependant, et c’est là que gît le contextualisme radical, la fixation du sens suppose de prendre en compte également la variété des types de situations dans lesquelles un énoncé est produit, et les types de situations à propos desquelles un énoncé est produit, sachant que la relation “à propos de” ne peut même pas être considérée simplement à partir de la relation d’adéquation propre aux énoncés descriptifs ou constatifs, relation que la tradition logico-philosophique qualifie pour ce qui est de son aspect épistémologique, d’apophantique, et, pour ce qui est de son aspect logique, de correspondantiste.

De là on peut comprendre comment la sous-détermination touche également le plan sémantique. Dans ses travaux sur la vérité et la signification, Austin a montré que, la forme prédicative (S est P) appelle au moins quatre types d’actes de discours (“Comment parler” cf. Narboux 2011 pour une étude approfondie et décisive de cet article). On peut donc prédire les types d’illocutions (ici des assertions) qu’un jugement prédicatif engendre, mais il est impossible de déterminer à l’avance le type d’assertion qu’un jugement prédicatif va produire dans un contexte donné, même si l’on appauvrit le contexte à l’extrême.

Or, le modèle de la vérité suppose une comparaison de la situation à propos de laquelle est produite l’assertion avec un type de situation qui n’est déterminée que par la visée de l’assertion. Il semble qu’Austin fixe à l’intérêt du locuteur la détermination de cette visée. Et, en ce cas, le contextualisme est effectivement radical. Cette philosophie du langage ne revient cependant ni au relativisme ni au humpty-dumptysme. Elle consiste plutôt à montrer comment le sens parvient à se stabiliser malgré l’inexistence d’une sémantique fixiste qui déterminerait a priori les conditions de vérité des phrases à partir d’aspects de leur structure, et les conditions d’usage des énoncés à partir de leurs conditions de vérité. C’est en ce sens que Austin a déterminé un certain tournant pragmatique dans la philosophie du langage, représenté en France par Recanati (cf. notamment sa postface à la traduction française de Quand Dire c’est Faire). Le contextualisme radical de Travis, d’après lequel les conditions de vérités sont toujours “sensibles à l’occasion”, même si le sens demeure quelque chose de relativement invariant, est la composante la plus poussée de ce tournant pragmatique. Certains auteurs, comme Jean-Philippe Narboux (2011, en particulier p. 227) ont vu dans ces idées austiniennes sur la double visée, aléthique et sémantique, des énoncés vers les situations, de quoi repenser radicalement des notions comme l’intentionnalité.

La notion austinienne de situation a donné lieu à une autre sémantique, avec le concept de “situation austinienne”, à savoir la sémantique des situations, où la quantification des phrases ne porte pas sur des individus ou des événements, mais sur des situations (Barwise & Perry 1999)

C’est dans son ouvrage le plus connu, Quand dire c’est faire (en fait la reprise de notes sur lesquelles Austin s’est appuyé pour donner les conférences William James à Harvard) qu’Austin développe sa théorie des actes de parole. Pour être plus précis, et c’est ce qui constituera le fil conducteur de cette section, si Austin développe une théorie, c’est une classification des types d’illocutions. Il s’appuie, pour amener cette théorie (les théories au sens d’Austin, étant pour l’essentiel des classifications), sur deux distinctions. La première distinction est duelle, entre les énoncés performatifs et les énoncés constatifs. La seconde distinction est trielle, entre le locutoire, l’illocutoire et le perlocutoire. Ces deux distinctions, malgré ce qu’une lecture superficielle (encouragée il est vrai par la mauvaise qualité de l’édition et de la traduction française de Quand dire c’est faire), ne sont pas exclusives l’une de l’autre. On pourra dire en première approximation que la première distinction sert à isoler le phénomène linguistique intéressant, à savoir celui de la performativité, et que la deuxième distinction sert à approfondir la notion de performativité, et donc à mieux circonscrire le phénomène linguistique lui-même, qui va s’avérer être celui de l’engendrement des illocutions.

Quand il élabore cette distinction dans les premières conférences de Quand dire c’est faire, Austin s’adresse surtout aux philosophes. L’illusion descriptive (“illusion constative” serait mieux, mais ce n’est pas cette expression qui a été retenue) affecte surtout les philosophes. Qu’est-ce que l’illusion descriptive ? C’est croire que le sens et l’efficacité de n’importe quel énoncé se réduit soit à ses conditions de vérité, soit aux conditions de vérité d’un autre énoncé, qui en serait la traduction dans un langage suffisamment normé pour ne compter que les composantes essentielles au contenu descriptif. Par ailleurs, la vérité d’un énoncé serait la correspondance entre son contenu descriptif et un fait. Les éléments des énoncés intéressants philosophiquement seraient des représentants dans l’énoncé d’éléments de la réalité. On reconnaît dans cette version de la vérité-correspondance des idées qui sont typiques des débuts de la philosophie analytique (le Russell de la Philosophie de l’atomisme logique, le premier Wittgenstein, et le Cercle de Vienne).

Ce n’est pas tant à cette dernière conception qu’Austin s’attaque au début des conférences William James (il critique cette conception dans les articles sur la vérité et la signification), mais plutôt à l’illusion qui consiste à vouloir voir dans ce modèle, le modèle de la vérité-correspondance entre les énoncés et les faits, de quoi expliquer tous les faits de langage. Les énoncés privilégiés par les philosophes auxquels Austin s’adresse ont la particularité remarquable d’être tournés vers ce qui est fait, ou passé.

Or, il existe des énoncés qui sont à peu près structurés comme les jugements prédicatifs favoris des philosophes, mais dont ni le sens ni l’efficacité ne peuvent se ramener à des conditions de vérité, et qui n’ont pour objet ni de décrire ni de constater.

Prenons un énoncé comme “Tiens, je te donne cette montre !” (A). On pourrait le paraphraser par : “X déclare que cette montre ne lui appartient plus mais appartient à la personne à qui il s’adresse.” Mais c’est supposer que l’acte (donner cette montre) a déjà été réalisé, ce qui n’est pas le cas, sinon l’énoncé A n’aurait pas de point d’usage.

Supposons alors que l’énoncé A tienne son sens de ce qu’il constitue une description de X en train de donner la montre. Il resterait à expliquer en quoi consiste le fait de donner la montre. Or, ce fait consiste en partie dans le fait de dire “Tiens, je te donne cette montre.” On devrait admettre que, à supposer que A se plie à l’analyse en termes de vérité-correspondance, le fait de prononcer A fait partie du contenu descriptif de A. On voit aisément à quelle régression à l’infini on peut aboutir.

Il faut donc admettre que, même si un usage de A peut être de me décrire en train de donner une montre, il ne s’agira pas du point essentiel de A, le point essentiel de A étant d’être un élément déterminant dans l’accomplissement de quelque chose. Ici, dire “Tiens, je te donne cette montre!” c’est accomplir le fait de donner sa montre.

Le problème est alors de savoir si l’énonciation réussit ou échoue, et cela est hétérogène à des considérations sur la vérité ou la fausseté des énoncés.

Par exemple, pour que A réussisse, il faut que la montre m’appartienne, qu’elle soit dans le coin quand l’énoncé est prononcé. Il faut que je comprenne les mots que je prononce, que je n’aie pas l’intention de reprendre immédiatement cette montre, etc. Conditions qu’Austin recense dans une nomenclature précise, en se demandant, selon une méthode qui lui est particulière, en combien de sens l’énoncé A peut échouer, quelles sont les “infélicités” qui peuvent l’affecter.

Ces énoncés, qui ont pour rôle d’accomplir quelque chose, et qui sont caractérisés par des conditions de félicité, Austin les appelle des énoncés performatifs.

Or, comment distinguer les énoncés performatifs des autres types d’énoncés ? Ou plutôt, comme il y a de la performativité dans tout énoncé, comme distinguer les performatifs purs des autres énoncés ?

Aucun critère satisfaisant n’est trouvé. Un critère qui semblait prometteur était pourtant l’explicitation en première personne au présent de l’indicatif.

Comment indiquer que “Je vais venir demain” est une promesse? L’explicitation réussie en première personne au présent de l’indicatif, à savoir “je promets que je vais venir demain” semble tenir à la nature performative implicite de “je vais venir demain”.

On pourrait être encore plus explicite: “par l’énonciation présente, je promets que je vais venir demain”. On comprendrait ainsi comment cette explicitation met en évidence un acte de discours, et pas un autre. Par exemple, cela ne marche pas avec “par la présente, je répare le clignotant avant-gauche de ma berline”. Mais pour le verbe “arrêter”, cela marche: “par la présente, je vous arrête (déclare en état d’arrestation)”. Ce dernier exemple indique mieux ce qu’Austin entend en disant qu’il recherche des verbes, qui, par leur présence, attestent bien de la performativité de l’énoncé. Arrêter quelqu’un, c’est, de part en part, un acte purement linguistique, entouré bien entendu pour son succès de conditions qui peuvent être extra-linguistiques, et que Austin appelle les conditions de félicité (en l’espèce, être un Officier de Police Judiciaire assermenté, dans l’exercice de ses fonctions).

Cependant, ce critère, s’il est admis, conduit à réputer comme performatifs des énoncés que l’on aurait envie de classer parmi les descriptifs ou les constatifs, comme “le chat est sur le tapis” que je peux, en effet, expliciter en “je constate que le chat est sur le tapis”, “je remarque que le chat est sur le tapis”, “je dis que le chat est sur le tapis”, et dire, constater, remarquer sont bien des actes de discours.

L’effondrement de ce critère peut être interprété en deux sens. Soit dans le sens d’un encouragement à continuer à chercher un critère, soit dans la remarque que la performativité des énoncés est un trait finalement assez général, et qu’il faut donc approfondir le concept d’accomplir quelque chose en disant quelque chose plus finement.

C’est dans la deuxième direction qu’Austin s’oriente.

Il choisit alors de se demander quels types d’entités dire nous permet de produire ou d’accomplir. Il en relève au moins trois, et fournit ainsi une autre nomenclature (Quand Dire c’est Faire contient beaucoup de nomenclatures): la locution, l’illocution et les effets perlocutoires. Le but de la nomenclature est de fournir un cadre de classification raisonnée de tous les verbes d’une langue qui nomment des actes qui sont, d’une manière ou d’une autre, de langage: dire, parler, promettre, mais aussi: plaisanter, étonner, indigner…

Un exemple permettra de comprendre ce qui est en jeu, étant donné par ailleurs que la distinction entre l’illocutoire et le perlocutoire comporte des difficultés spécifiques.

Quand je dis (au sens le plus général) quelque chose, le premier résultat est la production d’un énoncé. Par exemple: John a dit “le chat est sur le tapis”. Cela veut dire qu’il a prononcé certains mots dans un certain ordre.

En disant “le chat est sur le tapis”, John a la possibilité d’accomplir plusieurs choses différentes. Il peut dire que le chat est sur le tapis (mais il aurait pu prononcer d’autres mots dans un autre ordre, pour le dire, par exemple: “sur le tapis le chat est”). Il peut être en train d’assurer à quelqu’un qu’un fait a lieu dans une autre pièce, etc. Ce qu’il est possible d’accomplir en disant (in locutio) des mots dans un certain ordre, c’est ce que l’on appelle des illocutions. John peut promettre que le chat est sur le tapis, constater que le chat est sur le tapis, regretter que le chat soit sur le tapis, etc.

De par sa promesse, John peut provoquer chez son interlocuteur une représentation ou une croyance. Marie peut croire que le chat est sur le tapis, parce qu’elle croit que John a des pouvoirs quasi-divins et qu’il lui suffit de promettre ou de dire sur le ton de la promesse quelque chose pour que cette chose se réalise. L’effet perlocutoire est censé ne pas être relié conventionnellement aux mots, et en particulier, au type d’illocution engendré, selon le contexte. Mais ce critère n’est pas aussi aisé qu’il en a l’air.

Prenons le cas d’une dictature très sévère, avec une transmission dynastique et héréditaire du pouvoir, adossée à un culte hyperbolique de la personnalité, comme c’est le cas en Corée du Nord. Si des coréens sont rassemblés dans une salle, et que l’orateur déclare “Kim Jung Un est malade” (on s’imagine que le nom du dictateur est accompagné d’un certain nombre de qualificatifs divins, mais cela n’est pas le problème ici), alors l’effet de ces paroles, dont la valeur illocutoire est sans doute la déclaration, sera de provoquer des manifestations extrêmes de détresse émotionnelle et affective, et malheur à celui ou à celle qui manquera d’avoir ces réactions. Pourtant, on continuerait à penser qu’il faut maintenir tout de même ici une limite stricte entre la valeur d’illocution des mots “Kim Jung Un est malade” prononcés dans ce contexte, et les effets perlocutoires: les pleurs, cris, etc. Pourtant, c’est bien, d’une certaine manière, conventionnellement, que les effets en question sont attachés aux mots en question. Et on pourrait faire cette remarque à partir d’exemples moins extrêmes.

Le but d’Austin reste tout de même d’explorer aussi complètement que possible l’idée qu’il pourrait y avoir des actes qui ne soient que de langage, même si leurs conditions d’accomplissement peuvent être extra-linguistiques. Dans Quand Dire c’est Faire, Austin fait le choix de considérer que c’est le cadre illocutoire qui permet de repérer et de classer tous les verbes d’une langue qui nomment des actes qui ne sont que de langage. Il est vrai qu’Austin, pour accomplir ce but, contourne un bon nombre de difficultés, dont la réalité de la distinction entre illocutoire et perlocutoire, et, également, nous le verrons plus bas, les critères de classification des types d’illocutions.

Si le critère de la première personne du singulier du verbe au présent de l’indicatif ne sert pas de critère pour isoler des énoncés performatifs purs, il peut néanmoins servir de test pour isoler des verbes qui concernent le fait d’accomplir quelque chose en disant quelque chose et qui recèlent donc une dimension illocutoire.

Le test peut être explicité ainsi:

Soit un verbe, X-er.

Si on peut dire d’un sujet qu’en employant le verbe X-er à la première personne du singulier au présent de l’indicatif, le sujet accomplit l’action de X-er, alors le verbe X-er peut entrer dans une des classes des verbes illocutoires.

Exemple:

En disant “j’ouvre la séance”, le président ouvre la séance. (1)

“Ouvrir” est un verbe illocutoire.

? En disant “je t’insulte”, Marc t’insulte.? (2)

Là, cela pose un problème, car il faut prononcer une insulte particulière pour insulter, il ne suffit pas de dire “je t’insulte”. Même si la phrase n°2 pourrait être considérée comme constituant une explicitation d’une nouvelle manière d’insulter.

Dans tous les cas, si on prend un dictionnaire français, et que l’on fait passer ce test à tous les verbes rencontrés, alors, normalement, on doit pouvoir dresser la liste de tous les verbes que l’on va qualifier de “verbes performatifs français” (Vanderveken 1988, chapitre VI), performatifs étant pris au sens large. Il faut noter qu’en ce sens, les deux expressions “verbes performatifs français” et “verbes illocutoires français” sont synonymes.

Austin propose, dans la douzième conférence de Quand Dire c’est Faire, de répartir les verbes performatifs anglais en cinq classes, sans néanmoins articuler les principes de cette nomenclature.

Les verbes verdictifs (Verdictives) sont ceux au moyens desquels on rend un verdict. Donner le résultat d’un calcul ou d’une réflexion peut entrer dans cette catégorie. Exemples de verbes verdictifs: mesurer, condamner, classer.

Les verbes exercitifs (Exercitives) permettent l’exercice d’une prérogative, d’un droit, ce que l’on peut qualifier généralement de “pouvoirs”. Exemples d’exercitifs: condamner (noter que ce verbe se trouve également parmi les verdictifs), voter pour, révoquer.

Les verbes promissifs (Promissives) permettent de s’engager, de prendre en charge. La classe est suffisamment pour comprendre les verbes qui vont réellement nous engager, comme le paradigmatique “promettre”, et ceux qui peuvent manifester une vague intention de s’engager, comme “prévoir” ou “se proposer de”.

Les verbes comportatifs (Behabitives) concernent le domaine des attitudes et du “comportement social”. Il semble qu’Austin va y classer tous les verbes qui interviennent dans les rituels sociaux, dans ce que l’on peut appeler la politesse au sens large, ou, pour reprendre une expression du sociologue Goffman (1974), les “rituels d’interaction”. Austin présente cette classe différemment, puisqu’il va la diviser en cinq types de rituels d’interaction: les excuses, les remerciements, l’expression de la sympathie, les attitudes, les salutations, les souhaits, les défis.

Les verbes expositifs (Expositives) permettent d’expliciter une position argumentative. C’est, avoue Austin, la classe la plus difficile à définir. Exemple d’expositifs : postuler, affirmer, remarquer…

La présentation austinienne des classes de verbes performatifs n’est pas soutenue par une déduction des catégories utilisées. Il présente cinq classes, et compare les classes les unes avec les autres sans exclure par ailleurs qu’il puisse se présenter une quantité de cas marginaux qui vont brouiller les limites. Les critères d’admission d’un verbe dans une classe plutôt qu’une autre ne sont pas non plus explicités. Et le champ de validité du critère d’explicitation peut même être remis en doute (par exemple avec des verdictifs comme “mesurer”, à moins d’un usage spécifié ad hoc du verbe “mesurer”…)

Searle et Vanderveken (1985, cf. aussi Searle 1969 et Vanderveken 1988) ont orienté leurs efforts de manière à rendre systématique et non-ambiguë la classification des verbes performatifs d’une langue, de manière à construire une “sémantique générale”, ou “logique illocutoire”. Dans ce cadre, la déduction des cinq types de verbes illocutoires (c’est-à-dire montrer qu’il existe exactement cinq types primaires d’illocutoires) est fondamentale, cet aspect ne semblant pas urgent pour Austin. La catégorie des “comportatifs” a été jugée inutile.

Vanderveken (1989) retient cinq types de verbes (cinq types illocutoires primaires): les verbes de type assertif, les verbes de type engageant, les verbes de type directif, les verbes de type déclaratif, et les verbes de type expressif. Il utilise cinq paramètres pour distinguer ces cinq classes: le but, le mode d’accomplissement, la condition sur le contenu propositionnel, la condition préparatoire, la condition de sincérité et le degré de puissance.

Vernant (1997) a proposé une nouvelle classification des verbes performatifs, en prenant en compte la dimension interactionnelle et transactionnelle de tout acte de discours, pour sortir de la perspective “monologique” qui limite, selon lui, les travaux d’Austin, et les bases de la sémantique générale ou logique illocutoire proposée par Vanderveken et Searle. Vernant retient trois catégories, qui se répartissent chacune en deux sous-catégories (selon le rapport de l’agent au sujet, ce qui n’est pas présent, en effet, dans les perspectives caractérisées par Vernant de “monologiques”): les métadiscursifs, qui se divisent en citatifs et expositifs, les assertifs, qui se divisent en constatifs et descriptifs, les engageants, qui se divisent en directifs et promissifs.

La notion de performativité a connu une fortune critique, au-delà de la linguistique et de la philosophie du langage et de l’esprit. Parmi les réceptions les plus marquantes, on se contentera de noter celle de la philosophie féministe Judith Butler, qui, dans Excitable Speech (Butler 1997) s’est appuyé sur les travaux d’Austin et de Searle, pour penser dans le cadre de la notion de performativité, la notion de “genre”, et plus généralement, le pouvoir, minorisant ou libérateur, des mots.

J.L. Austin revendique l’héritage d’Aristote. On peut considérer qu’il existe deux types d’écrits d’Austin sur l’action. Dans les écrits du premier type, Austin traite du problème de l’action. Cela veut dire qu’il se prononce sur la structure métaphysique du problème de l’action, et sur les difficultés intrinsèques à cette notion, tout en partant de la manière ordinaire de parler des actions. Dans les écrits du second type, il traite de problèmes relevant du domaine de l’action en appliquant sa méthode, la phénoménologie linguistique. Cela veut dire qu’il étudie empiriquement des phénomènes qui relèvent du domaine de l’action. Deux études se trouvent développées sous ce rapport, l’une, la plus célèbre, portant sur le phénomène de excuses, la seconde portant sur le phénomène du “faire-semblant” (pretending). Le fil conducteur reste néanmoins un intérêt pour les catégories de notre langage à propos des actions. Autrement dit, Austin privilégie le terrain du langage ordinaire pour dégager les structures de l’action humaine.

C’est dans le cadre de son enquête sur les actes illocutoires, et, particulier sur la différence entre les actes illocutoires et les actes perlocutoires qu’Austin est amené à s’exprimer sur un problème fondamental de la métaphysique de l’action.

La métaphysique est la description des structures les plus générales de la réalité. Une métaphysique simple de l’action peut considérer qu’un acte est accompagné et permis par des causes physiques, et qu’il se trouve à l’origine d’une série causale bien définie. Le problème de la liberté est justement de savoir comment l’on peut donner un sens dans un univers déterministe à cette idée de l’irruption d’une origine inédite, qui rompt la causalité stricte pour provoquer une autre série causale. La difficulté est que l’on doit alors trouver un sens à une notion aussi difficile que celle du “libre choix”. Pour déterminer néanmoins la série des causes qui relèvent de la doctrine de l’action, il est nécessaire d’être capable de distinguer un acte purement physique (même s’il est effectué par une personne capable d’action, et donc de produire des actes au sens privilégié par la métaphysique de l’action) d’un authentique acte, dont la description indique une responsabilité. L’apport essentiel d’Austin sur la question consiste à montrer qu’il “n’y a pas de limite à l’acte physique minimum” (Austin 1991, p.118).

Selon un exemple bien connu, Austin rappelle que, dans la plupart des cas, quand nous demandons “qu’est-ce que cette personne a fait?”, il existe toute une série de réponses possibles, qui sont toutes correctes.

“Oswald a replié son index.”

“Oswald a appuyé sur la gâchette.”

“Oswald a tiré un coup de fusil.”

“Oswald a assassiné Kennedy.”

Cela veut dire que l’on attribue à Oswald les actions suivantes:

Replier son index.

Appuyer sur la gâchette.

Tirer un coup de fusil.

Assassiner Kennedy.

La mort de Kennedy (c’est-à-dire ce qui est le résultat de l’assassinat) est la conséquence causale du tir de coup de fusil, qui est la conséquence causale du mouvement de la pression sur la gâchette, qui est la conséquence causale du mouvement de l’index.

Mais on pourrait également dire que dans l’environnement physique de cet instant T, le mouvement de l’index devait nécessairement provoquer la mort de Kennedy.

La chaîne causale est parfaitement rigide, et sans solution de continuité.

Si Oswald replie son index en connaissance de cause, alors il est responsable de la mort de Kennedy.

Comme un mouvement physique n’est jamais isolé, et que nous avons cette possibilité de répondre à la question de “ce que cette personne a fait” comme évoqué précédemment, alors il s’ensuit que, quel que soit le degré de précision que nous donnions à la description de manière à tenter de la réduire à une description purement physicaliste, nous ne parviendrons jamais à l’acte physique minimal, c’est-à-dire celui dont les métaphysiciens vont se poser la question de savoir s’il est causé par la volonté. On peut toujours considérer une cause comme un effet, et chercher à nouveau une cause.

Mais avec le mouvement de l’index, est-ce qu’en cherchant d’autres causes, on n’irait pas en-deçà de ce qui peut être appelé un “acte” (mouvement des nerfs, afflux sanguins, différentiels post/pré-synaptiques), et on ne change tout simplement pas le sujet? Il y a tout de même bel et bien une limite à l’acte physique minimal, et c’est ce que l’on décrirait en décrivant l’acte d’Oswald, comme consistant en un mouvement de l’index.

La réponse d’Austin à cette objection vient dans une note de la neuvième conférence de Quand dire c’est faire (Austin 1991, p.121):

“Notez que si nous supposons que, lorsque nous disons ‘j’ai remué le doigt’, l’acte physique minimum est un mouvement du corps, le fait que l’objet mû est une partie de mon corps introduit, en réalité, un nouveau sens de ‘remuer’. Ainsi, je puis remuer les oreilles comme fait l’écolier, ou bien en les serrant entre le pouce et l’index; ou remuer le pied comme on fait d’habitude, ou bien en le massant avec la main, comme lorsque j’ai des fourmillements. C’est l’usage courant de remuer, dans ces exemple, qui est dernier : nous n’avons pas à remonter, par exemple, jusqu’à ‘tirer sur mes muscles’, etc.”

Reprenons le cas d’Oswald. Si nous disons “Oswald a replié son index”, nous pouvons croire que nous avons là la description d’un mouvement physique minimal (dont Oswald, entité métaphysique suspecte serait la cause, selon une causalité mentale). Car nous pourrions penser que cela pourrait être décrit comme: Oswald a fait en sorte que le volume occupé par son index se modifie successivement et continûment selon une certaine fonction mathématique plutôt compliquée. Mais cette modification successive et continue pourrait être décrite dans pas mal de cas où l’on ne dirait pas que “Oswald a replié son index”, en tout cas pas au sens qui est pertinent ici. Autrement dit, si il y a un sens à fixer une limite à l’acte physique minimum, c’est toujours dans le cadre de la description de l’acte la plus pertinente contextuellement .

C’est au détour d’une note, mais cela illustre de manière éclatante un aspect fondamental de la philosophie austinienne de l’action. Le seul critère de l’action, c’est que la description la plus pertinente contextuellement fait appel à la nomenclature de ce que nous appelons une action. Par ailleurs, Austin, avec cet exemple, et cette variation sur le sens de “remuer” indique bien une double détermination contextuelle. L’application de la notion d’acte physique minimale est toujours relative à la description qui est la plus pertinente contextuellement. C’est en général la détermination a priori et pratique d’une responsabilité qui fixe le critère de pertinence contextuelle (c’est en tout cas ce qui ressort des exemples que choisit Austin, où l’on part toujours de la responsabilité d’un agent pour déterminer ensuite les différentes déterminations d’un acte), mais cette détermination, va, en retour, fixer le sens contextuel des verbes d’action. Les verbes d’action ont, en effet, un spectre sémantique large (ce que nous pouvons dire), dont la portée authentique (ce que nous disons) n’est déterminée que dans ce contexte.

L’aspect premier de la responsabilité dans la sémantique située des verbes d’action est exploré plus spécifiquement dans l’article sur les excuses.

Les considérations sur l’action développées dans Quand dire c’est faire soutiennent une “théorie générale de l’action” (Austin 1991, p.117) dont le pilier est le rejet pur et simple de la possibilité de fixer sans la désignation d’un contexte un critère qui permette de déterminer, parmi les multiples descriptions possibles de ce qu’une personne fait ou est en train de faire, un “acte physique minimum” où ni les intentions de la personne, ni les conséquences conventionnelles ne sont engagées. Certes, nous avons besoin ordinairement d’être capables de décrire de cette manière (“neutre”) les actes d’une personne. Mais c’est pour voir comment la responsabilité s’engage, et non pas pour repérer une causalité qui permettrait métaphysiquement la responsabilité. Tout part de l’action, et, donc, de la responsabilité. La phénoménologie linguistique qui part de l’examen des mots, pour examiner la réalité, est la seule méthode efficace pour observer cet engagement de la responsabilité. Il faut donc déterminer des domaines où nous nous engageons pratiquement tout en produisant des descriptions de l’action (et tel est le cas du domaine des excuses. Ainsi, on dégage une sorte de métaphysique ordinaire de l’action, mais en un sens très minimaliste, le primat de la détermination contextuelle interdisant toute assomption d’entités qui seraient autres que nos mots ou que les choses qui sont présentes sous les yeux.

Pourquoi prendre pour point de départ la pratique linguistique des excuses peut-il permettre de résoudre les problèmes philosophiques posés par l’action et par la catégorie de l’action? Une bonne partie de l’article d’Austin sur les excuses est consacré à répondre cette question. Ce faisant, c’est également dans cet article qu’Austin présente sa méthode, en lui donnant un nom: la “phénoménologie linguistique”. Il est certain qu’Austin devait considérer son travail sur les excuses comme l’exemple le plus abouti de ce qu’il pouvait estimer être un travail philosophique valable et intéressant. Rappelons que, lors de sa venue à Harvard, il donna un séminaire sur les excuses, auquel le jeune Stanley Cavell assista.

La thèse d’Austin est que les mots que nous choisissons, quand nous faisons des excuses, et en particulier les adverbes que nous utilisons (délibérément, exprès, volontairement…) éclairent un aspect de l’action, précisément celui qui ne s’est pas produit comme il aurait dû se produire. Ce qui peut constituer une excuse est déterminé en contexte, et la pertinence de l’excuse est à la mesure d’une perception de la valeur de l’action. D’après Austin, en étudiant le domaine des excuses, on est à même de mettre en jeu des distinctions beaucoup plus fines et intéressantes que la traditionnelle alternative volontaire/involontaire. En observant les mots, et la manière dont ils s’appliquent ou non à des situations (ici des situations où la morale des personnes est engagée), on observe également, et finement, le domaine en question.

Austin se considère lui-même comme étant en rupture avec les manières traditionnelles de faire de la philosophie. Il critique la “philosophie dans son fauteuil” (Armchair Philosophy), dans l’article “Autrui”. Par ailleurs, sa méthode se revendique d’un examen des expressions langagières réelles. Il est considéré à cet égard comme un représentant exemplaire (voire sans doute comme le représentant exemplaire) de la philosophie du langage ordinaire. Toutefois, cet héritage peut être interprété dans deux directions bien différentes et qui peuvent même s’opposer. La première direction consiste à s’appuyer sur les déclarations où Austin semble considérer (notamment dans le “Plaidoyer pour les excuses”) que la phénoménologie linguistique prépare une “sortie de la philosophie” vers une “science du langage”. La deuxième direction s’appuie sur une certaine lecture d’Austin, qui inciterait à dire, à la suite de Stanley Cavell, que ce qui est important dans la philosophie d’Austin est qu’elle nous incite à prendre au sérieux ce que la philosophie s’ingénie en général à ne pas prendre au sérieux, à savoir l’ordinaire. Il y a donc une ligne de fracture dans la réception d’Austin entre celles et ceux qui y voient le fondateur d’une lignée “ordinariste”, et celles et ceux qui considèrent qu’Austin a surtout montré que la philosophie n’était intéressante que dans la mesure où elle n’avait pas peur de développer de nouvelles méthodes pour examiner les faits, nouvelles méthodes qui peuvent ensuite se cristalliser en sciences et se détacher du noyau de la philosophie.

Principalement porté par Cavell et ses interprètes (dont la représentante la plus notoire en France est Sandra Laugier), le mouvement ordinariste considère que ce n’est pas tant l’intérêt pour le langage ordinaire que l’intérêt pour le langage ordinaire qui est important chez Austin. Considérer Austin comme un “penseur de l’ordinaire”, amène à le situer dans une tradition repérée et soulignée par Cavell, qui va puiser dans les textes d’Emerson et de Thoreau. Sandra Laugier caractérise cette “pensée de l’ordinaire” (Laugier 1999b, p.14) de la manière suivante: “…beaucoup de choses que nous croyons découvrir dans le ciel de la philosophie sont devant nous, ou à nos pieds. Il ne s’agit pas là, est-il besoin de le préciser, de faire de l’antiphilosophie [sic] ou de l’antithéoricisme [sic], toutes positions trop souvent attribuées à Wittgenstein et à Emerson; encore moins de rabaisser, comme on le fait trop souvent, dans une espèce de poujadisme philosophique qui a toujours ses séductions, et qu’on attribue parfois à Austin, les prétentions de la philosophie. Il s’agit plutôt de réinventer la philosophie en d’autres termes.” (id.) La revendication de l’ordinaire envisage la philosophie comme “critique de la culture”, d’après la définition de Cavell, la culture étant définie en un sens très large, et s’appuie sans cesse sur l’idée que l’essentiel des perplexités philosophiques viennent de ce que le sol de l’ordinaire a été perdu. Le geste austinien qui consiste à privilégier, par exemple, l’étude des excuses, contre le choix traditionnel d’une réflexion abstraite et métaphysique sur l’action, est considéré comme exemplaire de cette philosophie de l’ordinaire. Rappelons que Austin, lors de son séjour à Harvard en 1955, avait, en plus, des conférences William James, donné une série de cours sur les excuses, auxquels assista Cavell (il le raconte dans son autobiographie: Cavell 2010, pp.320-6).

Politiquement, l’ordinaire étant strictement solidaire d’une définition de ce qui est commun, ma capacité à repérer ce qui est ordinaire relève de ma capacité à avoir une voix, et, en particulier, à dire “nous” (Cavell 1958). Si la philosophie est la critique de la culture, et de la culture en ce qu’elle a de plus partagée, c’est dans cette mesure.

Ce qui s’est développé depuis quelques années comme “philosophie des séries télévisées” relève très largement de ce mouvement ordinariste. Une oeuvre culturelle vaut à la fois (et est analysée en ce sens) pour son immersion dans ce qui est commun et pour sa capacité à nous améliorer moralement (cf., par exemple, Allouche & Laugier, éd. 2014). Le fil conducteur existe bien qui reconduit du geste inaugural d’Austin dans son article sur les excuses à la philosophie de produits culturels communs (voire mainstream) comme les séries TV. Ce fil conducteur, c’est le mouvement ordinariste.

L’autre direction est celle d’un prolongement des intuitions d’Austin dans le mouvement relativement récent de la philosophie expérimentale. Ainsi Nat Hansen (2012, 2014, 2017) a rapproché la démarche d’Austin de celle du mouvement récent de la philosophie expérimentale. La philosophie expérimentale partage en effet avec la philosophie du langage ordinaire une méfiance envers les catégories a priori et la “Armchair Philosophy” (la philosophie dans un fauteuil). Toute affirmation philosophique doit être soutenue, comme c’est le cas pour les autres sciences, par une série d’expériences concordantes. En particulier, on ne peut pas déterminer “ce que nous dirions quand” (par exemple, en s’interrogeant sur une expérience de pensée) a priori, c’est-à-dire en ne se fiant qu’à ses seules intuitions. Une enquête expérimentale, sur le modèle de ce qui est pratiqué dans les sciences cognitives, est nécessaire. Austin est, dans cette mesure, considéré comme une sorte d’ancêtre de la philosophie expérimentale.

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Christophe Al-Saleh
Université de Picardie
christophe.alsaleh@u-picardie.fr